II - Mardi 21 novembre

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Ma voisine en cours de maths était en train de m'expliquer comment appliquer des exponentielles à des logarithmes népériens - et je comprenais la moitié de ce qu'elle me racontait - alors qu'on sortait du lycée. J'aurais bien voulu lui dire de me lâcher, mais comme c'était moi qui lui avais, à la base, demandé de m'aider, j'allais passer pour une impolie. La chose qui me dérangeait, c'était qu'elle s'emportait et m'en parlait depuis maintenant dix bonnes minutes.

- Eh, connasse ! a fait une voix dans mon dos.

Mon sang n'a fait qu'un tour. Non, ça ne pouvait pas être toi, pas ici ?

- Euh, je pense que ce mec t'en veut... a murmuré ma camarade de classe en te regardant sûrement arriver dans mon dos.

- C'est ça, me suis-je empressée de répondre. Fais genre que tu ne l'as pas entendu et éloignons-nous.

Trop tard. Ta main s'est posée sur mon épaule, et je me suis sentie obligée, par cette misérable convention officieuse de porter attention à celui qui vous touche l'épaule, de me tourner vers toi.

Tu étais différent de la personne avec qui j'avais parlé il y avait quelques jours. En plein jour, tu paraissais moins attirant. Sans alcool, tu souriais un peu moins. Tes yeux n'étaient plus cachés dans l'ombre de la nuit et pourtant restaient sombres sous le soleil.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

- Je suis venu te voir, m'as-tu répondu comme si c'était normal.

Ma voisine de maths était partie entre temps, je me retrouvais donc à ta merci, sans point de fuite.

- Comment tu as su que j'étais dans ce lycée ?

- C'est simple, j'ai fait la liste de tous les lycées de la ville et je t'ai attendue à la sortie de chacun d'eux.

Mes yeux sont sortis de leurs orbites.

- T'es un grand malade, en fait.

- Pas si grand que ça, m'as-tu reprise en souriant. Ça va, fais pas cette tête, ton lycée n'était que le troisième sur la liste. Sur sept, j'ai eu de la chance mais ça prouve que je devais te revoir.

- En plus de ça, tu vois des signes partout, ai-je soupiré.

Par ça, j'entendais tous les défauts que je te trouvais. Le plus gros était que tu souriais trop.

- Pas partout, seulement quand ça vaut la peine d'en voir. Et tu en vaux carrément la peine... dis, c'est quoi ton prénom ?

- Continue de m'appeler connasse, ça me va.

Tu as eu sourire amusé. J'ai poussé un soupir et me suis dirigée vers l'arrêt de métro le plus proche. Tu me suivais, je ne savais pas si tu voulais le faire en secret ou non.

- On va où ? m'as-tu demandé une fois dans la rame.

Je me suis retenue de rire devant toutes les personnes présentes dans le métro.

- On ? ai-je répété. Je rentre chez moi, toi, tu vas où tu veux, mais tu me suis pas.

- Je ne peux pas venir chez toi ?

- Non.

Tu as fait la moue, et t'ai penché vers moi, appuyé sur la colonne en fer du métro.

- Pourquoi ?

- Parce que je ne te connais pas, enfin, t'es dingue.

- Je t'ai dit comment je m'appelais, moi, au moins.

Aubain (inachevée)Where stories live. Discover now