XII - Dimanche 21 janvier

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Il était trois heures et Mathieu avait envie de pâtes. J'étais avec lui dans la cuisine, et il tournoyait lentement une cuillère à soupe dans une casserole remplie d'eau.

- Tu sais que les pâtes ne sont toujours pas dedans ? lui ai-je demandé, assise sur le plan de travail, juste à côté des plaques de cuisson.

Il n'avait pas vraiment les idées claires.

- Margaux, j'crois que j'vais vomir.

- Les toilettes sont juste ici, ai-je dit en pointant la salle de bain du pouce.

Il s'est rué vers la porte et tu as choisi ce moment pour débarquer dans la cuisine.

- Margaux ! t'es-tu écrié. Ma fille préférée de toute la galaxie ! Comment ça va ?

- Tu as bu combien de verres au juste, Aubain ?

- Assez pour déclarer mon amour à la terre entière.

Et voilà. L'Aubain philanthrope que j'avais rencontré en novembre était revenu à la charge.

Tu t'es avancé vers moi et a posé ta tête sur mon buste.

- En vrai, ça va. Je marche droit et je sais réciter l'alphabet sans me tromper.

- C'est quoi la lettre après G ?

Tu n'as rien répondu. J'ai tapoté ta tête en riant.

- Tu viens de perdre toute crédibilité au sein de Margaux-land, mais je t'aime quand même.

- Tu parles comme moi, c'est ouf, as-tu remarqué.

J'ai esquissé un sourire. C'est vrai qu'avant toi, Margaux-land ne serait jamais sorti de ma bouche.

- Vous faites quoi avec Jasmine et Ilona, dans le jardin ? t'ai-je demandé après que tu t'es redressé.

- On parle.

J'ai froncé les sourcils. Tu as soupiré.

- Elles me rabâchent de me remettre avec Emma, c'est insupportable.

- Pourquoi tu ne leur dis pas que ça te dérange ? me suis-je étonnée.

- Parce que... je sais pas, c'est ça qui est insupportable.

J'ai passé une main dans tes cheveux. Ton regard a trouvé le mien, et tu m'as imploré :

- Aide-moi s'il te plait.

J'ai souri, ai éteint le gaz avant que l'eau de la casserole ne déborde, et t'ai entrainé dans le salon, où une dizaine de personnes dansaient encore, infatigables.

- On danse ? t'ai-je proposé.

- Margaux...

- Comme au Nouvel An, ai-je ajouté.

Ça t'a fait sourire. On avait bien dansé, cette soirée-là : jusqu'à six heures du matin, remontés à bloc par l'alcool, on ne sentait même plus nos pieds nous faire mal. Tout ça, jusqu'à ce qu'on fume un joint avec Ben, et on s'était endormi comme deux gros loirs pour ne se réveiller qu'à trois heures de l'après-midi.

Tu t'es affalé dans le canapé à côté d'Arthur qui cuvait un peu ; Olivia et moi dansions comme des folles, hurlant à tu-tête les refrains que nous connaissions - et même ceux que nous ne connaissions pas.

Au bout d'un moment, les gens ne dansaient plus et se trainaient sur le sol, dans le sens littéral du terme. La plupart des invités avaient déjà investi un coin pour dormir, monopolisant canapé, fauteuil, tables et chambres à l'étage. Tu avais laissé Arthur et Olivia dormir dans le lit de tes parents - sous promesse qu'ils ne feraient rien d'interdit aux moins de dix-huit ans - et ton lit à Mathieu, complètement K.O, avec supplément bassine. Des filles dormaient dans la chambre de ta sœur et d'autres garçons étaient aussi dans ta chambre, allongés par terre. Nous étions cinq sans lit et tu es allé dans ton garage pour en ressortir avec des sacs de couchage et des matelas. Nous avons tous installé les matelas dans le salon là où il n'y avait de de corps et dans la cuisine. J'ai choisi de m'installer dans le salon, et ai pris en pitié une fille qui dormait à même le sol. J'étais en train de la couvrir d'un plaid chaud quand ton corps est tombé sur mon matelas. J'ai essayé de te pousser, en vain.

Aubain (inachevée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant