XXII - Mercredi 21 mars

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Le ciel était bleu et le soleil brillait. C'était comme si tous les éléments de la nature s'étaient retrouvés la veille et s'étaient mis d'accord sur le fait que, pour une fois, ils allaient tout mettre en œuvre pour nous prouver que oui, c'était bien le printemps. J'étais en t-shirt sous mon manteau - chose qui n'était pas arrivée depuis un bon nombre de mois - et mangeais une gaufre en compagnie de Jasmine. Je m'étais rapprochée d'elle à sa soirée d'anniversaire, et nous nous étions mises d'accord pour nous voir afin de mieux faire connaissance. Je n'étais pas déçue, cette fille, lorsqu'elle n'était pas avec ses amies, était vraiment drôle - elle ne pouvait pas s'empêcher de remarquer un tas de choses, mais je trouvais ça comique - et adorable. Elle ne souhaitait du moins pas la guerre et n'adhérait pas à la violence physique.

Elle était en train de me parler d'Edouard, un garçon de son lycée qu'elle trouvait « absolument divin » quand elle m'a demandé, sûre d'elle :

- Et toi, avec Aubain ?

J'ai soupiré et elle a gloussé, avant de boire une gorgée de la canette de soda que j'avais achetée et avais mise entre nous deux pour qu'elle puisse se servir.

- Je ne sais pas combien de fois je vais devoir le répéter : Aubain est mon meilleur ami, d'accord ? Rien de plus, rien de moins.

- Oui, enfin rien que le fait que tu dois le répéter prouve bien que les gens autour de vous doutent sur la nature de votre relation.

- C'est bien une phrase de S, tiens.

Elle a ri à gorge déployée et m'a donné un coup de coude sympathique.

- Allez ! Tu vois bien ce que je veux dire.

- Pas vraiment, non, ai-je dit en riant.

- C'est pas si compliqué : l'image que vous renvoyez, quand vous êtes ensemble, n'est pas vraiment celle de deux amis. Vous renvoyez plus l'image d'un couple, et pour ça, tu ne peux en vouloir à personne.

Je n'ai rien répondu, savourant la dernière bouchée de ma gaufre. Alors non seulement, j'avais moi-même des doutes sur ce que je ressentais réellement envers toi, mais les gens qui nous regardaient aussi ?

- Tiens, a continué Jasmine, par exemple : Emma a cru que vous sortiez ensemble, en vous voyant tous les deux samedi. Elle est carrément jalouse de toi.

- Sérieux ? me suis-je étonnée.

Elle a vivement hoché la tête. Il était vrai que Emma nous avait décoché quelques regards de travers, avant que tu ne finisses la « bouteille d'eau » ; mais je pensais juste qu'elle te regardait toi comme elle aurait regardé l'un de ses ex.

- Elle me soule un peu avec ça, d'ailleurs, a repris Jasmine ; elle n'arrête pas de me parler de toi et d'Aubain ces derniers temps. Je te jure qu'à des moments, j'ai envie de la remballer en lui disant « tu n'avais qu'à pas le plaquer pour Jeanne » mais je me retiens, je suis son amie tout de même.

J'ai souri en entendant la fin de sa phrase. Je la comprenais ; parfois, avec tes élans sur-optimistes, il m'arrivait de m'imaginer qu'est-ce que ça ferait si je te balançais à la figure tous les malheurs du monde. Mais comme le disait si bien Jasmine : je me retenais. Je me retenais de beaucoup de choses en ta présence, ce qui était paradoxal car tu étais la personne avec qui je me sentais le mieux.

- J'avais oublié qu'elle avait plaqué Aubain pour une fille, ai-je pensé à voix haute.

- Ouais, je ne sais pas ce qui s'est passé dans la tête d'Emma à ce moment-là. Mais heureusement qu'elle a mis fin à leur relation et qu'elle laisse Aubain tranquille maintenant. Oh, il est venu me parler ce matin, pour s'excuser d'avoir terminé, je cite : « en PLS dans ta chambrée ».

Aubain (inachevée)Where stories live. Discover now