Correspondance

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Cette nuit-là, la lune était pleine, et ses éclats argentés faisaient luire les quelques bâtiments en ruine de la ville. Les ruelles étaient désertes et sombres, et aucune autre lumière que celle de l'astre solitaire n'éclairait ce petit monde sinistre et mystérieux. Au loin, quelques cris se firent entendre, et Yû savait qu'en ce moment même, des cavaliers de l'apocalypse se baladaient tranquillement en effrayant les survivants. Du haut de sa chambre d'hôpital rudimentaire et assez humide, le jeune homme observait sans vraiment voir la ville et ses environs. Perdu dans ses pensées, il ne se rendait même pas compte que son regard restait figé sur la lune. «Mika...»

Après un long soupire, il s'allongea sur le lit inconfortable dans lequel il dormait depuis plusieurs jours, et mit ses mains derrière sa tête.

_Ainsi... Tu es encore en vie...

Il sourit discrètement, mais il sentit que son cœur se serra doucement dans sa poitrine. Quand il avait combattu avec ses compagnons, et amis, contre les vampires à Shinjuku... Quelque chose dans son esprit restait bloqué. Il ne se souvenait plus de la suite de la bataille. Combien même ses camarades lui avaient dit qu'il s'était juste évanoui... Yû n'arrivait pas à y croire. Et, Mika... Shinoa lui avait bien dit qu'il avait été emmené de force par les vampires... Cependant, Yû était horriblement inquiet. Bien sur, maintenant qu'il savait qu'il était encore en vie, il allait devoir passer à l'action. Mais... Est-il seulement encore égale à lui même? Même après sa transformation en vampire?

Yû serra soudainement les poings. «Mika... Ce que tu as du avoir mal...! Et... je n'ai pourtant pas pu être là pour toi... Si seulement j'avais pu te sauver... Mais... il est trop tard...» Il mordit légèrement sa lèvre inférieure, exaspéré, et se leva d'un bond, chose qu'il regretta aussitôt car il souffrait encore horriblement. Il devait allait prendre l'air. L'ambiance de l'hôpital, sombre et maladif, avec son insupportable odeur de désinfectant, lui donnait l'impression d'être un cadavre pourrissant à la morgue. Le plus silencieusement possible, il ouvrit sans un bruit la porte de sa chambre, erra tel un fantôme dans les couloirs, et trouva finalement l'échelle d'accès au toit. Il la grimpa, pied nu, et la sensation de l'acier froid des barreaux sous ses pieds lui était désagréable. Arrivé sur le toit, une bourrasque de vent violent lui provoqua d'horribles frissons, et il resserra un peu le col de sa chemise. Mais, au moins, il pouvait désormais réfléchir convenablement. D'habitude si turbulent, Yû n'était vraiment plus le même lorsqu'un de ses amis était en danger. Il savait se montrer patient, et élaborer des plans afin devenir les sauver. «Faut-il que je me rende à Sanguinem? ... Non. Trop dangereux. Je risque de mettre en danger ma famille. Ou alors...attendre une nouvelle attaque? ... Trop long!». Il se gratta la tête, et soupira à nouveau. Que faire?

Les minutes passèrent, et sans s'en rendre compte, Yû commençait à transir de froid. Frigorifié et fatigué, il se résigna à retourner dans sa chambre, mais un roucoulement l'interpella. Perplexe, il se retourna vers le pigeon, qui, sagement, l'attendait sur la rambarde de protection qui entourait le toit, et tendit la main vers lui. Il sauta sur sa main, et bougea sa tête dans tous les sens.

_Ah... T'étais pas là depuis le début, si...? ... Tu as de la chance, toi... déclama Yû en caressant doucement le crâne de l'oiseau. Tu peux aller où tu veux... Quelle sensation on a en volant dans le ciel...?

Ils se fixèrent longuement, et Yû soupira de nouveau.

_Je parle maintenant aux pigeons, moi? ... Allez! Envole-toi!

Le pigeon bougea de nouveau sa tête de façon saccadé, et le jeune homme, agacé, leva la main rapidement afin que l'oiseau s'envole.Puis, alors que Yû allait partir, il remarqua un petit bout de papier blanc, accroché à l'une de ses pattes. Il attrapa alors le pigeon, et prit le morceau dans sa main. Il le déplia, et commença à déchiffrer ce qui semblait être une petite lettre qui lui était destinée. En lisant les deux premier mots, il se figea, comprenant l'identité de son expéditeur.

«Yû-chan,

J'ose espérer que tu recevras ce petit mot. Si c'est le cas... je te demanderais de me répondre au plus vite. Je ne veux plus espérer pour rien. D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup de temps devant moi...Mais, je voulais m'assurer que tu allais bien. Je me doute que ça ne doit pas être la grande forme après l'attaque de Shinjuku...Cependant, même si j'ai du partir, sache que je voulais vraiment rester à tes côtés, si j'avais pu... En tout cas, dis-moi que tu n'as rien de grave... Yû-chan, par pitié... Je suis terriblement inquiet. Depuis que j'ai du te quitter, je vis dans une peur sans précédent. Es-tu seulement encore en vie...? Réponds-moi vite! Accroche toi aussi un papier à ce pigeon. Je l'ai apprivoisé, et il sait reconnaître ton odeur. Il te suivra dans tes déplacements. Peu importe l'endroit où tu te trouves... Il te retrouvera. Seulement,évite de l'envoyer en plein jour. Il est préférable pour toi comme pour moi que personne ne soit au courant de tout ceci...

J'aimerais te dire encore tant de choses... Mais j'entends des bruits.

Pitié... Faite que tu sois encore en vie! J'étais tellement heureux de te voir...

A très vite, je l'espère. J'attends ta réponse.

Mikaela.»


Yû sourit, le papier entre ses mains tremblantes, et les larmes aux yeux. Mika... Il pensait à lui. Il était encore vivant, lui aussi. Et... ils allaient pouvoir se parler! Voir peut-être même organiser son sauvetage...! Il prit le pigeon dans ses bras, descendit l'échelle quatre à quatre, et courra rejoindre sa chambre. Il n'avait déjà plus froid, et l'excitation faisait luire ses beau yeux verts. Il trouva une feuille et un stylo dans une commode, et commença à écrire. Que pouvait-il bien lui dire...? Maladroitement, il enchaîna d'écrire les mots sur la page blanche, et celle-ci était couverte de taches. L'écriture était presque illisible, mais peu importe. Il devait prévenir Mika. Il acheva sa lettre, l'accrocha lui aussi à la patte du pigeon, et le relâcha par la fenêtre. Il le regarda disparaître au loin, et, allongé sur son lit, se demanda où pouvait-il bien aller. Finalement, la fatigue le gagna, et il s'endormit tranquillement, un sourire aux lèvres, après trois jours de veillés nocturnes.


«Mika,

Oui, je suis bien en vie. Je suis là. En ce moment , je t'avoue que ce n'est pas la grande forme, mais l'hôpital dans lequel je suis me soigne bien, ne t'en fais pas. Il faut dire que j'étais bien amoché,après le combat... Mais, je ne me souviens pas de certaines choses... J'espère que tu pourras m'éclairer là dessus... Pourtant, je ne parle que de moi, quel égoïste! Et toi? Tu n'as rien de casser? J'ai tant de choses à te demander... Par exemple...Je ne sais pas si c'est indiscret, mais... Comment fais-tu pour te nourrir, maintenant que... Enfin... Tu vois?... Tant de choses! Sauf que je veux savoir avant si cela te gènes. Je ne veux pas m'aventurer dans ce qui dois être une chose compliquée pour toi.Mais sache que peu importe qui tu es, maintenant... Tu restes Mika.Je ne sais même pas si cela te seras utile, mais... Sache vraiment que je ne te hais pas, même maintenant que... Je ne le pourrais jamais. Qu'importe ce que tu es devenu... Tant que tu restes égale à toi même... J'aimerai beaucoup t'aider, Mika. Je ne sais juste pas comment m'y prendre. On a beaucoup de choses à se dire... J'aimerai te revoir. Crois-tu cela possible?

Moi aussi, je suis heureux de te savoir en vie. Si tu savais comme tu m'avais manqué...

Je n'osais pas y croire, après toutes ses années, mais, maintenant...

Réponds-moi vite,

Yûichiro»

Anges démoniaquesWhere stories live. Discover now