Chapitre 6 : Le dernier mot

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On ne se console pas de chagrins, on s'en distrait.

- Stendhal


Le lendemain matin, Julia fumait une cigarette à l'entrée du lycée, le regard perdu dans le vague. Elle se figurait la fumée descendre jusque dans ses poumons, les emplir de sa poussière corrosive qui laissait un peu de son emprunte à chaque fois qu'elle venait caresser les parois de l'organe spongieux. Lorsqu'elle rejeta le nuage gris d'entre ses dents, elle releva le regard du même coup, et ses yeux vides et fatigués tombèrent par hasard sur la silhouette du professeur qui était la source d'une partie de ses ennuis. M. Callini participait à une discussion animée entre quelques professeurs masculins et trois agents d'entretien. Lorsqu'il se tourna vers un collègue pour sourire à sa remarque, ses yeux furent attirés par les deux pupilles sombres pointées sur lui, au loin. Son sourire se figea au coin de ses lèvres, pour s'effacer définitivement. Julia le regardait sans vraiment le faire en réalité, déjà perdue dans ses pensées. Comment allait-elle réparer son sac ? M. Callini baissa la tête et passa sa sacoche en cuir de sa main gauche à sa main droite. Le regard de Julia tomba progressivement sur un chewing-gum collé au sol. Elle inspira une autre bouffée de sa cigarette. Peut-être trouverait-elle par chance un peu de fil et une aiguille dans les tiroirs de sa mère ? Tout en donnant une petite tape sur sa clope pour en faire tomber la cendre, elle intercepta un mouvement à sa droite et son regard méfiant rencontra de nouveau celui de Callini. Ce dernier s'était légèrement détaché de son cercle d'ami et semblait hésiter à la rejoindre. Interprétant son regard, Julia se hâta de jeter sa demi cigarette au sol pour l'écraser sous sa basket. Elle se détourna du professeur et elle pressa le pas pour entrer dans l'enceinte du lycée, comme une biche qu'un chasseur viendrait d'effrayer.


***



Julia fit son chemin dans le couloir presque désert d'un bâtiment et elle s'arrêta finalement non loin de la salle de sciences où allait se tenir le premier cours de la journée.

D'autres élèves de la classe patientaient déjà, adossés ou recroquevillés contre le mur, la plupart sur leurs portables, leurs écouteurs vissés aux oreilles.

Alors qu'elle était plongée dans ses songes depuis plusieurs minutes, elle sentit la chaleur d'un bras rentrer en contact avec le sien. Ses yeux basculèrent vers la gauche et remontèrent la matière en jeans pour rencontrer deux pupilles bleu clair. Noa l'observait de sa tête et demi de plus qu'elle. Il lui adressa un sourire amusé. Julia préféra détourner le regard et l'ignorer. Elle laissa échapper un soupir à peine audible, les yeux perdus sur le mur en face d'elle.

- Je dois avouer que tu m'as impressionné, Delaunay, l'entendit-elle dire.

Julia ne dit mot ni ne laissa paraître aucune expression sur son visage, ce qui ne sembla pas perturber Noa. Il sourit simplement avant de continuer :

- Tenir tête à un prof comme ça, et à celui-là... Fallait le vouloir, et avoir un foutu cran. D'après ce que j'ai entendu dire, ce mec là ne fait pas de cadeaux.

Julia renifla dédaigneusement à ces mots.

- En tout cas, t'as gagné mon respect.

- Quel honneur, commenta-t-elle d'un souffle, la voix dégoulinante de sarcasme.

Un rire secoua le bras de Noa contre son propre bras. Julia concentra son attention sur les personnes qui circulaient devant elle pour rejoindre leurs salles respectives. Adel et Driss, les deux garçons qui étaient devant elle le premier jour, lui sourirent en passant.

Parle-moi du bonheur (professeur-élève) - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant