Dimanche 23 novembre - 20h14 (Part 3/3)

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« Merci ! » lançai-je avant de me faufiler vite fait dans le hall d'entrée.

Ca y est. J'y étais.

Il n'y avait désormais plus que trois étages et une porte qui me séparaient d'une étreinte de Julie. Du moins, c'est ce que prévoyait mon scénario.

Je longeai l'étroit couloir qui suivait le hall d'entrée et qui menait à une rampe d'escalier circulaire. Je commençai à monter les vieilles marches en bois, qui se mirent à craquer sous mon poids, qui n'avait pourtant rien d'excessif – je n'avais jamais permis à ma balance d'atteindre les cinquante-huit kilos.

J'atteignis en moins de deux le premier palier qui se composait de deux appartements se faisant face et distant, à vue de nez, de quatre mètres. Des paillassons flanqués d'originaux « Welcome » jonchaient sur le sol carrelé devant les deux portes en bois. Je remarquai que toutes deux étaient parées d'étiquettes dorées, rectangulaires portant le nom des locataires - ou des propriétaires -, mais aucune trace d'un quelconque système de sonnette.

J'entamai la montée du deuxième étage lorsqu'un loquet de porte se déverrouilla un étage, ou peut-être plus, au-dessus de moi. Je ralentis ma progression. Une porte s'entrouvrit, sans vigueur, émettant un long couinement qui résonna dans la cage d'escaliers. Puis, ce fut le silence quasi absolu, à part ces frottements – il y en eut deux - contre le sol, causés par des pas que l'on traînait. Mais ce fut tout. On avait ouvert la porte, mais personne ne sortait. On semblait attendre. Plus je progressais, plus je percevais un râle lent et à peine audible.

C'est alors que je compris.

C'était Mamie. Ca ne pouvait être qu'elle.

Les yeux levés vers l'étage du dessus, je continuai de monter les escaliers qui craquaient toujours autant sous mes pas. Je n'avais pas encore atteint le deuxième palier que je découvris enfin une porte entrouverte. Celle de l'appartement de gauche. Une tête dépassait de l'entrebâillement.

Mamie était bien une vieille dame, aux cheveux gris et bouclés, au visage sillonné de rides, avec une paire de lunettes carrées vissée sur le nez, la mine sévère, ses lèvres formant un U inversé. Elle scrutait mon arrivée. Non, en fait, j'avais l'impression qu'elle me scannait du regard. Arrivé à l'étage, je l'avais dévisagée un bref instant – lui adressant au passage un petit sourire, furtif, qui me parut un brin dédaigneux – et j'avais vu ses petits yeux noirs qui me parcouraient de la tête aux pieds. Elle ne devait reconnaître en moi aucun de ses petits-enfants.

Ou peut-être que si.

Je passai devant elle sans m'arrêter et rejoignis enfin le troisième étage où je me plantai devant la porte de l'appartement de droite, celle dont la petite étiquette dorée criait JULIE SHEPARD en lettres capitales. Je restai un moment immobile devant sa porte – qui n'avait, comme attendu, pas de système de sonnerie -, à fixer son nom sur l'étiquette.

JULIE SHEPARD.

Elle était là, à quelques centimètres de moi, juste derrière cette porte. Mes mains devinrent moites, ma respiration à nouveau plus rapide.

« C'est à vous, Simon ! » m'aurait lancé Cornelia Vaughn, vingt-cinq ans plus tôt, dans un soupir de lassitude.

Je m'avançai encore d'un pas, serrai mon poing droit et le brandis, prêt à marteler la porte de Julie. J'expirai une dernière fois mon stress et frappai trois coups énergiques contre sa porte.

Point of no returnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant