Nutella Girl [En Pause]

20. Maudit Facebook

Léa était remontée à bloc. On s'est toisées. Elle, debout dans l'embrasure de la porte, les bras sur les hanches ; avec son mini-short, on aurait dit une Wonder Woman en tongs. Moi, assise sur ma chaise de bureau, j'essayais d'avoir l'air impassible de One Punch Man.

Elle attendait visiblement des explications, mais je n'avais pas la moindre idée de ce qu'elle me voulait.

— À quoi tu joues, Alice ?!
— Rien, je discute avec Gab', j'ai répondu tranquillement en haussant les sourcils.
— Et c'est quoi ce dix plaques que tu viens de nous faire, là ? Je t'avais dit que je pouvais te le présenter. T'avais pas besoin de faire ça !
— Quelles plaques ?

Je ne savais absolument pas à quoi elle faisait allusion, mais une vague inquiétude s'est formée à l'arrière de mon crâne ou, peut-être, au fond de ma gorge. À tous les coups, j'avais encore fait une gaffe.

— Hey ho, c'est qui la geek de la famille ? Deep-like, Alice. Deeeeeep-liiiiiiiiiike ! Tu le fais exprès, c'est ça ? C'est pour me taper la honte ?

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Deep-like : de l'anglais deep (profond) et to like (aimer). Utilisé comme verbe ou nom commun en "franglais" - Cliquer sur "J'aime" ou poster un commentaire sur une photo Instagram ou un post Facebook très ancien.
Voir aussi : stalker
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Ouais, moi non plus, je connaissais pas...
Mais je vous le donne en mille : j'ai fait un like par inadvertance sur une photo d'Anthony. Celle avec le tatouage de Superman -_-

— Alors, déjà, tu me parles sur un autre ton ! Ensuite, c'est pas si grave (on y croit mieux quand on le dit à voix haute, en fait). Et enfin, je deep-like qui je veux, quand je veux et où je veux.

J'étais en mode bullshit à mort, mais, sérieux, je vois pas en quoi ça la concernait. Et puis oh, c'est qui la grande soeur dans l'histoire ?

— Ouais ben pas avec MES amis ! T'as qu'à t'en acheter des tiens !

Elle, c'est un Besherelle qu'elle aurait mieux fait d'acheter.

— Non mais vas-y, retourne jouer avec tes paillettes et fous-moi la paix ! Tu sais que maman est dans mes contacts et que si je te like, elle verra toutes vos discussions de gamines ?

Une expression de profond désarroi a déformé ses traits. Elle a ouvert la bouche pour dire quelque chose, mais aucun son n'est sorti. Quand elle en a eu enfin marre de jouer les Némo en manque d'H2O, elle a fait demi-tour en claquant ma porte.

BON DEBARRAS !

Enfin seule, je me suis tournée lentement vers mon écran et j'ai poussé un cri silencieux. Mais qu'ai-je donc fait pour être aussi débile ? Va retrouver ce fameux post maintenant !

Je calculais mentalement la probabilité d'arriver à unliker le post avant qu'Anthony ne voit la notification. Ce type-là a sûrement mieux à faire que scruter ses notifs Facebook, non ? Je sais pas moi... dealer de la drogue, casser le nez à des gens ou faire des pièges de Mozarella ?

En tout cas, Léa, elle, n'avait visiblement rien d'autre à faire que de me retirer de sa liste d'amis. Quelle peste !

J'en étais à compulser (ça fait tout de suite plus sérieux de dire "compulser") les posts de mars 2016 sur le profil d'Anthony lorsque mon père est rentré de sa journée de travail.

J'ai entendu ma mère pousser des cris alors je suis allée au salon pour m'enquérir des nouvelles.

Mon père se tenait la tête d'un air renfrogné pendant que ma mère faisait défiler des photos sur le téléphone de mon père en secouant la tête. "Oh, mais qu'est-ce que c'est laid, qu'est-ce que c'est laid !" se lamentait-elle.

Léa nous a rejoint dans le salon en prenant bien soin de m'ignorer.

— Qu'est-ce qui se passe ? elle a demandé aux parents.

Pour toute réponse, ma mère nous a tendu le téléphone. C'était une photo de la devanture du garage de mon père saccagée par un énorme tag représentant le visage d'une femme avec des serpents sur la tête. Ça ressemblait vachement au logo du carton de Mozarella d'Anthony !

J'ai senti mon téléphone vibrer dans ma poche et j'ai regardé machinalement la notification. C'était une demande d'ami Facebook de la part de Mi'Tony Mi.