25. Baston à la Bastille

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14 juillet (suite)

J'ai mangé le Kinder Bueno et je suis entrée dans la foule.

Un pas après l'autre, j'ai tracé un chemin dans la masse. Un chemin éphémère qui se refermait derrière moi instantanément. Je me faisais percuter, mais rien ne semblait pouvoir me faire tomber. J'avais grave envie de pousser tous ceux qui me marchaient sur les pieds ou qui me regardaient de travers (et je vous parle même pas de ce que j'avais envie de faire à ceux qui me regardaient de travers ET qui me marchaient sur les pieds). Mais je me suis concentré sur mon objectif et sur la sensation d'énergie qui m'envahissait. Et je les ai oubliés. J'ai oublié leurs mains qui me frôlaient, j'ai oublié leurs corps qui me bousculaient, leurs cheveux qui m'aveuglaient, leurs voix qui me heurtaient. J'ai même oublié le feu d'artifice qui fusaient au-dessus de nos têtes. La seule chose que je n'ai pu oublier, c'était les odeurs de transpiration. Mais bon, passons...

De ce que j'avais compris des SMS de Léa, elle et ses amis s'étaient retrouvés au milieu d'une bagarre et ils s'étaient réfugiés au poste d'embarquement du téléphérique. Mais l'autre groupe les avait rattrapés. Je n'en savais pas plus. Je ne sais même pas ce que j'avais espéré pouvoir faire toute seule en accourant, mais j'avais à présent tout un tas d'idées que Batman lui-même n'aurait pas reniées. Il suffisait juste que l'effet du Kinder Bueno dure assez longtemps.

La grille du poste d'embarquement était fermée à clé, mais je l'ai poussée sans forcer. Il faudra sûrement changer la serrure, demain...

De l'autre côté, c'était Bagdad.

Sauf qu'au lieu des bombes, c'étaient des noix qui avaient explosé au sol. Oui oui, des noix : les mini cerveaux secs dans une coquille. Bref, des noix, quoi. Mais c'était quoi ? Un piège pour faire glisser les gens qui entraient ? En tout cas, c'était presque efficace, parce que j'ai manqué de me prendre une gamelle en arrivant.

En plus de tout ça, la billetterie et le poste de pilotage étaient saccagés. Il y avait des papiers partout et un bureau et des tabourets gisaient n'importe comment. Enfin, près du gouffre qui permettait l'arrivée des cabines du téléphérique, deux hommes se battaient à terre.

Et là, si on m'avait prise en photo à cet instant, je suis sûre qu'on m'aurait confondu avec un Magicarpe. Un peu parce qu'ils avaient tous les deux le visage en sang. Mais surtout, parce qu'on aurait dit des personnages de série B. Si l'un d'eux était un ami de Léa, je ne le reconnaissais absolument pas.

Celui qui était dos au sol, et qui s'en prenait plein la poire, portait le même imperméable beige que l'inspecteur Colombo. J'ai tout d'abord cru qu'il était vieux avant de me rendre compte que ses sourcils et cheveux n'étaient pas blancs, mais gelés. L'autre gars qui jouait des poings était l'incarnation du noir. Baskets noires, pantalon noir, sweat noir, capuche noire rabattue sur la tête, blouson en cuir noir... (je lance les paries concernant la couleur de son slip !). Fait remarquable : l'un d'eux portait un masque sur le visage (je vous laisse deviner qui. Un indice : le masque était noir).

- Sérieux les gars, c'est la fête nationale, aujourd'hui, pas le Carnaval ! Personne vous l'a dit ? n'ai-je pu m'empêcher de m'exclamer.

Le masque a plissé les yeux ou froncé les sourcils (difficile à dire à cause du masque). Colombo, lui, a profité de l'inattention de son adversaire pour lui flanquer un coup de genou là où ça fait mal. Surpris, le masqué est parti en arrière et Colombo, continuant sur sa lancée lui a rué dessus et l'a fait basculer dans le gouffre.

J'aurais dû me sentir attristée par ce retournement de situation tragique. Mais, peut-être parce que je ne le connaissais pas ou peut-être parce que, je l'avais identifié comme l'agresseur de ma sœur (le masque, forcément, c'était louche), je ne me suis sentie aucunement affectée. Non. Mon seul regret, c'est de n'avoir pas pu participer à la « fiesta ».

Nutella Girl [En Pause]Where stories live. Discover now