Bataclan

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-Marie dépêche-toi! Ils nous attendent, pestait mon amie sur le seuil de la porte de la salle de bain.


- Oui oui c'est bon j'arrive, lui répondis-je alors qu'elle me pressait depuis qu'elle était arrivée.


Elle était au moins aussi impatiente que j'étais ennuyée d'aller à ce concert. Alana voulait à tout prix que je sorte de mon trou, que je vois du monde, que je socialise... Elle m'avait sortie tout un tas d'arguments pour que je vienne avec elle: que même Carl et Jonathan étaient de la partie,... mais finalement, ce qui m'avait convaincue furent les mots magiques: "en tant que meilleure amie..." Alors j'avais cédé.


Mais maintenant je traînais des pieds. Même si Jon' venait, ce qui n'était pas négligeable non plus, le rock n'était pas du tout mon style de musique et je n'avais aucune envie d'aller à ce concert. Je ronchonnais, mettant une ligne discrete sur mes yeux comme touche finale. Je devais quand même être potable face à Jonathan... J'avais choisi un ensemble blanc-gris et tous les accessoires en noirs. Étant donné qu'on allait rester debout, je ne craignais pas de me salir.


Je mis mes chaussures et on pu enfin partir. On descendit la rue Amelot puis le petit passage pour se rendre à la salle de spectacle. C'était plutôt pratique d'habiter si près. La salle était déjà bien remplie quand on était arrivées et on avait dû se faufiler et slalomer pour rejoindre les garçons qui se trouvaient juste devant de la scène.Je fis la bise à Carl et rougis sensiblement quand Jonathan se pencha pour m'embrasser. Ses lèvres étaient fraîches sur ma joue que j'avais senti se réchauffer, je me dis que peut-être ce serait une bonne soirée finalement...


Ça faisait quarante bonnes minutes que ça avait commencé et pourtant je ne trouvais rien d'extraordinaire à ce groupe. Ce n'était vraiment pas mon trip et je regrettai aussitôt d'avoir jeté trente euros pour entendre ces cris chantés. À côté de moi Alana était aux anges, dansant et sautillant en même temps. Elle s'était tout de suite mise en phase avec l'ambiance et sa bonne humeur faisait plaisir à voir mais ne me contaminait pas. J'essayais de parler avec Jonathan mais le boucan autour de nous couvrait ma voix. Je ne pouvais qualifier ça de concert. Tout ce que je sentais c'était le début d'une migraine qui pointait à l'horizon. Si je partais, mon amie allait assurément me maudire, cependant je ne pouvais rester là plus longtemps. Je ne cessais de jeter des coups d'œil fébriles à la sortie ainsi qu'a ma montre. Je devais trouver un moyen... Apercevant peut-être mon désarroi Jon' me proposa de monter dans les balcons et j'acceptai avec soulagement. Ce n'était pas le saint Graal que je visais mais au moins, je m'éloignais un peu de la grosse sono.

À peine arrivés à l'étage, j'entendis des bruits que mon cerveau n'arriva pas à identifier tout de suite. Comment aurait-il pu de toute façon ? Dans quelle espèce de dimension mon cerveau aurait pu traiter ces informations tellement éloignées de mes valeurs?

Je ne compris ce qui se passait que lorsque je vis les corps s'écrouler au fur et à mesure. Dans la fosse, dans les balcons...

Les "bruits", c'était le sifflement des balles, tirées au hasard sur des personnes qui étaient simplement sorties se détendre. Des hommes avaient pénétré la salle et massacraient des innocents sans raison. Mes yeux cherchèrent désespérément Alana mais je ne la trouvais pas. Les hommes criaient, revendiquant leurs actes par des paroles vides de sens pour moi. Quel droit ? Quelle religion ? Quelle justice pouvait justifier ceci ? Ils scandaient le nom de leur Dieu sans comprendre qu'aucun dieu ne tolérerait cela.

Petits Textes Sortis De Là-BasWhere stories live. Discover now