Chapitre 1

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Séoul
21h

Un bruit strident resonna de la fenêtre d'une ruelle malfamée de Séoul. Le bruit d'un réveil aussitôt éteint créa l'écho dans l'allée. Des chats de gouttières se disputaient les déchets de la benne à ordure ce qui donna naissance à des cris désagréables, rendant la rue encore plus opprimante.

À cela s'ajoute des cratères sur la route remplies d'eau due à la pluie de la journée ainsi que trois ou quatre lampadaires à peine allumer. L'humidité se faisait sentir rendant l'ambiance de la ruelle pesante. Au bout de la rue un groupe de jeunes avaient pris l'un des seuls lampadaires fonctionnels comme point de rendez-vous. Leurs éclats de rires calmaient parfois les chats, les faisant fuir. Un autre bruit retentit et fit fuir définitivement les chats. La fenêtre fut fermé avec colère semble-t-il.

Le jeune homme venait de se réveiller, la sonnerie aiguë de son réveil l'ayant assommé. Il se dirigea lentement vers sa salle d'eau d'à peine 2m carré et se lava la figure. Il releva la tête et scruta son visage... Le jeune homme était bien cerné, celles-ci contrastaient avec la blancheur de son visage. Un visage enfantin durci par la vie. Il avait des yeux à la fois petits mais grand en forme d'amande, un nez fin et de fines lèvres roses. Ses cheveux noir corbeau retombaient et collaient à son visage dû à la transpiration.

Il fila sous la douche et en sortit 20 minutes plus tard. Il fit un tour dans sa chambre aussi petite qu'une cage à oiseau et chercha des vêtements adéquats pour sa soirée. Il choisit un t-shirt noir col V et un jean gris foncé délavé. Simple et efficace. Il retourna dans sa salle de bain, prit sa trousse à maquillage et en sortie un eye-liner noir. Il surligna son regard d'un fin trait d'eye-liner, coiffa ses cheveux, sorti et s'assied sur son lit. Il consulta son téléphone qui indiquait 21h35. Il fit un tour dans sa kitchenette, ouvrit son frigo et y trouva quelque bricole. Il prit une bouteille d'eau et revint s'assoir.

Le jeune homme avait le regard vide. Il voyait les choses mais ne les regardait pas. Il avait la tête ailleurs. Il resta une bonne dizaine de minutes à contempler le vide avant de se décider à sortir, attrapant sa veste en cuir au passage. Il descendit rapidement les escaliers de son bâtiment et sortit dans la ruelle.

Son appartement était niché au 9ème étage, sans ascenseur. Il marcha en silence, passant calmement devant la bande de jeunes bruyants et s'engouffra dans l'artère principale. L'automne commençait à s'installer, nous étions fin septembre. L'air se faisait frais mais restait tout de même agréable. L'avenue était bondée de monde. On en voyait de tout. Des hommes, des femmes, des personnes âgées, des couples, des enfants, des familles, des célibataires. Parmi ce beau monde, ce jeune homme aux airs mystérieux, zigzaguant au milieu de la foule les mains dans les poches. Il dégageait tellement d'impressions. De la solitude, de la froideur, du mystère, du charisme et bien d'autres...

Il arriva à destination au bout de 10 minutes de marche, tout juste 21h55. Il s'engouffra dans le "Cloudnight" sans même prêter regard au vigile. Il retira sa veste, se glissa derrière le comptoir et enfila un tablier. Il commença son service sans un mot. Il ne voulait pas gaspiller sa salive avec des gens qu'il n'appréciait même pas un peu. La nuit risquait d'être long...

Les cocktails s'enchaînaient, les clients de même. Certains lançaient des regards aguicheurs au jeune barman, celui-ci n'y prêtant pas vraiment attention. Au début cela le déstabilisait un peu, mais au fil des années, il s'y était habitué. Eh oui, cela faisait maintenant plus de 9ans qu'il vivait cette vie de débauche.

Un beau jour d'été, alors qu'il n'avait que 13 ans, son père l'abandonna lui et sa mère. Celle-ci ne supportant pas la solitude que son mari lui avait laissée, décéda 3 ans plus tard, laissant son fils unique livré à lui même. Avec le départ de son père, il dut quitter l'école et chercher du travail pour subvenir aux besoins de sa "famille". Les choses s'empirèrent avec le décès de sa mère. C'est à ce moment que tout dérapa.

Sa vie prit un tournant qu'il n'aura jamais espéré voir un jour. Il essuya plusieurs refus. Tant dans le travail que dans l'immobilier, les propriétaires estimant qu'il ne sera pas capable de les payer mensuellement. Il fut alors obligé de squatter les bancs des parcs de la ville, cherchant désespérément un travail afin de se payer le plus miteux des appartements. Ce n'est que lorsqu'il fut accepter dans une boîte de nuit par son physique, qualifier d'attirant, qu'il put enfin louer son appartement du 9ème étage, après 1 ans et demi de travail. Durant ses économies, il persuada le propriétaire du cloudnight de le laisser passer la nuit, en échange d'un service sans congé, 7j/7. C'est alors qu'il eut ses premières avances.

Au début, il était offusqué, ce n'était qu'un gamin de 17 ans. Il ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre les intentions de ces personnes, homme principalement. Au fil du temps, il se rendait compte que, même avec ses 3 4 jobs, il finissait le mois avec à peine 20€ en poche et rien de comestible dans le frigo. C'est à ce moment qu'il décida de céder à certaines avances. Sans envie particulière mais plutôt par le besoin. Le besoin cruel d'argent. Certes, il ne s'en sortait pas avec des millions, mais de quoi se nourrir convenablement. Cela lui suffisait.

C'est dans ces moments qu'il avait des prises de conscience. Avant, il ressentait un certain mépris envers ces gens qui s'adonnaient à ce monde de luxure pour quelques billets uniquement. Mais maintenant qu'il se retrouvait presque à la rue et sous alimenter, il éprouvait de la compréhension. Il n'éprouvait aucun plaisir à cela, il considérait ces quelques heures comme du pur travail sans jamais ressentir une once de plaisir. Ce n'était seulement qu'un moyen d'arrondir ses fins de mois. Bien évidemment, il ne le faisait que rarement lorsque les sous manquaient et surtout, lorsqu'il travaillait au club, soit le weekend, de 22h à 3 h.

Ce soir était l'un de ces soirs. Son frigo était vide et il venait de payer le loyer et les charges. Il ne lui restait quasi rien. Un jeune homme d'environ la trentaine lui lançait des regards depuis le début de son service. Il décida d'aller le voir lorsque son service prit fin, les deux jeunes hommes s'échangèrent quelques paroles, et le jeune brun décida de le suivre dans sa voiture. L'aîné laissa balader quelque main par-ci par-là sur le plus jeune, celui-ci n'y prêtant aucune attention, la détournant vers l'extérieur du véhicule. Dieu merci, l'appartement du jeune trentenaire n'était pas vraiment loin de celui du plus jeune, ce qui permettait un retour plus rapide. Ils montèrent à deux, et 30 minutes plus tard, le jeune brun aux airs mystérieux sortis du bâtiment. Travail fini.

Il retourna chez lui, prit une douche, et se glissa sous ses draps. Il se remit à penser, à se souvenir, des souvenirs interdis, des souvenirs de sa paisible enfance, où rien de tout cela n'était prévu. Il voyait beaucoup d'enfants souffrir du divorce de leurs parents étant jeune, ne s'imaginant même pas une seule seconde qu'un malheur similaire l'attendait. L'image de son père lui tournant le dos lui revint en tête, ainsi que le corps de sa mère étalé sur le sol de la salle de bain. Tous ces souvenirs enfouis au fond de lui refirent surface. Cependant il ne versa pas une larme. Dans son adolescence, il avait assez pleuré. Désormais, les larmes ne coulaient plus. Il se retourna dans son lit et finit par s'endormir, agité.  

Russian RouletteWhere stories live. Discover now