Chapitre 11 : Une vie singulière

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Arthur

Cela fait déjà un petit quart d'heure que nous sommes allongés sur son lit, en train de nous tenir la main, complétement gênés, mais en même temps euphoriques. J'aimerais que cet instant dure éternellement, car jamais je ne me suis senti aussi bien. J'ose regarder dans sa direction, mais me détourne aussitôt dès qu'il pose les yeux sur moi, c'est que je suis très gêné moi !

« Ça va ? »

Combien de fois m'a-t-il posé cette question ? Beaucoup en tout cas. Je me contente de hocher la tête. Peut-on dire que nous sommes ensembles ? Je n'ose même pas lui demander, bien sûr que c'est idiot, mais sait-on jamais. Reste à savoir si je lui dis pour mes problèmes. Je n'ai pas spécialement envie de l'inquiéter, mais d'un autre côté je ne peux pas le lui cacher.

« Ulrich... Tu avais quelque chose d'autre à me dire, non ? »

Je suis tourné vers lui, et son visage s'endurcit un peu.

« C'est... un peu compliqué.

- Un peu compliqué comment ?

- Très compliqué... »

Nous nous mettons tous les deux assis, et je me décide à lui dire ce que je dois lui annoncer.

« Tu sais... ma mère... elle... Enfin, ça aussi c'est compliqué. »

Merde, mes larmes veulent à nouveau couler, heureusement que j'ai un minimum de self control.

« Ce... n'est pas exactement la première fois que ça m'arrive... enfin, ce genre de choses...

- Quand tu t'es cassé les côtes par exemple ? »

Ça fait mal... Il dit ça comme s'il était au courant... j'ai mal au cœur...

« Je... je...

- C'est bon, je sais, je sais... Viens là. »

Il me prend dans ses bras, une fois de plus. Alors je me laisse aller. J'ai décidé de tout lui dire, j'en ai besoin, il faut que quelqu'un m'écoute, et je veux que ce soit lui, personne d'autre. Une fois un peu calmé, je commence à prendre la parole.

« Je ne sais pas vraiment par où commencer... c'est un peu confus...

- T'es pas obligé de m'en parler si c'est trop dur.

- Non, je dois te le dire. »

Je prends une grande inspiration, et me lance.

« Quand papa était vivant ça allait encore. Ma mère était un peu sévère mais ça allait. Je crois que j'ai toujours su que papa était mal. Son grand-frère a quitté sa famille le jour même il a fait son coming out – tu sais, mon oncle trans -. Papa a très mal vécu cette période, parce qu'il aimait beaucoup son frère, qu'il allait souvent voir d'ailleurs. Il s'inquiétait beaucoup pour lui, mais en même temps il avait très peur pour lui-même. Pour faire plaisir à sa famille et pour être plus « normal » il s'est marié à une femme. Il cachait son homosexualité à tout le monde, sauf à son frère, il n'avait pas le courage de quitter sa famille, tu comprends c'était quand même ses parents. Ma mère l'aimait à la folie, et elle n'a pas tardé à deviner pour lui. Plutôt que de le laisser partir, elle l'a encore plus confiné près d'elle. Pour qu'il ne puisse plus la quitter elle lui a demandé de lui faire un enfant.

- Comme si ça allait suffire...

- Pourtant tout s'est déroulé comme elle l'espérait. Après ma naissance, il se sentait comme emprisonné. Pourtant, il adorait être père, même s'il n'aimait pas la femme avec laquelle il était marié. Puis il s'est trouvé un amant, et il allait beaucoup mieux, même s'il culpabilisait beaucoup d'être infidèle. J'étais au courant, et si au début je trouvais ça un peu bizarre – tu comprendras que ma mère m'avait bourré le crâne avec des monstruosités sans nom -, je me suis dit que s'il était heureux, alors c'était le principal. C'est lui qui m'a raconté tout ça, et moi qui l'avait toujours adoré, j'ai commencé à ne plus supporter ma mère. Alors j'ai commencé à faire semblant que tout allait bien. Je la détestais d'être aussi égoïste et méchante. Elle ne s'est jamais occupée de moi, je n'étais qu'un simple pion qui lui permettait de rester près de lui. Un jour il est revenu à la maison dans un état de tristesse sans nom. Je suis venu dans sa chambre - mes parents avaient chacun la leur – et je lui ai demandé pourquoi il était si triste. Il m'a dit que son amant avait eu un accident de voiture, et qu'il allait peut-être mourir. Il est allé à l'hôpital le lendemain, et quand il est revenu, on aurait dit un cadavre. C'est moi qui l'ai retrouvé le lendemain dans la baignoire. Il y avait du sang partout. Ma mère a hurlé comme une folle, avant d'appeler les secours. »

RainWhere stories live. Discover now