Chapitre 13 : Le bout du tunnel

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Arthur

Cela fait maintenant un an que je suis allé porter plainte contre ma mère pour tout ce qu'elle m'a fait subir depuis déjà quelques années. La procédure a été particulièrement longue, et pendant tout ce temps la famille d'Ulrich m'a accueilli un petit temps, avant que je ne me retrouve dans une famille d'accueil dans une autre ville. Etre dans un nouvel environnement complétement différent a été un véritable choc, je sursautais pour un rien, et paniquais tout le temps. Cette famille a été particulièrement gentille avec moi, quand bien même elle savait qu'elle devrait un jour se séparer de moi, de toute façon ses membres ne sont pas supposés avoir un attachement pour moi, ce qui est complétement ridicule, on ne contrôle pas les sentiments des gens comme ça. Ils avaient même une fille de mon âge, Clarice, une belle rousse aux yeux pétillants. Je me suis rapidement très bien entendu avec elle, et elle n'a pas tardé à se confesser à moi, à mon plus grand dam. C'était bien la deuxième fois qu'une fille me confie ses sentiments à mon égard, et bien sûr j'ai refusé, mais en essayant d'être le plus doux possible, arguant le fait que j'avais déjà quelqu'un dans ma vie... enfin c'est compliqué...

En effet, pendant tout le temps où j'étais dans ma famille d'accueil, je n'ai pas passé une seule soirée sans échanger avec Ulrich, que ce soit de moi que vienne la conversation, ou l'inverse, même si je dirais que c'était plutôt lui qui s'inquiétait. Nous n'avons toujours pas mis de mots clairs sur notre relation, mais comme il ne m'a jamais demandé de sortir avec lui, et que moi-même je n'ai rien fait dans ce sens, je suppose que nous sommes encore amis, bien que nous ayons prévus d'aller dans la même université, en collocation. Pour noël j'étais déjà chez ma famille d'accueil, et j'ai eu la bonne surprise de recevoir deux cadeaux de la part d'Ulrich, à qui j'avais communiqué l'adresse, avec Christophe c'était le seul à la connaître. J'ai donc eu une écharpe pour mon anniversaire (la même que j'avais vu dans une vitrine un jour que nous étions en train de nous promener), et cela m'a fait énormément plaisir. Le deuxième cadeau était pour mon noël, et il m'a fait je crois encore plus plaisir. Un jour, je lui ai dit que j'appréciais tout particulièrement les colliers, et j'en ai reçu un noir, à petits clous. Depuis, je le porte tous les jours, et si ce n'est pour dormir ou pour me doucher, je ne le quitte jamais. On m'a souvent demandé pourquoi j'en avais un, et j'ai toujours simplement répondu que c'était quelqu'un de très cher à mon cœur qui me l'avait offert. Beaucoup ont crû qu'il devait s'agir de feu mon père, et il n'y a bien que Clarice qui a su la vérité, remarque elle n'avait pas de mal puisqu'elle était là quand j'ai reçu ce cadeau.

Enfin, j'ai obtenu mon bac avec une mention assez bien, et j'ai commencé un petit travail avec Ulrich en tant qu'animateur dans une colonie de vacances pour enfants assez jeunes (entre dix et douze ans). Nous avons eu beaucoup de choses à nous dire, et nous nous sommes pris dans les bras mutuellement. Les enfants étaient tous adorables, mais un brin bordéliques, heureusement je n'ai pas flanché une seule fois, avec Ulrich à mes côtés, j'ai pu diriger cette troupe avec lui et l'autre animateur, enfin, animatrice. Le premier jour, nous avons tous les deux fait connaissance avec l'animatrice en question, Ambre, une jeune femme de notre âge, assez gentille, bien que quelque chose chez elle me gênait tout particulièrement. En fait, elle nous avait jeté un drôle de regard pendant notre embrassade, mais rien de plus.

La journée avait été longue, et nous avons installé un campement dans un endroit calme. Ni moi ni Ulrich n'avions l'habitude de monter des tentes, alors Ambre nous a aidé comme elle a pu. Comme le couvre-feu était assez tôt, nous avons pu nous raconter beaucoup de choses, avant qu'Ambre ne vienne nous rejoindre dans la tente, pour en apprendre un peu plus sur nous. Nous lui avons expliqué que nous nous étions rencontrés il y a un peu moins d'un an, et nous avons soigneusement évité les problèmes que j'ai eu avec ma mère, au lieu de ça nous avons insisté sur le fait que nous nous entendions merveilleusement bien. Elle nous a innocemment demandé si nous étions ensemble, et là nous n'avons pas su quoi répondre.

« C'est compliqué » avait dit Ulrich.

Oui, c'est compliqué. Elle s'est excusée, puis est parti sans dire un mot. Nous nous sommes alors regardés, ne sachant que faire. J'allais me coucher, quand il m'a pris la main. Je me suis alors tourné vers lui, et j'ai eu droit à un baiser. Nous nous sommes séparés, puis nous nous sommes encore embrassés. Il m'a alors posé une question.

« Tu... tu voudrais qu'on sorte ensemble ? »

J'ai souris, et je lui ai dit oui, libéré de ma mère, je pouvais enfin me concentrer sur autre chose. Ce soir-là, nous avons dormis dans le même sac de couchage, et le lendemain matin, nous avons fait comme si de rien n'était, avant de nous préparer pour la journée.

Curieusement, la plupart des enfants nous regardait de manière assez bizarre, sans que l'on sache pourquoi. Nous nous sommes alors dirigés vers Ambre pour manger avec elle, et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons été très surpris par ses différentes remarques. Elle ne nous a même pas dit bonjour, et a tout de suite commencé à nous sermonner, heureusement qu'Ulrich lui a répondu tout le long, parce que personnellement je n'aurais pas pu.

« Franchement les gars, vous pourriez être plus discrets quand même !

- C'est-à-dire ? Bonjour sinon...

- Ouais bonjour... Nan mais je veux dire, il y a des gosses qui vous en vue en train de vous embrasser ! »

Bien sûr j'ai immédiatement commencé à rougir, ce qui n'était pas du tout le cas d'Ulrich.

« Et alors ? Qu'est-ce que ça fait ?

- Ben le problème c'est qu'ils pourraient vous imiter. Attention ! Je ne suis pas homophobe hein ! Mais je dis que ça peut choquer les enfants, tout ça... Et puis bon, ça les incite vraiment à faire ça vos trucs.

- Heureusement qu'on s'est arrêté là alors, parce que si de simples bisous « choquent » comme tu dis... »

Je rougis de plus belle, et elle de son côté ne sait plus où se mettre.

« Si j'étais une fille ça aurait mieux passé ?

- Ben oui ! C'est normal qu'un gars embrasse une fille, tant qu'il ne fait pas des trucs trop intimes dans une tente. »

Nous en avons donc conclu que nous n'étions pas normaux. Nous avons donc mangé en silence, en nous jetant des regards plus ou moins discrets. Bien sûr elle n'a pas compris toute l'horreur de ses propos. Heureusement le reste de la journée s'est bien passé, si ce n'est le soir, où un des gamins est venu nous voir pour nous demander si moi et Ulrich étions gay. S'il a tout de suite répondu oui, j'ai eu beaucoup de mal à répondre, alors j'ai dit que j'étais bi, c'est plus simple à expliquer que pan, ce que je suis sans doute pourtant, je ne suis pas sûr. Ce que je n'avais pas fait, à coup sûr il allait être persuadé que je suis une sorte de pervers, c'est malheureusement l'une des images que l'on a des bis...

Bon, en fait rien de grave n'est arrivé, et tout le reste de la colonie s'est bien passée. Nous sommes restés en froid avec Ambre, qui n'a pas voulu nous reparler, sauf quand cela était nécessaire. Qu'importe, de toute façon ce n'est pas comme si elle était très intéressante, tant que j'ai Ulrich ça me suffit. Elle a failli péter un câble quand deux filles de la colonie se sont embrassées le dernier soir. Bien sûr elle a tenté de nous engueuler, arguant le fait que nous les avions entrainés par nos actions. Ulrich l'a interrompu d'un seul coup, comme il a l'habitude quand quelque chose lui fait profondément mal, ou du moins le gêne énormément, avec une ironie mordante qui l'a laissée sans voix. J'imagine qu'elle s'y reprendra à deux fois avant de s'en prendre à lui, enfin surtout à nous, je pense que si ça n'avait concerné que lui il n'aurait rien dit, car dès qu'on s'attaque à moi il rentre dans une colère noire.

A la rentrée nous sommes rentrés dans la même université, comme nous en avions convenu lorsque j'étais chez lui au début, dans le même appartement, que nous louons à deux. Le salaire que nous avons reçu pendant les vacances nous aide bien, sans compter sur les bourses auxquelles nous avons droit. Nous faisons des choses différentes : lui est en histoire, moi en lettre modernes, ce qui ne nous empêche de nous voir tous les soirs.

Jamais je n'aurais cru ça possible, c'était tout bonnement impossible de l'imaginer. Il m'arrive encore de paniquer pour un rien, mais je me remets progressivement de tout ce qu'on a pu m'infliger pendant ces longues années. Avec lui à mes côtés, je sais que n'ai rien à craindre, que tout se passera bien. Bien sûr nous avons quelques fois des disputes, mais ce sont toujours des disputes pour pas grand-chose, et tout cela se finit systématiquement par des réconciliations plus ou moins tendre. Que demander de plus ?

RainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant