Chapitre 14 : Une famille

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Ulrich

« Papa Ulrich ! Il est où papa Arthur ? Je veux papa Arthur ! »

Tiphaine est vraiment adorable, mais des fois je n'ai qu'une envie : la coller devant des dessins animés pour pouvoir souffler un peu, j'ai des copies à corriger, et c'est un vrai calvaire compte tenue de l'orthographe absolument désastreux de la plupart de mes élèves.

« Papa Arthur revient dans une demi-heure ma puce, sois un peu patiente s'il te plait.

- Maieuuuuh ! Je veux montrer à papa Arthur mon dessin ! »

Je m'arrête un instant pour la prendre sur mes genoux et lui caresser la tête pendant quelques secondes, histoire de la calmer un peu. Soudain, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir, et Arthur rentre dans le salon, plutôt énervé d'après ce que je vois, aurait-il réussi à quitter son travail un peu plus tôt ?

« Mais quel con ce proviseur ! Oser me faire ce genre de remarques !

- Ça ne va pas ? Qu'est-ce qu'il t'a encore dit ?

- Papa Arthur ! Regarde, j'ai fait un dessin ! »

Aussitôt, Tiphaine descende de mes genoux, ouvre son sac d'école et en sort un dessin d'enfant, sur lequel figure toute notre petite famille : elle et ses deux pères. Bien sûr, Arthur est surpris par ce qu'elle a fait, car elle dessine plutôt bien pour ses trois ans, je suis même sûr que je ne saurais pas faire mieux... je ne sais pas si c'est mon niveau qui est vraiment désastreux ou si c'est le sien qui est bon... Mon beau blond l'embrasse sur la joue, avant de lui dire que son dessin est très beau, puis il lui demande d'aller se préparer pour la douche. J'en profite donc pour poursuivre un peu ma discussion avec lui.

« Alors, explique-moi un peu.

- Ce sale con a osé critiquer le fait que nous avons adopter un enfant ! Pour notre deuxième semaine de cours je trouve qu'il a dépassé les bornes ! »

Effectivement ce n'est pas spécialement sympa de sa part...

« Après, on ne peut pas non plus se mettre tout le monde à dos, il vaut mieux lui faire une remarque discrète, histoire de lui dire que ce n'est pas approprié.

- C'est exactement ce que j'ai fait, et ce connard a fait une petite moue, avant de rajouter que comme je suis « un peu efféminé » je peux facilement faire la mère ! Tu le crois ça ?! Qu'il aille se faire foutre, ça le calmera un peu, et au moins il aura une excuse pour être désagréable s'il est mal baisé. »

Je trouve qu'Arthur a pris plus d'assurance ces dernières années, à tel point qu'il a beaucoup changé, autrefois il se serait laissé faire sans rien dire. Je prends mon mari dans mes bras, avant de le réconforter comme je peux. Il se calme un peu, et alors que je me dirige vers la cuisine pour commencer à préparer quelque chose pour ce soir il m'interrompt.

« Laisse, je m'en occupe, ça va me détendre. »

Je le laisse faire, et continue de corriger les quelques copies qu'il me reste avant d'entendre ma petite chipie crier depuis la salle de bain.

« J'ai pas de vêtements ! Papa Ulrich, vêtements ! »

Evidement j'ai complètement oublié de lui amener un pyjama, je me précipite donc dans sa chambre pour prendre l'objet de son désir, avant de le lui donner. A peine a-t-elle son pyjama qu'elle ferme la porte rapidement pour pouvoir s'habiller toute seule sans que je ne puisse la voir.

Nous passons une soirée plus ou moins agréable, à écouter le récit de Tiphaine sur sa journée d'école.

« Et même que Chloé elle est jalouse parce que j'ai deux papas ! »

Ah les enfants, si... enfantins.

Après quoi nous faisons la vaisselle pendant que notre trésor regarde un peu la télé, puis, nous l'envoyons au lit, avant de nous raconter nos journées respectives. Nous travaillons dans le même lycée, dans lequel nous avons réussi à entrer après avoir enseigné pendant trois ans dans un collège assez minable et tout particulièrement homophobe. Enfin, là où nous sommes désormais le proviseur ne semble guère mieux... Nous prenons ensuite une douche chacun notre tour, moi en premier, avant de nous coucher, chacun lisant son propre livre.

Le lendemain, j'amène Tiphaine à l'école, avant d'aller travailler. Je ne commence mes cours qu'à dix heures, ce qui me laisse le temps de travailler un peu mes cours pour les semaines à venir. Alors, l'une de mes collègues de travail, en l'occurrence Christine, une prof de maths, vient me parler.

« Salut ! Ça va ? J'ai entendu dire qu'Arthur s'était brouillé avec « Monsieur le proviseur ».

- Salut. Les nouvelles vont vite à ce que je vois. Ne t'en fais pas pour ça, c'est notre problème, il a juste dépassé les bornes, une fois de plus tu me diras. Ce n'est pas comme s'il nous avait demandé dès notre première rencontre qui fait la femme quand il a su que nous étions mariés...

- Laisse-lui le temps de s'y faire.

- C'est bizarre, mais je me disais qu'un homme de cinquante-sept ans avait largement eu le temps au cours de sa vie de sortir de ses clichés homophobes et d'apprendre un peu à respecter l'intimité de ses collègues. »

Nous discutons un peu elle et moi de tout cela, avant de retourner à notre travail. La pause de dix heures arrive assez vite, et notre très cher proviseur arrive dans la salle des profs histoire de prendre une boisson à la machine à café. Puis, il se tourne vers moi, et après avoir dit bonjour, me lance un petit :

« Vous donnerez mes excuses à votre femme, j'ai été un peu déplacé hier.

- Vous l'êtes tout autant aujourd'hui si ce n'est plus, Arthur est un homme comme vous et moi. Au cas où vous ne le sauriez pas, un couple d'homme qui élève un enfant se passe de mère, je pense que deux papas sont amplement suffisant. »

Je lui ai répondu sans même le regarder, et vu la manière dont il soupire, ça n'a pas l'air de lui faire plaisir.

« Vous savez, une famille c'est avant tout un papa et une maman, je suis désolé de vous le dire, mais je ne pense pas que vous ayez... »

Je l'interromps aussitôt, faisant de mon mieux pour cacher ma colère.

« Veuillez m'excuser, mais je ne crois pas que votre modèle hétérocentré soit des plus appropriés. Vous avez le droit de penser ce que vous voulez, en revanche, faire ce genre de remarques à une personne concernée par la thématique abordée me semble extrêmement limite. Il me semble que vous n'avez rien à me dire sur ma manière de concevoir la famille. Sur ce, j'ai cours. »

Je m'en vais sans lui décocher le moindre regard, mais vu la manière dont Christine se retient de pouffer il doit tirer une drôle de tête. J'arrive dans ma salle de cours, et attend mes élèves. Ces derniers arrivent un peu après la sonnerie, et je les fais tout de suite rentrer, avant de faire l'appel et de commencer mon cours d'histoire.

Ainsi allait notre vie. Après des années de luttes pendant un procès très long contre sa mère, Arthur a fini ses études, avant de se marier avec moi. Nous sommes tous les deux devenus professeurs, et avons adopté une magnifique petite fille. Chose curieuse, Arthur semble être devenu beaucoup plus fort que moi, beaucoup plus expressifs par moment aussi. Malgré quelques incidents, nous sommes restés liés l'un à l'autre, et l'enfant que nous avons eu semble nous avoir encore plus rapproché. Et à chaque fois que la pluie tombe, nous nous rappelons de ce jour au cinéma où il m'a volé un baiser, ce jour où notre relation a pris un tournant décisif, un jour de pluie. D'ailleurs, le jour de notre mariage était ponctué par de nombreuses averses, signe de chance.

Peu importe les problèmes que nous traversons, nous restons toujours plus soudés, plus fort, plus attentionnés l'un envers l'autre. Ce qui nous permet de tenir, c'est notre amour indéfectible l'un pour l'autre, notre amour sous la pluie.


A y est ! Rain, c'est fini ! On peut dire que j'aurais pas mal galéré, avec tous mes retards et mes erreurs un peu partout dans ce livre. Au départ il devait être un peu plus long, mais un autre projet me presse, et puis de toute façon je ne vois pas comment je pourrais continuer cette histoire. J'espère qu'elle vous aura plu ! A une prochaine fois pour encore plus de BL, encore plus d'amour et de conflits !

RainWhere stories live. Discover now