Chapitre 12 : Une grande décision

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Ulrich


Après quelques secondes bien trop courtes, je me sépare d'Arthur, et nous parlons un peu de tout avant d'aller nous coucher, non sans avoir mis un réveil pour le lendemain. Il est particulièrement surpris de l'heure à laquelle je me réveille, et m'avoue qu'au moment où je sors de mon lit, il est déjà debout depuis près d'une demi-heure. Il m'a l'air plus calme, plus serein, son bain lui aura fait du bien, en même temps il aura eu une matinée difficile. Je remercierais plus tard mes parents de ne pas lui avoir posé des questions concernant sa vie familiale, ils ont l'habitude de rester discrets sur ce genre de chose, car une fois ils ont questionné une personne dans le même cas qu'Arthur, bref ça devait être gênant.

Je me laisse facilement aller dans les bras de Morphée, et je suppose à ce moment que la nuit sera paisible. Du moins, c'est ce que je pensais. En effet en plein milieu de la nuit, j'entends des hurlements qui me réveillent immédiatement. Bien sûr c'est Arthur, qui a très certainement fait un cauchemar. Il tremble comme une feuille, et commence à pleurer, alors sans dire un mot, je descends sur son matelas, et le sers dans mes bras tout en caressant son dos pendant qu'il s'agrippe désespérément à mon tee-shirt. Progressivement, il cesse de trembler et de pleurer, et respire un peu plus normalement. Je l'embrasse chastement, et il se calme complétement.

« Ça va mieux ? »

Il hoche timidement la tête.

« Désolé... je suis désolé...

- T'excuses pas, c'est pas grave.

- Mais je t'ai réveillé...

- Pas grave, on s'en fiche. »

Nous restons comme ça longtemps, et au moment où je vais remonter sur mon lit, je constate qu'il dort à poings fermés. Plutôt que de le réveiller en bougeant, je reste comme ça, et finis moi aussi par dormir.

Le lendemain matin, le réveil sonne assez violemment comme d'habitude, me tirant du sommeil. C'est plein de courbatures que je me lève pour aller l'éteindre, et c'est à ce moment-là que je me rends compte qu'à mon réveil Arthur et moi n'étions plus collés l'un à l'autre. J'entends le bruit caractéristique de la chasse d'eau, et le voit arriver dans la chambre après être passé par la salle de bain. Aussitôt je me demande comment il a fait pour se détacher de moi sans me réveiller, mais bon, ce n'est pas très important.

« Mieux dormi après ton cauchemar ? »

Il hoche la tête, et me demande s'il peut utiliser la salle de bain pour se doucher. Plutôt surpris, je lui demande s'il prend deux douches par jour tout le temps.

« Oui, je n'aime pas me coucher le soir en étant sale, et le matin je préfère me débarrasser de la transpiration de la nuit. Si je le pouvais je prendrais même une troisième douche le midi. »

Serait-il un peu mysophobe sur les bords ?

« Tu sais, trois douches dans une journée c'est un peu beaucoup. Scientifiquement parlant le mieux c'est de prendre une douche tous les deux jours, même si on est d'accord c'est quand même mieux d'en prendre une par jour...

- Du coup je peux utiliser la salle de bain ? »

On dirait bien qu'il ne veut pas entendre ce que j'ai à dire... Je hoche de la tête, et prépare le petit déjeuner en prenant garde de ne pas utiliser l'eau, histoire qu'il n'ait pas une douche froide, je connais ça.

Il revient donc avec les vêtements que je lui ai préparés, et comme je m'en doutais ça lui va. Bon, ils sont un peu vieux puisqu'ils étaient à moi quand j'étais plus jeune. Au moins ce sont des vêtements neutres, sans motif dessus. Par contre il a l'air un peu ridicule avec ses cheveux trempés qui dégoulinent sur son visage.

« Tu peux utiliser le sèche-cheveux si tu veux. »

Il hausse les épaules, retourne dans la salle de bain, et passe cinq minutes à utiliser le bruyant appareil. Quand il revient, ses cheveux sont à peu près secs, mais parfaitement désordonnés, comme d'habitude, et j'ai la présence d'esprit de ne pas le relever.

Il est plutôt surpris de voir que je lui ai préparé un petit-déjeuner, et mange timidement, alors que je me goinfre comme à mon habitude. Bon, il n'a pas mangé grand-chose, mais au moins il a quelque chose dans le ventre, c'est déjà ça. C'est donc ensemble que l'on prend le bus, avant d'aller au lycée, dans l'escalier où l'on se retrouve habituellement. Il commence à me parler, alors que pendant tout le trajet nous sommes restés silencieux.

« Je ne veux pas que cette journée finisse... »

Je comprends bien sûr pourquoi, car une fois la journée de cours finie, il devra retourner chez lui. Aussitôt je lui tiens la main, et il me lance un regard plein de détresse.

« Je... je ne veux plus de tout ça... j'en peux plus... »

Il commence à pleurer silencieusement, alors je le prends dans mes bras, et lui caresse le dos exactement comme la nuit dernière.

« Ça va aller, ça va aller. Calme, calme. »

Je le berce doucement, et alors il se décolle lentement de moi, sèche ses larmes, et me dit résolu comme jamais il ne l'avait été avant :

« Je veux que ça s'arrête. »

Ces quelques mots sont forts dans sa bouche. Je ne sais pas quel a été le déclic, mais il me parait sûr de lui, comme si en quelques heures toutes les portes de la délivrance se sont ouvertes.

« Je veux que ça s'arrête, et vivre une vie normale. Elle n'a pas le droit de me faire tout ça... Rien que ce matin c'était ma première douche chaude depuis des années, mon premier petit-déjeuner depuis des années. Je ne veux plus souffrir à cause d'elle... plus jamais... »

Sa voix se meurt dans ses derniers mots. J'imagine que prendre cette décision n'a pas dû être facile, aussi je décide de tout faire pour l'aider dans cette voie, il ne faut surtout pas qu'il revienne en arrière ne serait-ce qu'à un seul moment, sino ce sera fini. Aussi je prends la parole.

« Ce soir on porte plainte, et tu dors chez moi. »

Il me dit oui timidement, et comme la sonnerie ne va pas tarder à retentir, nous allons devant la salle de cours.

La journée se passe sans encombre, et Christophe nous rejoint pendant la pause déjeuner. Il lui fait à un moment donné un drôle de clin d'œil, que je n'arrive pas à comprendre, je suppose qu'il lui a dit des choses que j'ignore, pas que ça me dérange, au contraire je suis heureux de voir qu'il a suffisamment confiance en quelqu'un d'autre que moi pour lui confier des choses. Une fois les cours finis, nous prenons le bus en direction du centre-ville, et je devine au comportement d'Arthur qu'il est stressé, très angoissé, alors je lui tiens la main, comme si c'était la chose la plus rassurante du monde...

Pénétrant dans le commissariat, nous nous approchons de l'accueil, et l'homme qui s'y trouve nous demande simplement après nous avoir dit bonjour :

« C'est pour... ? »

RainWhere stories live. Discover now