1 - Léa

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Il est 8h du matin, un mois de janvier. Léa ouvre le store de son salon de thé et s'engouffre dans l'atmosphère chaude et enveloppante de l'intérieur.

Elle est seule, Alice, son employée, ne fait l'ouverture que très rarement et n'arrivera que dans une heure, pour le coup de feu.

Après avoir allumé les lumières, augmenté le chauffage et pris son café, elle signala par le panneau sur la porte que le salon était maintenant ouvert. Elle savait qu'il lui faudra attendre encore quelques dizaines de minutes pour accueillir les premiers clients, mais elle aimait ce calme matinal dans une ville qui ne l'était que très rarement.

Elle était absorbée par la lecture des actualités du jour lorsqu'Alice passa le pas de la porte.

- Bonjour Léa, ça va ce matin ?

Léa leva les yeux de son téléphone et répondit :

- Le monde m'hallucine de plus en plus mais ça va merci !

- Combien de fois je t'ai dit de ne plus lire toutes ces bêtises ? Tu es bien trop sensible pour ce monde, dit-elle avec un sourire en coin.

- Mouais, peut être effectivement ...

Elles n'eurent pas le temps d'approfondir que les premiers clients arrivèrent les uns après les autres. A cette heure de la journée, c'était principalement les habitués qui venaient boire leur boisson chaude du matin avant d'attaquer leur journée.

Après une matinée bien chargée, Léa sortit pour déjeuner avec Chloé, sa meilleure amie, qui était à Paris pour la semaine. Elles s'étaient connues au lycée, avaient fait les quatre cent coups ensemble, et ne s'étaient plus quittées depuis. Malheureusement, elles ne se voyaient que très rarement ces derniers temps puisque Chloé, journaliste, passait la plus grande partie de l'année à voyager de pays en pays. Léa admirait son amie, courageuse, insouciante, et pleine d'idéaux. Mais pour rien au monde elle n'échangerait sa vie contre la sienne.

En entrant dans la brasserie du coin de la rue, elle aperçut rapidement son amie attablée dans leur coin habituel, au fond de la salle, entre une déco de vieux vélo vintage et un tableau particulièrement médiocre d'un peintre inconnu. Ce n'était pas l'endroit le plus huppé de Paris mais elles aimaient l'atmosphère familiale qui s'y dégageait, elles s'y sentaient chez elles.

- Tu m'as tellement manqué ! Dit Chloé en serrant son amie dans ses bras.

- Et moi donc ! Comment s'est passé ton dernier voyage ?

- Comme d'hab', un pays loin d'ici, des reportages, des rencontres uniques, la routine quoi !

Léa souriait, pendant que Chloé lui racontait toutes ses péripéties de son voyage en Amérique du sud. Son amie était une femme épanouie de 34 ans, petite et un peu ronde, mais qui savait charmer tous les gens autour d'elle grâce à ses cheveux noir corbeau et son expression toujours enjouée. Elle avait les yeux verts clair, cachés par des lunettes rondes écaillées.

- Bon, assez parlé de moi ! Comment vont ton mari et ma filleule ?

- Tout le monde va super bien, Paul a trouvé un poste de chef cuisinier dans un petit restaurant de Montreuil, et Clara n'arrête pas de me parler de toi !

- Je vais passer vous voir dans la semaine, en plus j'ai un cadeau pour elle, me dit-elle en me lançant un clin d'œil.

- Ahah, si tu n'arrêtes pas de la gâter à chacun de tes voyages, je vais être obligée de consacrer une pièce entière à toutes tes trouvailles !

Chloé sourit et elles trinquèrent à leurs retrouvailles éphémères.

Leur repas terminé, elles sortirent de la brasserie. Chloé alluma une cigarette, tout en voyant le regard accusateur de son amie. Elle s'en amusa et elles commencèrent à marcher en direction du salon de thé.

- Je te laisse ici ma chérie, j'ai un rendez-vous important dans trente minutes.

- Ok, passe à la maison demain soir alors ! Je te ferai les lasagnes que tu aimes tant !

- J'ai hâte ! Tes lasagnes, je pense que c'est la chose qui me manque le plus !

Léa lui donna un petit coup sur le bras, et l'enlaça une dernière fois avant de retourner travailler.

La journée passa à une vitesse impressionnante ! Déjà 18h, c'était à son tour d'aller chercher sa fille chez la nounou, Paul s'occupant du service du soir au restaurant.

- Coucou ma puce, comment s'est passé ta journée ? Demanda Léa à sa fille, déjà nichée dans ses bras

- Trop bien, aujourd'hui j'ai reçu un bon point parce que j'ai trop bien lu !

- C'est bien ma chérie, je suis fière de toi.

Après avoir discuté brièvement avec la nounou des progrès de Clara depuis son entrée en CP, Léa emmena sa fille à la voiture, et elles arrivèrent chez elles après seulement dix minutes de route. C'était parfait, ils avaient réussi à trouver une bonne nourrice à quelques kilomètres de chez eux pour Clara, seulement quelques mois après sa naissance. Depuis, Clara avait noué une relation privilégiée avec sa nourrice, ce qui ravissait Léa.

La famille Durieux vivait à Vincennes, dans une résidence regroupant plusieurs maisons. La vie y était paisible et agréable. La propriété était grande et, surtout, Clara pouvait courir dans le petit jardin attenant à l'arrière de la maison. Paul et Léa avaient utilisé toutes leurs économies pour l'acheter mais au moins, ils avaient leur petit cocon douillet à eux, sans avoir aucun prêt à rembourser. Léa, de famille d'origine plutôt modeste, était fière d'être propriétaire de sa maison à 34 ans, et d'avoir réussi à fonder une famille aimante, solide et complice comme la leur.

Après avoir lu une histoire à sa fille, fait le peu de vaisselle qu'il y avait, elle s'installa dans le salon pour lire un livre, accompagné d'un petit fond de musique, jusqu'au retour de son mari.

A la fin de son service, Paul rentra enfin chez lui, épuisé. Il vint déposer un baiser sur le front de sa femme, toujours absorbée dans la lecture de son polar.

- Je termine mon chapitre et je viens boire un thé avec toi mon amour, lui dit-elle sans même lever les yeux de son livre.

Paul sourit, et alla préparer le thé. C'était leur petit rituel à tous les deux. Chaque soir, quelle que soit la journée, ils s'assoient ensemble un instant, et boivent un thé tout en discutant de leur journée respective.

En attendant que la bouilloire s'arrête, il s'adossa à l'évier de la cuisine et observa sa femme. Elle était toujours aussi magnifique qu'à leur première rencontre. Grande, élancée, il aimait particulièrement la mèche rebelle qui s'échappait toujours de ses cheveux bruns attachés en un chignon négligé. Ses yeux noisettes, changeaient de couleur au grès du temps, tantôt plus clairs, tantôt plus sombres. Mais ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était sa bouche, pulpeuse, formant comme un cœur avec sa lèvre supérieure. Dès qu'il s'attardait dessus, il ne voulait plus rien d'autre que l'embrasser, goûter sa chair sucrée et laisser aller sa langue contre la sienne ...

- Paul ?

Il émergea de sa transe et sourit à sa femme. Elle adorait son sourire, ses petite pattes d'oies au coin de ses yeux, ses cheveux qui commençaient sérieusement à devenir poivre et sel, c'était l'homme de ses rêves, et ça, rien ni personne ne pourra jamais le changer.

Où étais tu ?Where stories live. Discover now