Chapitre 16 Une question de temps (1ère partie)

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          — Tu devrais condamner cette pièce. Tout aïdem qui se respecte, ne détient pas un tel secret dans sa maison. Tu n'accéderas pas ainsi à cette normalité que tu veux si hardiment.

Ness laissa tomber l'épée, qui produisit un bruit de fer en atteignant le sol. Il se retourna, effrayé, puis se calma en secouant la tête.

— Tu m'as fait peur.

           Un homme, un peu plus grand que Ness, était accoudé au bureau. Ses cheveux étaient poivre et sel, avec une faible barbe de la même couleur, fraîchement taillée. Il portait une salopette rouge-écarlate et une chemise à carreaux sur un ventre pansu. Ses yeux d'un bleu perçant riaient en regardant le petit aïdem.

— Comme une certaine explication avec un fameux magicien véhément ? J'ignore le sujet de votre dispute, mais il semblait escompter quelque chose de toi.

— Je ne veux pas en parler, répliqua Ness en fixant un point au-dessus de l'épaule de l'homme plus âgé.

— Et je ne te réclame pas. Tu es grand maintenant. Ce que tu fais, et penses, ne me concerne plus. Et arrête de cacher cette épée Ness. On dirait un enfant qui a cassé une assiette et qui n'ose pas montrer la bêtise à ses parents.

— Depuis quand connais-tu l'existence de cette pièce ? demanda le petit, en rougissant à moitié.

— Depuis longtemps, mais le hasard m'a aidé à la découvrir, le rassura-t-il.

— Je sais que c'est mal. Ce n'est pas un comportement normal d'aïdem, déclara Ness en baissant la tête sur ses pieds.

— Qui t'a dit que je voulais que mon fils soit une personne comme les autres ? Les individus à part entière se construisent dans la différence. La singularité représente l'une des plus merveilleuses qualités. Cette terre serait bien triste si chaque être se ressemblait et pensait la même chose.

— Pour toi, c'est facile Papa. Excuse-moi, Père. Tu es le seul aïdem à ne pas te comporter comme tout le monde et les gens aiment ton caractère. Avant toi, jamais un habitant de Blimane n'avait essayé de savoir comment marchait telle machine. Et encore moins bricoler, réparer et créer des objets, dont maintenant, chacun se sert.

— Je me suis battu pour me faire accepter. Blimane ne comprenait pas cette « manie » que j'avais à vouloir découvrir et embellir l'existence des aïdems. Mais à force de les obliger à voir ce que je pouvais leur apporter, ils y ont consenti et à présent, plus personne ne pourrait vivre sans mes inventions. Elles font partie de la vie de tous les jours. J'aime ce que j'entreprends. On dit que le temps est court, mais il s'avère long quand on n'est pas soi-même. Ton ami a raison. Tu sembles heureux, mais ceux qui te connaissent ne se laissent pas si facilement tromper, déclara l'aïdem paternel.

— Si, s'insurgea Ness.

— Si tu le penses, sourit son père. Mais les objets de cette pièce, ce que tu fais... C'est toi.

L'homme s'approcha de Ness, en lui tendant l'épée tombée au sol. Il serra l'épaule de son fils, enjoué, et sortit de la même façon qu'il était arrivé.



           Le père tourna la tête et sourit au mur, comme si son fils se tenait devant. Il traversa le couloir en sifflotant, heureux. De sa poche de derrière, il sortit un petit livre à la couverture verte, qu'il se mit à feuilleter, tout en marchant pour regagner l'entrée. Avant d'ouvrir la trappe, il se retourna à demi, les yeux toujours posés sur les pages.

— Vous pouvez quitter votre cachette. Vous n'avez rien à craindre de moi. Et si vous venez voir mon fils, il est fort occupé, et ce, pendant encore un long moment, déclara-t-il, en riant.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Where stories live. Discover now