Chapitre 5

697 33 5
                                    

À la faveur de la nuit, Jade parcourut les feuilles données par Battier plus tôt dans la journée. Il s'agissait de questions concernant sa capacité d'attention, de concentration, mais également ce qui lui semblait important à appliquer lors de l'apprentissage d'une leçon. Ces interrogations lui donnèrent la migraine, ou peut-être fut-ce la fatigue. De son lit, elle regarda par la fenêtre et observa les étoiles, la même musique en boucle résonna dans ses oreilles. Ces lointains éclats lumineux lui rappelèrent l'insignifiance de son existence. Cela lui apporta une vague sensation de réconfort qu'elle ne sut expliquer. Dans la pénombre de sa chambre, la seule lumière de la lampe de chevet éclairait la jeune fille, assise en tailleur. Elle observa un court instant ses cuisses, qui lui parurent bien plus fines que d'ordinaire. Depuis quelques temps, elle se détournait de la nourriture, comme par manque d'intérêt plus que par manque d'appétit.

Jade prit son téléphone portable. 23H45. Elle se frotta les yeux, il ne lui restait qu'une question à laquelle répondre.

Qu'est-ce qui a des dents, mais qui est incapable de mordre ?

La jeune fille fronça les sourcils, perplexe. Était-ce une blague ? Il est vrai que les questions formulées par Battier disposaient également de petites remarques humoristiques, mais ça... Jade posa les feuilles à côté d'elle et ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Tant pis pour celle-là, elle aura tout le loisir d'y réfléchir le lendemain.

Elle hésita plusieurs secondes avant d'éteindre la lampe, comme si cela lui enlevait une source de chaleur dans l'atmosphère glaciale de l'obscurité. Une fois sous la couverture, elle parcourut les messages sur son téléphone portable. Les conversations défilèrent sous ses yeux, jusqu'au dernier message d'Alexis. La gorge de Jade se noua. Elle put lire pour ce qui lui semblait être la centième fois :

« Au cas où tu me chercherais, je suis dans le parc botanique, accroché au cerisier. »

Une sensation glaciale s'étendit sur le corps de Jade. Elle avait gardé ce message, et les autres. Ceux où il disait être désolé de la souffrance causée par son acte. La veille de sa mort, ils avaient été ensemble au cinéma. Même si elle s'était rendue compte que quelque chose clochait, elle l'avait gardé pour elle. Elle voulait éviter les malentendus, éviter de lui faire de la peine. Il s'en était bien chargé par la suite pour tous ceux qui le connaissaient.

Sans réfléchir, elle passa un appel au numéro d'Alexis, une partie d'elle souhaita qu'il décroche. Une voix féminine monocorde lui annonça qu'elle fut au bon numéro. S'ensuivit la voix de son ami, familière, puis un long signal sonore. Sa ligne n'était toujours pas coupée, le service de téléphonie mobile tenait à ce que ses parents payent jusqu'à la fin de l'abonnement. Jade éprouva du dégoût. Se faire du fric sur le dos des morts et des endeuillés, ignoble, pensa-t-elle.

Jade sentit la chaleur des larmes lui monter aux yeux. Elles caressèrent bientôt ses joues. Son souffle se fit court et sa tête commença à tourner. Elle attrapa le sac en papier près de son lit et entama le rituel des profondes respirations. Devrait-elle s'alarmer que cela lui sembla presque habituel ? Quel degré de tristesse pouvait-elle atteindre avant de donner raison à l'inquiétude de son entourage ? Elle abaissa le volume de la musique et endormit avec elle ces interrogations.

* * *


Les couloirs du lycée étaient peints d'un beige clair qui renvoyait la lumière du jour et des éclairages. Jade plissa les yeux. Son ventre gronda, elle regretta amèrement d'avoir fait l'impasse sur le petit déjeuner.

— T'as vraiment une sale tête. T'es sûre que ça va ? déclara Melinda.

La jeune fille hocha la tête.

𝑬𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒈𝒏𝒆𝒔 (Prof/Élève)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant