Chapitre 17

693 29 11
                                    

Jade laissa échapper un bâillement, sa tête contre le carreau du bus qui la menait à la maison d'Alexis, ses écouteurs dans les oreilles. Elle avait passé toute la nuit à ressasser sa discussion avec Battier, en ressentant un énorme embarras. Elle prit le temps du trajet pour y réfléchir. Jamais elle n'avait imaginer qu'elle irait aussi loin dans une histoire vouée à l'échec, mais surtout dangereuse pour son intégrité et celle du professeur. C'était comme si une force, irrépressible, l'attirait vers lui. Jade avait déjà entendu parler de ce genre d'histoire, et de ce fait ces dernières terminaient mal. Dans sa situation d'ambivalence, elle était tiraillée entre éviter son professeur comme la peste, ou bien rechercher davantage son contact. Dans ces circonstances, elle considéra que c'était la bonne occasion pour enfin se rendre chez Alexis. Ainsi, les poids de ses soucis étaient équilibrés. Rendre visite à la famille de son meilleur ami était une parfaite excuse pour qu'elle focalise son attention ailleurs que sur Battier. Mais d'un autre côté, c'était une tâche bien plus douloureuse qu'elle ne l'aurait cru.

Le trajet dura peu de temps. D'ordinaire, la jeune fille aurait parcouru le kilomètre à pieds, mais elle n'avait pas confiance en son tonus musculaire, ce jour-là. Arrivée à destination, elle entama sa marche d'une dizaine de minutes jusqu'à la maison d'Alexis, un nouveau nœud dans son estomac. Devant chez lui, elle observa quelques instants la façade. Rien n'avait changé, sauf peut-être l'hiver qui avait dévêtu le mur de ses belles feuilles grimpantes. Jade se dit qu'elles finiraient par repousser, avec du temps et beaucoup de Soleil. Peut-être un peu à son image.

Passée la grille qu'elle ferma derrière elle, Jade sonna à la porte, anxieuse. Elle souhaita voir apparaître son visage. Mais ce fut celui de sa mère qui vint à sa rencontre.

— Jade, tu vas bien ? déclara Madame Collin en la voyant. Entre donc. 

— Oui, merci.

Le visage de Madame Collin était fatigué. Sa peau était sèche, en lui faisant la bise Jade crut qu'elle se fissurerait au moindre choc. Elle la suivit jusque dans le salon, puis la femme l'invita à s'installer dans un fauteuil.

— Tu veux quelque chose à boire ? Je crois me souvenir que tu n'aimes pas le café, mais j'ai du jus de fruit, ou des tisanes si tu préfères quelque chose de chaud.

— Une tisane, ce sera parfait, répondit Jade d'un ton doux. 

La mère d'Alexis s'exécuta. Jade scanna des yeux la pièce. Ce n'était pas celle où elle avait passé le plus de temps en compagnie de son meilleur ami, mais elle y avait bon nombre de souvenirs. Quelques parties de jeux de société, de soirées à cuisiner, à bavarder... Cette réminiscence lui fit l'effet d'un coup de poing dans les entrailles, et elle se demanda si elle aurait le cran de se rendre dans sa chambre.

Quelques minutes plus tard, Madame Collin s'assit sur le canapé face à Jade et lui apporta sa boisson. Après un moment de silence, ce fut cette dernière qui initia la conversation.

— Je suis désolée de ne pas être venue plus tôt. C'est que je ne me sentais pas vraiment... Prête. Et je vous avoue que je suis encore un peu mal à l'aise.

— Je comprends tout à fait, tu n'as pas à t'excuser, répondit la femme. Je sais que nous n'avons jamais été très proches de toi, c'est plutôt à moi de m'excuser pour le comportement que nous avons eu, surtout... la dernière fois que tu es venue. Si tu savais comme je regrette... Il n'y a pas un jour sans que j'y repense, et maintenant il est trop tard.

La femme s'empressa d'attraper un mouchoir sur la table basse afin d'essuyer de manière précautionneuse les larmes naissantes sous ses yeux. Jade déglutit. Evidemment, cette fois-là, c'était aussi la dernière pour ses parents de voir Alexis, tout comme pour elle.

𝑬𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒈𝒏𝒆𝒔 (Prof/Élève)Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu