𝑬𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒈𝒏𝒆𝒔 (Prof/Élève)

Chapitre 8

Jade griffonnait depuis le début du cours sur sa feuille. Les deux heures de musique s'écoulaient lentement, surtout les jours comme celui-ci où il n'était question que d'analyse d'un morceau. Le professeur remarqua que l'attention des élèves se dissipait et la fin du cours était très proche.

— Je sais que vous avez hâte d'être en week-end, mais j'ai une info à vous transmettre. Nous avons enfin la date pour le spectacle de fin d'année, et j'aimerais que vous vous organisiez pour vous produire sur scène. Pour ce qui est des répétitions, je me suis arrangé avec la direction, vous aurez le droit d'avoir accès à la salle et aux instruments de 16h à 18h les mardis et jeudis. Je tiens à ce que tout le monde participe.

Les soupirs et les rires nerveux de ses camarades firent sourire Jade. La musique était l'une des seules choses qu'elle maîtrisait assez pour être assez confiante. L'idée de chanter devant un public aussi nombreux, en revanche, la rendait nerveuse. Surtout si Battier avait l'intention d'y assister. Elle serra son stylo à cette pensée.

— Monsieur, demanda une élève, est-ce qu'on doit se produire en solo ou bien en groupe ?

— C'est comme vous voulez, ma seule exigence est que vous prépariez ça sérieusement et que votre prestation soit impeccable.

La sonnerie retentit à cet instant et les élèves quittèrent la salle dans un vacarme général en saluant le professeur.

— Moi je dis, on prend Jade dans notre groupe, chuchota une élève alors que la jeune fille passa la porte.

Elle soupira et sa nervosité augmenta. Elle ne fut pas surprise d'un tel comportement, mais cela lui parut injuste que ces personnes qui ne lui adressaient jamais la parole se mirent en tête que tout serait plus facile si elle chantait pour leur groupe. Jade serra les dents et pressa le pas sans se retourner.

Elle traversa le bâtiment et se dirigea vers l'intérieur de celui d'en face et déposa ses affaires dans son casier. Le hall était vide, les lumières contrastaient avec l'obscurité de la nuit. Elle quitta les lieux et au détour du couloir, elle aperçu une silhouette familière. Battier marchait dans la même direction, lui aussi vers la sortie du bâtiment, dos à elle.

Elle s'arrêta. Pendant un court instant, l'amertume qu'elle avait ressenti quelques heures plus tôt refit surface en un quart de seconde, et l'idée lui vint de l'appeler. Mais elle resta silencieuse, c'est à ce moment précis qu'elle prit conscience de ses émotions. Son cœur battait plus fort en sa présence, ses paumes devenaient moites, et elle ne pouvait s'empêcher d'observer le professeur et la manière dont il souriait parfois. Elle se souvint qu'il lui parut froid et qu'elle fut intimidée lors de leur première discussion, mais elle sentait qu'il y avait en lui d'autres qualités, et certainement d'autres défauts. Elle eut l'envie de les découvrir, de le connaître davantage.

Mais il était professeur, plus âgé qu'elle. Que lui arrivait-elle ? Était-elle comme ces autres ados qui s'entichent d'un homme plus âgé qu'elles ? Depuis son enfance, elle aimait passer du temps avec des personnes plus vieilles, mais ça... Ce n'était pas aussi fort que de l'amour, non. Et de toute façon, elle n'y connaissait rien en sentiments amoureux, c'était l'un des sujets qu'elle maîtrisait mal. Mais elle voulait connaître davantage ce jeune homme, il... l'intriguait.

« Vous m'intriguez. » Tels étaient les mots prononcés par le professeur. Elle ne l'avait pas oublié, simplement refoulé dans un coin de son esprit. De son côté, avait-il également la même sensation ? Maintenant, tu te fais des films, se dit-elle.

Battier atteignit la porte de sortie. Il se retourna afin de la fermer, mais stoppa net son action en croisant le regard de Jade. Le cœur de cette dernière fit un bond et elle avala sa salive en continuant son chemin qui l'amenait vers lui, il resta immobile. Une fois devant la sortie, il ouvrit à nouveau la porte afin de la laisser passer. Elle le remercia timidement une fois dehors. Il ne répondit pas et ils marchèrent jusqu'à atteindre le portail du lycée. La jeune fille arrangea son écharpe autour de son cou, le froid mordant ses joues.