𝑬𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒈𝒏𝒆𝒔 (Prof/Élève)

Chapitre 6

Durant ce même après-midi, Jade alla au cinéma avec ses amies. Melinda passa la séance, comme à son habitude, à faire des blagues salaces sur les personnages du film d'animation, tandis qu'Hélène critiqua la mise en scène et que Jade s'amusa à répondre comme si les répliques lui furent destinées. Il fut déjà plus de 16 heures lorsqu'elles sortirent du bâtiment. Il pleuvait averse.

Elles se mirent à l'abri sous un toit qui prolongeait le cinéma. Hélène grelotta.

— Tu es sûre que tu veux y aller à pieds ? Demanda-t-elle à Jade. Je peux t'emmener.

— Non, tu ne peux pas. Tu es en conduite accompagnée.

— Oui, et tu seras mon accompagnatrice.

— Ça ne fonctionne pas comme ça, ma chère, déclara Jade en enfilant sa capuche.

— Je me demande comment il va réagir, Battier, intervint Melinda. Il va peut-être te proposer de te raccompagner chez toi en voiture, comme dans les films.

— Mais... on n'est pas dans un film. Donc non.

— On parie ?

Jade sourit. Melinda semblait si sûre d'elle. Hélène eut un rire étouffé et donna un coup d'épaule à Melinda.

— Allez va, on va la laisser à ses cours de rattrapage. Elle en a bien besoin.

Jade fit mine de donner un coup de pied à Hélène qui l'esquiva. Après un au revoir, les amies se séparèrent. Jade porta ses écouteurs à ses oreilles et prit le chemin du lycée.

Quelques minutes avant de passer le portail, la musique s'arrêta. Les batteries furent déchargées. La jeune fille poussa un soupir et entra dans l'établissement. Elle croisa de rares élèves et quelques professeurs, mais l'absence du brouhaha habituel la rassura. Elle regarda sa montre. 16H32. Elle rabaissa sa capuche et mit quelques mèches de cheveux derrière une oreille. Jade regretta son élastique, qu'elle avait dû perdre pour la énième fois dans sa chambre. Elle se dirigea vers les escaliers lorsqu'elle vit Monsieur Georges apparaître au loin. Jade se figea sur place. Il discutait avec un autre élève. Par instinct, elle accéléra le pas et dévala les marches vers le deuxième étage. Elle n'eut pas la moindre envie de se confronter au directeur après les événements de la matinée. Ses pas résonnèrent dans le couloir. La porte de la salle de classe de Battier était fermée. Elle tenta d'abaisser la poignée, sans succès. Elle profita de l'absence du professeur pour aller aux toilettes et vérifier son allure dans le miroir. Ses longs cheveux ondulèrent davantage sous l'effet de l'humidité. Son pansement à la joue était visible mais discret. Malgré sa minceur, ses joues restaient pleines et lui conféraient un air enfantin, couplé à ses grands yeux havane, dont les cils naturellement fournis et élancés laissaient deviner un regard rêveur. Elle ne distingua plus la coupure à sa lèvre, bien que cet endroit fut légèrement plus coloré. Ses joues lui parurent un peu plus roses que d'ordinaire. Elle arrangea ses cheveux comme elle put et inspira profondément. Elle fut soulagée de ne jamais porter de maquillage, surtout avec ce temps. Satisfaite de son apparence, elle sortit des toilettes.

Elle lisait un livre, assise près de la porte, quand elle entendit des pas se rapprocher d'elle. Jade leva la tête et aperçut Battier. Son cœur fit un bond. Il avait lui aussi pris la pluie. Ses cheveux étaient humides, et quelques gouttes s'écoulèrent le long de ses joues et vinrent s'échouer sur le col de sa chemise. Avec cette pénombre, ses yeux semblèrent noirs. Un sourire se dessina sur son visage.

— Alors, comment dire... Je n'ai pas la clé de cette salle.

— Oh, vraiment ? S'étonna Jade.

— Les surveillants l'ont égarée. Mais ils m'ont donné celle de la salle de musique.

— C'est pour vous faire chanter ?