Cinquième

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Parfois, j'me demande si la beauté est universelle ou si elle est uniquement dans les yeux de celui qui regarde. Si la finesse d'un trait aura le même effet pour toute l'humanité, ou s'il bouleversera seulement l'âme d'un homme. Puis, j'me rends compte que la beauté c'est la flèche qui te bousille le cœur et tiraille ta corde sensible. C'est ce petit rien qui te fait tiquer et prendre un instant de temps. T'es plus dans cette urge insatiable du toujours-plus, et pendant un instant tu te satisfait de la vision de l'autre. Idyllique. Incroyable. Impensable.

Et il en faut du courage pour reconnaître la beauté. Pour accepter la sensation de l'esprit qui se satisfait de la vue. C'est l'harmonie esthétique qui fait chavirer ton cœur et ton corps, et toi t'a pas d'autre choix que de rester planté là, à t'ébahir face à temps de finesse.





Gabriel avait raison. Saint-Hélène, de nuit, c'est le paradis dans la mer. Une eau quasi-luminescente qui reflète l'éclat des étoiles nocturnes. C'est beau à en perdre la voix et l'esprit. Un crève cœur que tu prends plaisir à voir et à entendre, car le bruit des vagues s'écrasant contre le rivage est un son tout aussi hypnotisant que le cri discret de la jouissance libératrice.

Et il s'en faut peu, pour jouir.





- T'es là ! s'exclame Gabriel en me voyant arriver.




Je lui souris et ce dernier me fait signe de le suivre. Au milieu de la plage, un feu de camp crépite et se consume tandis que des chaises de camping ont été installées autour, créant une atmosphère particulièrement agréable.

Ses trois amis de la dernière fois et une dizaine d'autres personnes sont présentes. Certains sont en maillot de bain et chahutent dans l'eau.

Gabriel s'assoit sur une chaise et je me mets près de lui. L'ambiance est à la détente et je me délecte de ce sentiment de beauté absolue. C'est une soirée sentimentale, et j'ai l'impression de vivoter autour des flammes ardentes qui dansent la valse idyllique.


- T'avais raison.


Gabriel se redresse et me regarde avec un air interrogateur. Je précise :


- Saint Hélène, la nuit, c'est vraiment un autre monde.


Il sourit.

- En effet, c'est magnifique.


Son regard est posé si intensément sur moi que j'ignore s'il parle de la crique ou de moi, et je ne peux m'empêcher de rosir violemment. Bénissant ma peau brune, j'esquisse un sourire et détourne le regard, intimidée.


- Vous faites souvent des soirées sur Saint Hélène ?



- Rarement. Moi, j'viens souvent ici la nuit, c'est différent du jour, mais j'apprécie la paix que j'y trouve. T'a l'impression d'être dans un univers parallèle que t'es le seul à connaître.



Mon regard se pose sur les jeunes chahutant dans l'eau. Autant de filles que de garçons, j'entends leur rire qui éclaboussent et réveillent la nuit. J'aimerais me joindre à eux mais je n'ai pas pensé à prendre de maillot. L'air est chaud, pour une soirée si avancée et la caresse de la plume dorée sur ma nuque me fait doucement frémir.




Deux jeunes sortent de l'eau et nous rejoignent en courant. Le feu qui crépite et brûle donne une aura presque chimérique à cet instant.

Un grand roux criblé de tâches de rousseurs s'approche et je le reconnais comme étant un des « amis » de Gabriel.


- Alors, Gab', tu viens pas nous rejoindre dans l'eau ?


- Non.



Le grand roux hausse les épaules puis pose les yeux sur moi :

- Hé, mais t'es pas la fille d'hier ?


- Si, c'est moi.



- Mattéo, déclare-t-il, un grand sourire scotché sur le visage. Et lui là, dit-il en désignant son ami au visage typé indien, c'est Nicolas.



- Céleste, enchantée.



- Alors, Céleste, enchaîne Mattéo, tu te la joues à la Gabriel ou tu veux venir te baigner avec nous ?


- J'aimerais bien, mais j'ai pas pris de maillot, dis-je en grimaçant.


Mattéo me fait un clin d'œil et sourit de plus belle :

- Ah, mais ça c'est pas un problème Céleste.





Et, avant que je n'ai pu dire un mot, Nicolas et Mattéo m'attrapent et me portent. Je me débats en vain, sachant pertinemment ce qu'il va m'arriver.



- Arrêtez ! je hurle en riant. Non, les gars, posez-moi je vous en supplie !

Mes supplication n'ont visiblement aucun effet, car en l'espace de quelques secondes, je me retrouve balancée et jetée dans l'eau. Le choc de la différence de température passée, je ressort à la surface en un éclat de rire sonore.








- Vous êtes morts !



















...

Toile de JuteWhere stories live. Discover now