Premier

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« Chez nous on cache son visage. Le corps, pas d'importance. Le corps va nu sous le soleil, le blond soleil qui brûle le jour, qui brûle la nuit. Car chez nous il n'y a pas de nuit. Ce qu'on appelle la nuit c'est par commodité, quand l'amour vient aux amoureux, quand deux corps se serrent l'un contre l'autre comme deux épis de blé sous le même vent. Quand deux amants mélangent leurs jambes, on dit qu'ils font la nuit. Une nuit privée, une petite nuit de rien du tout pour deux personnes, deux corps légers sous le soleil. Même quand ils font la nuit, les amants ne se montrent pas le visage. Interdit. Intouchable. Impensable. »
- Christian Bobin.











Le ciel n'a jamais été aussi bleu. Bleu pervenche, bleu azur, bleu qui ondule sous le soleil.


Le ciel ne devrait pas être bleu. Le bleu, c'est trop fort, c'est trop jour pour une terre de nuit. Non, il devrait se décliner en nuances de rose. Puis, parfois du mauve, pour adoucir la violence rosâtre des nues.



Le soleil me brûle la rétine, le corps et le visage. Et ma peau brune se délecte des rayons ardents, qui tannent et colorent l'opalin.


Ma radio portative est posée sur la serviette à pois roses qui s'enfonce dans le sable brûlant. Tel un chant divin, la musique s'élève dans l'insignifiance absurde de la plage qui me fait face.


Une crique.


Cachée parmi les feuillages, les roches et les arbres. Un petit coin de paradis dans un bordel géographique. C'est bleu azur, gris rocheux, puis vert-d'eau et vert opalin. Une explosion de couleur dans une bulle de nature.


Le son qui s'échappe de la machine bouleverse mon système, et toutes mes défensent fondent lorsque la note atteint son apogée. C'est le La de trop. Le La qui broie ton coeur, qui broie ton âme.


Puis, la larme perle et coule le long de ma joue, s'écrase contre ma bouche et s'écoule à l'intérieur tel le liquide vicieux de l'amertume.


Moi, je pleure pas. Je triste. Je triste ma vie à coups de larmes et de sourires perchés, de cris toujours plus forts et de mutismes plus profonds. Je triste ma vie dans la salve des applaudissements d'un public aveugle et je meurs dans les yeux du sourd. J'suis du bruit et du soleil, parce que la nuit m'effraie. Je triste ma vie si fort que j'm'en rends même plus compte. C'est le Destin qui souffle trop fort, et la peur qui hurle trop haut.





Le sable chaud s'écoule entre mes doigts tandis que je le laisse filer. Je m'allonge ensuite sur ma serviette, suant sous les rayons du soleil. Et en fermant les yeux, je peux sentir le souffle de l'alizé caresser ma peau et y déposer de suaves baisers. Chaire de poule.




C'est un de ces instants où l'on se sent déesse, maître de soi et du monde. Tout n'est qu'une admirable coïncidence, et pourtant, l'univers tient entre nos doigts, tandis que le cosmos perle notre âme.

Je contemple le ciel, les yeux mi-clos pour me protéger du soleil. J'vois un nuage qui ressemble à une bouche, et soudain, j'imagine le discours des lèvres muettes qui hurlent à la vie.


À la mort.











- Tu devrais pas être ici.





Et une voix soudaine, qui éclate la bulle et t'éjectes sur Terre.












































...

Toile de JuteTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon