Septième

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( la musique en média )



« Aimer quelqu'un, c'est le dépouiller de son âme, et c'est lui apprendre aussi -dans ce rapt- combien son âme est grande, inépuisable et claire. Nous souffrons tous de cela : de ne pas être assez volés. Nous souffrons de forces qui sont en nous et que personne ne sait piller, pour nous les faire découvrir. » Christian Bobin.











La musique emplit la petite chambre d'hôtel. La voix de Jevetta Steele se diffuse dans l'air, tandis que nos âmes errantes se délectent du son. Ma grand-mère a toujours adoré cette chanteuse.


- Y'a quelque chose dans sa voix, m'a t-elle un jour dit, qui me rappelle les moments de ma jeunesse. J'ai l'impression de pouvoir voler lorsque ses mots me touchent. Tu te rends compte, Céleste, voler !





Jahia, ma grand-mère, est une seconde mère pour moi. Je n'ai jamais eu l'occasion de connaître ma mère, décédée lors de ma naissance, et mon père, militaire, est parti peu après. Très vite, Jahia a eu la garde d'Hassane et moi. Étrangement, je n'ai jamais ressenti le manque du père. Lorsque Hassane m'en parlait, il décrivait un homme très gentil, mais profondément dépassé par les évènements. Traumatisé par la guerre, traumatisé par la mort de sa femme, je regrette que notre présence n'ait pas suffit à l'aider à aller mieux, mais parfois, les blessures sont si profondes qu'elles se nourrissent d'elles-mêmes. Je ne lui en veux pas.


Je me rappelle de la première fois que j'ai entendu cette musique. Jahia m'avait emmené voir Bagdad Café, son film préféré, qui passait dans la petite salle de cinéma de nos vacances. Toute excitée, elle nous avait raconté avec passion la première fois qu'elle avait vu ce film.





- Été 88, je venais d'avoir quarante ans. I am calling you était sur toutes les lèvres. Je connaissais la musique avant d'avoir vu le film. Vous savez, ce genre de son qui vous foudroie tant la portée émotionnelle vous bouleverse. J'avais emmené votre mère et sa petite soeur voir le film. Je me rappelle encore leurs visages déconcertés. Je crois qu'elles n'avaient jamais vu autant de beauté dans un seul film. Et puis, j'ai pleuré aussi. Je crois que la voix avait réussi à percer mon coeur, si fort, si profondément. Et puis, avec votre grand-père qui était décédé quelques mois plus tôt, j'avais l'impression que c'était lui qui m'appelait, que c'était lui ...





Bercée par la mélodie, j'observe la mer danser parmi les vagues. J'ai toujours adoré venir dans cet hôtel. Lorsqu'on ne regarde que par les fenêtres, on a l'impression de voguer sur l'eau. Entre terre et mer, être touchée par les dieux.





- Dis moi, Céleste, commence Jahia, tu as réussi à te faire des amis cette année, à ce que je vois.





J'acquiesce, un sourire scotché sur les lèvres. Gabriel, me vient directement à l'esprit. Lui, et ses yeux.








- Parfait, s'exclame ma grand-mère, parce que ce soir je sors au casino avec le groupe des Valseuses, et je craignais que tu t'ennuies, à rester seule.


- Je vois ! Et bien, j'ai prévu d'aller à la plage mais je ne rentrerais pas tard. Je pense que tu seras encore là quand je viendrais me changer.





Jahia acquiesce, me glisse quelques recommandations puis me dit de filer. Je m'exécute, et sors en vitesse, toute excitée à l'idée de retrouver Gabriel et les autres.

De nature plutôt timide, j'ai souvent du mal à me faire des amis, mais cette année, tout est différent.




Cette année, il y a Gabriel.























...




( Chapitre plutôt calme, mais le feu n'est pas loin. )

Toile de JuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant