Chapitre 9 - Jeu de dupes

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Incapable de bouger, paralysé par la peur, je ferme les yeux. Le désespoir me submerge comme une coulée de béton.

Puis brusquement, plus rien : sa bouche, ses mains, son étreinte écrasante, il n'y a plus rien.

Je pense un instant avoir perdu la raison mais j'entends Alexandre vociférer des jurons. J'ouvre les yeux pour le découvrir tiré par le col arrière de sa chemise. La poigne de fer qui m'a délivré le retourne et lui assène à la mâchoire une droite digne d'un ring de boxe. A terre, il a à peine le temps de relever la tête que déjà un deuxième coup vient le frapper à la tempe. Le poing se lève à nouveau mais il est stoppé par..., quoi ? Max ?

Je cligne des yeux, j'ai peut-être bien perdu la raison tout compte fait. Ma vision s'ajuste sur Alexandre couché au sol, Max retenant le bras de ...Thomas... alors que je vois Jérem, Steph, Hugo et Chris qui accourent vers moi.

Steph se jette dans mes bras en pleurnichant, puis me tâtonne de partout en me bombardant de questions :

- Ça va ? Tu vas bien ? Tu n'as rien de casser ? ça va, dis, ça va ?

Hugo la prend par les épaules et lui indique gentiment:

- Laisses le respirer un peu tu veux, tu vois bien qu'il est sonné.

- Mais qu'est-ce que vous faites tous là ? Je demande complètement perdu et atterré.

- L'histoire est un peu longue à raconter alors on t'expliquera tout, tout à l'heure. Me répond Hugo avec bienveillance.

- Allons d'abord nous occuper du cas de « Monsieur ». Dit Jérem en pointant du doigt Alexandre toujours au sol.

*

On a assis Alexandre sur un banc et il est à présent sous la bonne garde de mes amis. Thomas s'adresse alors à lui peinant à contenir la rage qui ne l'a pas encore quittée :

- Écoutes moi bien raclure, si cela ne tenait qu'à moi, on te retrouverait dans un caniveau à peine en vie. j'ai pris quelques renseignements et il semble que tu aies réussi à étouffer plusieurs scandales compromettant. Maintenant, c'est à Gabriel de décider ce qu'il compte faire de toi.

- Pauvres minables, vous ne savez pas à qui vous vous en prenez. Répond difficilement Alexandre.

Thomas, ne se laisse pas démonter et le menace :

- Si tu oses t'en prendre à lui, à ses amis, à moi ou mon entreprise, saches que nous avons des photos et des vidéos qui ne te permettrons pas de t'en sortir cette fois. Et je suis persuadé que ceux qui se sont tus jusqu'ici profiteront de l'occasion pour parler.

Ses poings sont serrés tremblant de l'envie de lui coller une dernière raclée.

Chris est le premier à se détacher du spectacle. Il me prend alors par le bras et me sors de ma torpeur :

- Allons y maintenant, on n'a plus rien à faire ici.

- Thomas, c'est bon on y va. Dit Jérem en lui appliquant une tape dans le dos.

Nous nous mettons en marche mais Thomas n'a toujours pas bougé. Avant que nous puissions réagir, il balance un troisième coup de poing à Alexandre qui s'affale sur le banc, KO pour de bon cette fois. Secouant sa main, il se tourne vers nous :

- Putain, ça fait du bien.

Puis il passe devant nous :

- Ben alors, vous attendez quoi ?

Je le regarde sidéré, je ne l'avais jamais entendu jurer auparavant. Les nerfs se relâchant, j'éclate de rire et nous quittons le parc pris d'un fou rire collectif.

*

Malgré l'insistance de Steph, j'ai refusé de me rendre à l'hôpital. Je n'ai rien de cassé après tout. Ma fierté, mon ego et mes émotions en revanche, eux, sont en vrac.

Chose parfaitement incompréhensible, mes amis ont préféré le confort du salon de Thomas, à mon modeste appartement, pour m'expliquer enfin comment ils en sont venus à me secourir.

Thomas a déposé diverses boissons et de quoi manger sur la table laissant ainsi le loisir à chacun de se servir ce qu'il a envie. Il est le premier à prendre la parole :

- La semaine dernière, je me suis douté que quelque chose n'allait pas. Tu te comportais bizarrement suite à ta rencontre avec Alexandre à l'étang. Je ne savais pas encore de quoi il retournait mais la manière dont il te regardait était étrange. Dans la voiture, tu ne voulais rien dire alors j'ai inventé rapidement cette histoire de déplacement pour me laisser un champ libre. Lundi, j'ai demandé à tes collègues s'ils connaissaient tes amis ou ta famille, ils m'ont parlé du bar où vous allez et de fil en aiguille j'ai fini par obtenir le numéro de Chris.

Je lève les yeux vers Chris qui me dit d'une voix à peine audible :

- Désolé, Gaby mais je ne pouvais te laisser faire ... ça, tu vois. Dit-il en baissant la tête.

- Ne lui en veux pas. Reprend Thomas. Je lui ai forcé la main pour qu'il me raconte tout.

Je hoche la tête et souris à Chris, comment lui en vouloir, il avait voulu m'aider et c'est ce qu'il avait fait. Jérem prend la relève :

- On a tous été mis au courant de la situation et le lundi soir, on s'est retrouvés ici. Ensuite, on a passé une partie du mardi à faire des recherches sur Alexandre et on a appris qu'il avait, en fait, une sale réputation mais qu'il s'en tirait systématiquement. Puis le mercredi, on s'est relayés pour te suivre ainsi qu'Alexandre et voir ce qui se passait.

Ils me regardent tous gênés hésitant à continuer. Chris rompe finalement le silence :

- On vous a suivi au restaurant hier, nous étions là quand il t'a ramené chez toi ... on a pris des photos ... et aussi on l'a filmé ce soir quand il t'a agressé ...

- Il nous fallait des éléments tangibles contre lui, mais nous étions tous d'accord pour intervenir s'il montait chez toi ou t'emmenait ailleurs. Précise Thomas.

- Je vois ... Dis-je.

A cet instant, mes sentiments sont tellement confus que je ne trouve rien à dire sur le moment. Je leur suis infiniment reconnaissant d'être venus ainsi à mon secours. Mais j'ai également un sentiment de honte, ils m'ont vu dans une position qui me fait horreur. Je prends finalement une profonde inspiration :

- J'ai de la chance d'avoir de tels amis. C'est cliché ce que je vais vous dire, mais je ne vous remercierais jamais assez pour ce que vous avez fait. Merci les gars...

Je n'en dis pas plus car ma voix s'étrangle sous le coup de l'émotion.

- Bon ...hum ... on va pas tomber dans le pathos non plus. Je ne sais pas vous mais moi je bosse demain, alors je crois qu'il est temps de rentrer. Dit Jérem visiblement ému.

Après de chaleureuses embrassades, ils partent me laissant avec Thomas. Il a insisté pour que je reste chez lui au moins ce soir et cette fois j'ai accepté sans rechigner.

***

Je n'ai jamais ressenti autant de rage contre une personne. J'ai envie de démolir Alexandre. Le voir ainsi abusé de mon ami m'a mis hors de moi. Voir ses sales pattes se poser sur lui a déclenché chez moi un sentiment de haine que je ne me pensais pas capable de ressentir.  

Le ChallengeWhere stories live. Discover now