Chapitre 19 - La raison ou le cœur

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Le travail est une véritable bouée de sauvetage m'épargnant de sombrer dans une mer agitée de pensées.

C'est curieux comment les choses vous tombent dessus parfois sans crier gare. Vous en venez à imaginer un marionnettiste, au-dessus de votre tête, dont le seul but est de tromper son ennui en vous faisant tourner en bourrique. Le mien semble s'amuser comme un petit fou...

*

Je n'arrive toujours pas à me décider par rapport à Éric et côtoyer Thomas tous les jours ne me simplifie pas la tâche. Je lui ai demandé de garder ses distances sous le coup de la colère et cet idiot respecte mes doléances à la ligne. Seulement mes sentiments, eux, se fichent bien de tout cela, mon cœur continue de bondir dès que je le vois. Je crois que je suis un cas désespéré.

Les gargouillis de mon estomac me rappellent que la pause déjeuner est déjà bien entamée et que je n'ai pas encore mangé. La cantine du rez-de-chaussée ne me tente pas aujourd'hui, un sandwich de la brasserie à coté fera parfaitement l'affaire. Je patiente dans la file d'attente pour passer commande quand j'aperçois Thomas se lever d'une table de la partie restaurant de la brasserie. Il est accompagné d'une jeune femme resplendissante. Elle est pratiquement aussi grande que moi et doit avoir dans ses âges, brune les cheveux retenus en un élégant chignon, elle a teint de porcelaine : on dirait une poupée. Je les suis des yeux alors qu'ils sortent du restaurant. Mon cœur défaille subitement : ils sont en train de s'enlacer. Je n'ai jamais vu Thomas prendre qui que ce soit dans ses bras, mis à part moi. Ils doivent très bien se connaitre car ils se regardent, à présent, affectueusement en se tenant les mains. Elle lui dépose un baiser sur la joue avant de le quitter.

Qui est-elle ? D'où la connait-il ? Depuis quand? Quelle est leur relation ? Pourquoi je ne l'ai jamais vu avant ? Sont autant de questions qui bombardent mon esprit et crèvent mon cœur telles des lances. Je ne reprends pieds avec la réalité que lorsque la serveuse me relance pour la énième fois pour prendre ma commande. Je la regarde comme si elle pouvait détenir la réponse à toutes mes questions mais devant son air impatient je finis par lui indiquer que finalement je ne commanderai rien : je n'ai plus faim du tout.

Mon portable vibre tandis que je suis bêtement assis sur un banc dans la rue. Le SMS vient d'Éric, il me demande si je suis libre le week-end prochain. Je me mets à ricaner tout seul comme un idiot : sacré marionnettiste, tu choisis vraiment bien ton moment...

*

Ce n'est que le soir que je réponds à Éric. Je l'avise que je n'ai rien de prévu... Voir Thomas dans les bras d'une femme m'a ouvert les yeux et fait prendre conscience que je ne vis pas dans un conte de fée où l'histoire se termine par un "l'homo et l'hétéro vécurent ensemble et heureux jusqu'à la fin de leurs jours ". Je me suis pris une bonne claque qui m'a enfin réveillé pour de bon.

La réponse d'Éric ne se fait pas attendre. Un café-concert a ouvert ses portes récemment en centre-ville et il me propose d'y aller. Nous convenons de nous y retrouver samedi à 19h30.

J'imagine déjà la tête de Chris quand je vais lui annoncer ça... Bon non en fait, je crois je vais attendre pour le faire...

*

Je découvre une rue piétonne, pavée et visiblement assez animée. Je ne me rappelle pas être déjà venu par ici. Je repère le lieu dont Éric m'a parlé : la façade a un style un peu bistrot-rétro, très sympa. Il m'attend sagement à une table en terrasse. C'est quelqu'un d'attirant au sens propre du terme : les traits bien dessinés, les cheveux châtains toujours un peu en bataille lui donnent beaucoup de charme, mais c'est surtout cette aura douce et apaisante qu'il dégage qui vous donne envie d'aller vers lui.

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