Chapitre 10 - Du cauchemar au rêve

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La main encore sur la poignée de la porte d'entrée, Thomas fulmine :

- Bon sang, mais qu'est-ce qui t'a pris ? Pourquoi tu n'as rien dit ? Comment pensais-tu t'en sortir avec ce taré ? Tu as vraiment cru que j'aurai accepté de travailler pour une ordure pareille si j'avais su ?

Il se retourne vers moi et me fusille du regard. Si j'avais réussi jusqu'ici à me retenir, mes larmes, maintenant, inondent mon visage. En me voyant ainsi, sa colère s'envole comme les volutes d'une fumée de cigarette. Il soupire et me prend dans ses bras :

- Pardon Gaby, Chris m'a expliqué que tu as fait ça pour me protéger mais franchement je suis assez grand pour le faire... Pardon de t'avoir laissé croire que tu étais seul face à cela... Et pardon de n'être intervenu qu'à la dernière minute.

C'est la première fois qu'il prononce mon surnom et mon cœur en bondit. Son étreinte est chaleureuse et rassurante. J'enroule mes bras à mon tour autour de sa taille et je me laisse aller à pleurer tout mon soul.

Il m'écarte doucement au bout de quelques minutes. Son regard tombe sur mes poignets rougis par la prise d'Alexandre que mes bracelets ne couvrent pas totalement :

- Bon, il est temps qu'on s'occupe un peu de toi. Tu trouveras tout ce qu'il faut dans la salle de bain. Va prendre une douche bien chaude, ça te fera du bien. Dit-il me poussant gentiment en direction de celle-ci.

J'en ressors une demi-heure plus tard, portant un sweet et un jogging de Thomas ridiculement grand pour moi. Il pouffe de rire à cette vision et je fais mine d'en être vexé ce qui le fait rire pour de bon.

Il a déjà débarrassé le salon et la trousse à pharmacie m'attend sur la table basse :

- Je vais te mettre du baume sur les poignets et le cou ... on va vérifier ton dos aussi.

Je m'installe à côté de lui sur le canapé, épuisé. Il me prend une première main et ôte mon bracelet. Je réalise brusquement ce qu'il va découvrir mais trop tard.

Il scrute déjà l'intérieur de mon poignet, prend mon autre main, enlève l'autre bracelet pour y faire la même constatation : les marques qui s'y trouvent ne lui laissent aucun doute sur leur nature. Il relève la tête :

- Tu m'expliques ? Demande-t-il montrant les stries.

Je n'ose pas le regarder, j'ai honte qu'il ait vu cela. Ces marques font parties d'un passé que je préfère oublier, un passé douloureux que j'ai laissé derrière moi. Embarrassé, je lui réponds :

- Désolé Thomas mais pas ce soir, je n'en suis pas capable.

- D'accord ...

Il soupire et sans ajouter un mot il applique le baume sur mes poignets et mon cou. J'enlève mon sweet docilement quand il me le demande : j'ai effectivement plusieurs éraflures dans le dos. Il relève mes cheveux pour mettre de la crème et suspend son geste :

- J'image que je n'aurai pas d'explication non plus pour la cicatrice que tu as à la nuque ?

Il ne me laisse pas le temps de dire quoi que ce soit :

- Pas besoin de me répondre ... Tu dois être fatigué. Tu dormiras dans la chambre d'ami à l'étage en face de la mienne. Elle est prête. Dit-il d'un ton triste.

Dans la chambre, j'ai l'impression d'avoir un millier de choses en tête mais les évènements de ces derniers jours et de ce soir ont vite raison de moi. Je m'endors sans m'en rendre compte.

*

Je suis réveillé par un grincement. Je peine à ouvrir les yeux dans la pénombre. Encore somnolant, j'essaie de trouver l'origine du bruit. Un nouveau grincement provient du pied du lit. Les rideaux sont tirés mais un rayon de lune se fraye un chemin apportant une faible lueur à la pièce.

Alexandre se dresse juste devant moi, un rictus démoniaque aux lèvres, le regard fou de rage qu'il me lance me glace d'effroi. Ses mains se tendent vers moi. Je hurle de peur alors qu'il ne cesse de m'appeler :

- Gabriel tu es à moi, Gabriel tu es à moi, Gaby ...

Sa voix se transforme et j'entends à présent celle de Thomas :

- Gaby, Gaby, réveilles-toi, tu fais un cauchemar.

Je suis tout à fait réveillé maintenant. La lumière du plafonnier me ramène à la réalité. Thomas est assis sur le lit me secouant les épaules. Je me redresse et enfouis mon visage dans mes mains :

- Putain de merde ...C'était trop flippant... Désolé, Thomas, je t'ai réveillé.

- C'est bon mais tu m'as fichu la trouille. Dit-il en souriant.

Je me laisse retomber sur le lit en proférant des injures à l'intention du Alexandre de mon cauchemar. Thomas se lève en soupirant et en grommelant à la fois, éteint la lumière et revient vers le lit :

- Allez, pousses-toi. M'ordonne-t-il

- Pourquoi ?

- Pousses-toi, c'est tout.

Je m'exécute sans en comprendre la raison. Il s'allonge à côté de moi tandis que je le regarde faire interdis :

- Tournes-toi maintenant.

- Pourquoi ?

- Mais c'est pas vrai, tu ne peux pas faire juste ce que je te demande ?

Je m'exécute à nouveau ne revenant pas de cette situation. A présent allongé dans mon dos, il glisse un bras sous ma nuque et passe son autre bras sur ma taille. Je suis calé contre lui et je sens déjà sa chaleur me gagner :

- Surtout vas pas te faire des idées jeune gringalet, c'est juste pour cette nuit. D'accord !

- Compris chef ! Mais fait gaffe de ne pas tomber amoureux non plus quand même hein. Je réponds feignant de le taquiner car en vrai je n'en mène pas large.

- Aucune chance. Tais-toi et dors sinon je t'assomme. Répond-il sérieusement.

Je sens le moindre de mes muscles crispés par cette proximité inattendue et inespérée. Mais sa chaleur, son étreinte rassurante, son parfum, sa respiration finissent par me bercer et me détendre. Je suis aux anges. Je me sens en sécurité et je me dis que je serais capable de tout affronter dans ces bras-là.

Le sommeil m'accueille cette fois sereinement.

***

Je suis en colère contre cet idiot de Gabriel : de quel droit prend-t-il une telle décision pour me défendre moi ? Son acte désintéressé me touche mais pour cela il s'est mis dans une situation pas possible. Vraiment, quel idiot...

La découverte de ses cicatrices m'a ébranlé. Je suis finalement bien loin de le connaître. Qu'a-t-il bien pu traverser pour en arriver à un acte pareil ? J'ai de la peine pour lui.

Et cette nuit, quand il se réveille apeuré, il est comme un enfant qu'on veut réconforter, qu'on veut protéger des monstres. Son corps est mince mais il est chaud.

C'est étonnant comment il tient si facilement dans mes bras. 

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