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Décembre 1942 - Fin de l'automne

Le monde pullulait abondamment sur la place.

En cette fin d'automne,malgré la guerre, les quelques célébrations au village, pour les fêtes de fin d'années, avaient été maintenues.
À cette occasion, de petites activités avaient été organisées pour la fin de semaine, malgré les étals commerçants fortement amoindris et restreint.
Au domaine, il fallait bien avouer que depuis quelques temps, tout le monde courrait dans tout les sens, afin d'être prêt à temps.
Malgré tout le vin qu'ils devaient envoyer en Allemagne, et la mort tragique du propriétaire des lieux, ils avaient réussi à garder leur habituelle dégustation de nouveau crus, pour le repas qui se tenait juste après le grand tournoi de billon.
Malheureusement, cela faisait quelques années que les concurrents manquaient, faute de toute la jeunesse envoyée au front et qui n'était pas revenue. De plus, cette année, avec le champion qui avait été déporté, le match ne s'annonçait guère intéressant.
Aujourd'hui, se tenait un marché un peu différent, où ceux qui le souhaitait pouvaient vendre les quelques articles artisanaux et productions du coin qui faisaient le plaisir de tous.

Livaï s'était étonné de voir, que peut importe que ce soit le marché traditionnel ou non, les Braus ne vendaient décidément que du bétail, ce qui était exceptionnel pour la période.
Quoi que, aujourd'hui, ils semblaient avoir des peaux à tanner pour des confections de maroquinerie, ainsi qu'un bon peu de fourrure qui ne demandait qu'à devenir manteaux, écharpes, doublures de gants ou de vestes...
Si il avait voulu être chiant, il aurait pu leur dire que ces biens auraient dû normalement revenir au Reich, parceque c'était là, des choses normalement réquisitionnés en masse et en priorité absolue.
Mais il avait simplement acheté un peu de fourrure et de cuir ainsi que de quoi faire un colis, sachant déjà que sa mère s'amuserait à faire des merveilles avec.
Peut être devait il penser à s'acheter une nouvelle paires de gants aussi ?
Ils disaient que l'hiver serait bien rude cette année.
Et il avait souvent ouïe dire, que les gants français étaient de véritables perles.

Le temps s'était déjà bien rafraîchi après tout, mais ce n'était là rien de bien anormal, les feuilles d'arbre parsemaient déjà le sol de belles nuances ocres et orangées, et en les voyant, il avait du mal à croire que cela faisait déjà deux bonnes années qu'il était ici.
Mais il n'avait pas de quoi se plaindre, il n'avait jamais été frileux et cela malgré les températures glaciales qu'il pouvait y avoir en février, dans sa ville natale. Parfois, cela avait affollée sa pauvre mère, lorsqu'il sortait jouer dans la neige avec seulement un pauvre pull de laine et des gants fins. Combien de fois lui avait elle courru après dans la rue avec son manteau et son écharpe dans les mains ? Sans doute trop pour que cela soit vraiment raisonnable. Il ne comptait même plus le nombre de savons qu'il avait senti passé à cause de ça, mais aussi loin qu'il puisse se souvenir, il n'avait jamais été malade.

Et puis, maintenant, bien loin de lui les maladies d'hiver que l'on attrapait à cause du froid, désormais il avait quelqu'un pour lui tenir chaud. Dehors, il pouvait cailler autant qu'il voulait, il n'en avait que faire.
Même si, pour être tout à fait honnête, c'était plus lui la bouillotte que l'inverse.
Sa petite française avait bien plus souvent froid que lui, et nombre de fois, il s'était étonné de la fraîcheur de l'extrémité de ses membres.

Peut être devait il lui envisager de lui offrir des gants à elle aussi ?...
Quoi que de bonnes chaussettes de laine n'étaient pas une mauvaise idée non plus, si ça pouvait l'empêcher de sursauter à deux heures du matin, en sentant sa peau glaciale contre son mollet.

Poursuivant sa balade, il eu force de constater qu'avec le temps et l'habitude, les gens avaient fini par ne plus tirer une étrange tête en le voyant ici.
Voir des allemands en uniforme était presque devenu courant, et il se sentait mieux ancré dans le paysage. Pourtant il n'aurait pas dû être ici, et personne n'aurait dû s'accoutumer de sa présence, mais bon...
Que pouvait il y faire ? Il n'avait pas cœur à se réjouir comme les autres de la victoire écrasante et inévitable de leur pays.
Il savait bien de toute façon,que la plupart des personnes jouaient les hypocrites pour ne pas avoir d'ennuis.
Parfois même certains allaient leur graisser la patte ou s'arrangeaient avec eux pour quelques avantages, mais dès que cela pouvait leur apporter quelque chose ,et que cela restait plus ou moins honnête, ils refusaient rarement.
À croire que la magouille douteuse était bien quelque chose d'ancré au sein de la famille Ackerman.
Mais il fallait bien gagner sa vie et protéger ses proches, non ?
C'était bien la seule chose qui restait à faire et qui ne paraissait pas trop absurde en ce monde.
Livaï ne faisait pas exception.

Livaï X Reader | L'absurdité de ce monde Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt