(10) - Défaite

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1944

Le reste de l'année 1943 s'était déroulée sans accroc.
Après cet épisode tendu, Sieg n'avait, étonnamment, pas plus montré les dents que ça.
Livaï s'attendait pourtant à des représailles, et pourtant il y eut juste un calme troublant.

Mais, si lui avait dit que cela avait été suffisant...
Il était le chef après tout, Sieg n'avait pas tellement son mot à dire.
Il donnait les ordres, lui obéissait, et tout allait pour le mieux.
Il semblait s'y plier pour l'instant, mais Livaï ne doutait pas qu'un jour, il recevrait le retour des jets de pierre en pleine face.
Parfois il se disait qu'il valait mieux l'abattre avant qu'il ne se mette à nuire.
Mais lui non plus n'avait pas assez de preuves pour justifier sa mort. Même en étant un supérieur, il n'avait pas le droit de tuer un de ses hommes sans une bonne raison.
Alors dans un sens comme dans l'autre, ils étaient bloqués.

Hansi était venue le voir par la suite, lui faisant part de son incompréhension face à ce qu'avait dit le macaque, juste avant qu'il ne tente de tuer son amante.
Même si il avait eu un petit saut au cœur en les écoutant, il n'avait pas paru si étonné que ça.
Sieg était perspicace, il s'en doutait bien qu'un jour ou l'autre il commencerai à avoir des soupçons. Le tout était qu'il n'ait aucune preuve visuelle, que ce soit, des mots d'amours écrits, ou eux, dans la plus stricte intimité.
L'alsacienne avait finie par lui poser la question directement.

-"Est-ce que tu as une relation avec elle ?"

Livaï n'avait rien répondu, et Hansi s'était mise en colère, puisque même son amie refusait de lui dire quoi que ce soit, lui répondant qu'elle ne voyait pas de quoi elle voulait parler, et que Sieg se faisait des histoires.
Cela ne l'avait pas empêchée de les traiter d'inconscient, et lorsqu'elle y réfléchissait, elle aussi avait de sérieux doutes.
Mais aucun son ne leur parvenait, là haut, dans le ciel azur.

Pourtant l'alsacienne était presque sûre de ce qu'elle avait entendue ce jour là.
Peut être que cela n'avait été qu'un rêve après tout ?
Elle avait sans doute déjà perdue connaissance à ce moment...

Elle ne savait plus tellement, cela lui semblait flou.

L'allemand avait néanmoins continué son travail au sein de la résistance.
Et il devait avouer qu'il n'était pas peu fier du bordel qu'ils avaient foutus.
Sieg sans clopes avait été bien comique, et il devait avouer que l'idée du café n'aurait pas été si mauvaise. Dommage qu'il l'ait entendu, cela aurait pu être l'occasion de rire un peu.
Plusieurs fois ils avaient ruinés les cargaisons de vins qui partaient pour l'Allemagne, et quelque fois même des livraisons de seconde nécessité, comme les cigarettes justement, ou d'autres alcools, sucreries ect...
Cela avait été facile de ne pas être là les premiers temps, mais quand ses camarades s'en sont aperçus, ils ont immédiatement voulu faire de la surveillance, lors des départs et des arrivées de livraisons.
Les casses avaient alors un peu diminués de ce côté, mais toute cette vigilance pour quelques bouteilles, leur avait permis de bosser sur d'autres projets.
En général, durant les quelques heures qui s'écoulaient, les résistants en profitaient pour aller vendre des journaux, sous les manteaux.
Et ainsi pour ces coups là, il n'y avait aucun allemand dans les pattes de qui que ce soit. Pas même lui.
Livaï avait même été étonné par le nombre d'exemplaires vendus, lorsqu'on savait combien de personnes vivaient ici. Cela avait beaucoup de succès, leur petit commerce de fond.

Le plus important dans son travail, restait néanmoins ces fameuses lettres.
Il devait avouer que le mécanisme mit en place par ce mystérieux "S", était bien ingénieux. Et depuis plus d'un an et demi qu'il les envoyait jusqu'aux États Unis, il ne s'était jamais fait attraper par la censure.
Alors si ses premiers aveux avaient été un peu timide, comme des mots d'amours que l'on dirait pour la première fois, Livaï s'était peu à peu relaxé, déballant maintenant allègrement tout ce qu'il savait.
Tout y passait, leur journée quotidienne, leurs nombreux casses, les discours qui passaient à la radio, les informations confidentielles qui lui parvenaient de Berlin, le mécanisme des camps et leurs nombreuses positions à travers l'Europe, leur évolution également, et il avait d'ailleurs bien insisté en disant que cela devait être une priorité, leurs actions en France et parfois même sur le front soviétique, des déploiements stratégique, des questionnement tactiques, tout, il lui disait tout sans omettre aucun détail.
Parfois il avait besoin de plusieurs feuilles pour pouvoir tout écrire, et ces lettres étaient devenues un bon morceau de son nouveau quotidien.

Livaï X Reader | L'absurdité de ce monde Where stories live. Discover now