III.

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III

U L T I A

Me voici deux semaines plus tard, assise dans un lit que je ne connais pas ou du moins que j'ai littéralement oublié. Et bien que je me souvienne de rien, je sens dans mon fort intérieur que je suis en sécurité chez Taïr, dans ses yeux à aucun moment je n'ai vu quelque chose de malsain. 

Tout ce que je vois c'est la peine que je lui inflige et ça me fait mal. Je suis quelqu'un qui pense énormément aux autres, c'est pas des fleurs que je me jette mais un trait de caractère que j'ai et ça me rassure de voir que je ne me suis pas oubliée moi-même.

Le plus bizarre maintenant c'est d'essayer de revenir en arrière et de voir qu'il y a pleins d'endroits flous dans ma mémoire et mon esprit comme des bouts de puzzle manquants. Sauf qu'un puzzle incomplet n'est plus un puzzle, alors une vie avec des moments manquants ce n'est pas une vie.

Le plus apaisant ça été de me rendre compte que je n'ai oublié aucun membre de ma famille, les seuls personne qu'on me dit que j'ai oublié sont Taïr et une fille que l'on appelle Selena, une métisse qui est venue pleurer à mon chevet.

Je vous assure que ma « rencontre » avec elle était bizarre. Déjà, il y avait Taïr et je sais pas je sentais un malaise entre eux, bref louche. Elle a pleuré en voyant que je n'ai aucun souvenir d'elle et moi bien qu'on me dise que c'était ma meilleure amie. Je vous promets que quelque chose en moi me hurle de ne pas l'approcher parce qu'elle ne m'apportera rien de bon, peut-être même qu'elle m'a causé du tort avant mon coma et que je ne m'en souviens pas, ceci pourrait expliquer le regard un peu sombre que lui a lancé Taïr tout le long de sa visite.

La porte de « ma » chambre s'ouvre laissant entrer Taïr vêtu d'un short de boxe rouge et torse nu. Je ne me retiens pas de regarder son torse parfaitement à mon goût, pas trop musclé ni trop sec juste ce qu'il faut pour être assez menaçant et imposant. Je fronce les sourcils en voyant un tatouage dans le creux de son épaule, il est écrit « Ultim guelbi » et 2018 en chiffre romain.

- Ca correspond à quoi ton tatouage ?

Il baisse la tête vers son torse et passe un doigt sur son tatouage avant de regarder dans le vide pendant quelques secondes avant de soupirer.

TAÏR : J'pense pas que tu sois prête à l'entendre, j'sais même pas quand est-ce que j'pourrais tout te lâcher. J'veux pas choquer ton cerveau oula ta mémoire.

Je hoche la tête, j'aime pas cette atmosphère pesante et je vois bien les regards qu'il me lâche. Du reproche, de la peine et de la haine.

- J'pourrais rentrer quand chez moi ?

Il me fixe froidement.

TAÏR : T'es chez toi ici, chez nous.

Je frotte mon bras gauche, j'aime pas ça, je connais rien ici, c'est pas chez moi du tout.

- Je...

TAÏR : On l'a loué ensemble cet appart, après notre mariage.

Il est toujours à l'entrée de la chambre.

- Combien ?

Il hausse un sourcil sûrement parce que ma question en plus d'être inutile est bizarre mais tous les moyens sont bons pour que je me souvienne de quelque chose.

Et en effet, ça m'dit rien.

TAÏR : 900 euros par mois.

- On payait tous les deux ?

TAÏR : Non, j'veux pas que tu payes le loyer, c'est mon dos ça.

Je fronce les sourcils.

- C'est une attitude de macho ça, j'me rappelle de ma situation j'ai un petit job de côté et ma bourse étudiante qui me permettent largement de t'avancer ça.

Il secoue la tête.

TAÏR : On s'disputait souvent pour ça, j'voulais tout le temps t'canarder, dit-il en me regardant bien fixement.

Je hoche la tête en esquissant un mini sourire, j'arrive à le cerner un peu.

C'est le rebeu type, mec de banlieue qui a une fierté plus grande que la planète et qui est putain de beau, je comprends pourquoi je suis sa femme. Les arabes ça m'a toujours attiré, surtout ceux aux cheveux longs comme lui, mais pas comme Djadja et Dinaz hein faut pas me méprendre.

Mais si je suis carrément sa femme, à seulement vingt ans c'est qu'il a forcément quelque chose en plus et pour l'instant je vois pas ce que c'est à part ses yeux marrons clair comme le miel qui contrastent avec sa peau mate.

- T'es pakistanais ? Ah nan tu m'as dit « omri » la dernière fois, j'suppose que t'es maghrébin ?

Il ne dit rien pendant quelques secondes.

TAÏR : ... j'aime pas le fait qu'on doit se redécouvrir, ça fait dix putains d'années qu'on se connaît zebi, crache-t-il avant de se barrer après avoir donné un méchant coup dans le mur.

Bon je crois qu'il a mal pris le fait que je le pense Pakistanais mdrr. Je plaisante. Comment d'ailleurs je peux plaisanter dans un moment pareil !

Je me lève, il faut que je fasse des efforts pour me rappeler parce que je veux retrouver ma vie sans moments troubles et je veux pas voir des gens comme Taïr souffrir.

J'entends des bruits dans le salon que je trouve particulièrement bien aménager, je pense que c'est mon œuvre parce que les couleurs me plaisent de fou.

- Taïr ?

Pas de réponse. Je vais dans la cuisine, personne.

Je tourne la tête et le vois sur le balcon, assis les jambes écartées, mains sur la tête et celle-ci baissée. Un nuage de fumée s'échappe de sa bouche, je peux le voir même s'il est de dos parce que celle-ci est trop épaisse pour n'être qu'un nuage de vapeur dû à la fraîcheur.

Je le rejoins. Il ne relève pas la tête.

- Taïr ?

Pas de réponse.

Bon...

- Je... j'suis vraiment désolée Taïr je voulais pas te froisser, j'poserai plus de question.

Il souffle, sa jambe droite tape contre le sol de façon rapide, signe de stress chez lui.

Euh... pourquoi je dis ça moi ? Signe de rien du tout, j'en sais rien mdrr mais c'est comme ça même chez moi alors je suppose que lui aussi.

- C'est vrai que ça donne pas envie. Ça doit niquer le cœur de voir que ta femme ne se souvient pas de toi, je sais que t'as mal, je le vois mais à aucun moment je cherche à te blesser si ça ne tenait qu'à moi, j'me rappellerais de tout juste pour retrouver ma vie d'avant.

Il relève la tête et fixe un point dans la rue, les mains maintenant jointes devant sa bouche.

TAÏR : C'est que le début et j'ai déjà l'impression qu'on s'dirige vers un merdier sans nom. J'ai tout niqué.

Je fronce les sourcils.

- Tout niqué quoi ?

Il souffle, sa voix se brise lorsqu'il lâche ces mots :

TAÏR : T'as fait un accident sur la route après qu'on se soit disputait comme des oufs parce que t'avais découvert que quelques semaines avant le mariage je t'ai trompé.

Je ne sais pas pour quelle raison, mon cœur m'a fait extrêmement mal sur le coups et j'ai eu des larmes aux yeux pourtant cette partie de ma vie m'est floue et inconnue.

- Wow... a... avec qui ?

Il souffle à nouveau et dans un murmure il lâche : « Avec Selena ».

Est-ce que je veux vraiment me souvenir de mon histoire avec ce... ?

U L T I A. [I]Where stories live. Discover now