2 ♦ Fini la luxure

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"Lourde est la peine de celui qui ne pourra plus jamais sentir la douceur des caresses sur sa peau malmenée par les siècles"


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ALEXIUS

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    Alors que je ne doutais pas que mon camarade de longue date Ezekiel chassait le lièvre à l'heure actuelle, moi, je prenais plaisir à culbuter une jeune villageoise que j'avais rencontré la veille. Une poignée de ses longs cheveux roux dans une main, mes coups de reins se voulaient puissants et la jeune femme, le dos cambré, la tête en arrière, ne cessait gémir de plaisir, nos deux corps couverts de sueur glissants l'un contre l'autre. Enfin, lorsque notre acte charnel atteignit son apogée, je me laissai tomber sur le côté, le temps de reprendre ma respiration. Mon corps musclé luisait de transpiration mais le sourire béat que j'affichai laissait comprendre que j'étais envahi d'une fière satisfaction. 

    La jeune femme s'allongea à côté de moi, encore complètement nue, les cheveux en pagaille. 

— C'était...

— Incroyable ? l'interrompis-je. 

— J'aurais plutôt dit bestial. 

— Ton corps me donnait envie de te malmener pour t'entendre crier. 

   Elle rigola puis se tourna sur le côté, la main soutenant sa tête. 

— J'aurais pu crier ton prénom si tu me l'avais dit. 

— J'aime les mystères, milady. 

   Je déposai un rapide baiser sur ses lèvres pulpeuses puis me levai, enfilai mes pantalons que je laçai à la hâte ainsi que mes chaussures que je ne pris pas la peine d'attacher. 

— Restes là, je vais nous chercher à boire. 

   Je quittai la chambre, descendis les escaliers en bois couverts de poussière puis m'arrêtai sous les poutres, l'épaule appuyée contre le mur et les bras croisés sur mon torse nu. J'observai Ezekiel dépecer l'animal qu'il venait de chasser. Alors que je m'apprêtai à parler, Ezekiel leva sa grande main tâchée du sang du lièvre. 

— Alexius, s'il te plaît, laisse-moi m'occuper de cette viande, grogna-t-il. Je pense en avoir suffisamment entendu et j'ai faim. 

— Tu devrais vraiment te laisser aller un petit peu, Ezekiel, ça te dériderait. Je t'assure, à force de froncer les sourcils, tu finiras par avoir des rides impossibles à atténuer. 

    J'ouvris le placard du meuble buffet duquel je sortis une vieille bouteille de vin couverte de poussière.

— Tu déshonores notre serment en couchant avec autant de femmes, reprit Ezekiel.

— Oses me dire que tu ne l'as jamais fait. 

— Je ne l'ai jamais fait. 

— Parlons alors de la belle Aude. 

   Ezekiel se leva d'un bond, la chaise ripa sur le plancher souillé et nous nous retrouvâmes face à face, le torse bombé, les mâchoires crispées. Lorsque la porte d'entrée s'ouvrît sur Adélaïde, nous nous éloignâmes instinctivement. 

— Arrêtez vos chamailleries, grommela-t-elle. 

— J'essaie de détendre Ezekiel. 

— Tu me tends bien plus qu'autre chose, rétorqua ce dernier en se rasseyant brusquement sur sa chaise. Il y a bien longtemps, nous avions prêté serment, et nous étions censé le respecter jusqu'à notre mort. 

    Il attrapa les oreilles du lièvre puis enfonça son couteau dans son ventre pour le vider. 

— Oui, c'était il y a bien longtemps, comme tu le dis, répondis-je. Aujourd'hui, nous ne sommes plus rien alors j'espère bien avoir le droit de profiter encore un petit peu de la vie libre que je mène. 

— Les garçons, marmonna Adelaïde en dépliant une missive portée par un corbeau. 

— Tu as surtout de la chance de ne pas mourir de la syphilis ou d'une autre maladie que la luxure peut t'apporter. 

— Tu es simplement jaloux parce que je sais séduire les femmes et toi non. 

    Ezekiel fronça les sourcils et grimaça lorsqu'il sortit les boyaux noircis et putréfiés de l'animal, l'odeur qui s'en dégageait était écœurante, forte, nauséabonde. 

— Les garçons, écoutez-moi, insista notre amie. 

— Je plais, protesta Ezekiel en jetant les boyaux pourris dans la bassine à côté de lui, mais je ne cède pas. 

— Alors qu'avec Aude... c'était une toute autre histoire. 

   Je savais que parler d'Aude le troublait et le mettait en colère. J'aimais le titiller, Ezekiel était terriblement impulsif sous ses faux airs d'homme froid et calme. 

— Les garçons ! cria Adélaïde. 

Nous lui jetâmes un regard. 

— Nous avons reçu une missive du roi Ygor. 

   Ezekiel resta assis à table face à l'animal putréfié tandis qu'Adélaïde lut à haute voix, le message du roi. 

— L'Ordre des Gardiens est convié au palais et les Derniers Gardiens également. L'heure est grave, l'ennemi numéro un de la nation s'est réveillé d'un long sommeil, la nature se meurt et bientôt, les évènements inquiétants qui se produisent de parts et d'autres de notre bien aimé Royaume risquent de susciter les interrogations. Nous devons éviter à tout prix d'attirer l'attention. A réception de cette missive, nous vous remercions de vous mettre en chemin. Le temps nous est compté. Avec tout mon respect, Ygor II, roi du Royaume d'Aphebis. 

— Le roi nous écrit de sa propre main... m'étonnai-je.

   Un court silence plana durant lequel Adélaïde nous observa. Ezekiel s'adossa contre sa chaise, les mains pleines de sang, le corps de l'animal qu'il venait de chasser rongé par les vers juste sous son nez. 

— Je vais demander à la jolie jeune femme nue dans ma chambre, de partir, soupirai-je en posant la bouteille de vin en bout de table. 

   Ezekiel se décida à se lever, attrapa un sac en tissu et y mis l'animal et ses tripes, il le noua puis ouvrit la porte d'entrée avant qu'Adélaïde ne l'arrête. 

— Tu ne dis rien ? demanda-t-elle. 

— Que veux-tu que je dise ? grommela-t-il. Nous avons vendu une âme à un monstre, et aujourd'hui, le monstre a faim. Nous sommes une honte pour l'Ordre. Je vais enterrer le lièvre, il est pourri jusqu'à la moelle et ça ne m'étonne même plus. 

   Ezekiel laissa la porte se refermer derrière lui. Adélaïde s'appuya contre le plan de travail et passa sa main dans ses cheveux blonds. Un côté de son crâne était rasé, l'autre côté, long et ondulé. Elle affichait une carrure imposante, des muscles dessinés et une force remarquable, une mâchoire ciselée, des yeux noisettes virant certaines fois au rouge tant ils étaient intenses. 

   Elle relut la missive de nombreuses fois, tourmentée par les échecs du passé, et par le futur incertain qui se traçait, pour chacun d'entre nous. Je me décidai à regagner l'étage plutôt que les épier, moi aussi, en proie à mes lointains tourments. 


"Lourde est la peine de celui qui dira adieu à la luxure des courbes féminines... autant que celle d'accueillir à contrecœur les effluves de sang dont il sera l'auteur."



Que pensez-vous de ces premiers chapitres ? Vous donnent-ils envie d'en apprendre plus ? Qu'est-ce qui se trame ? Qui sont Ezekiel, Alexius et Adélaïde ? Que cachent-ils ? Et comment accueilleront-ils Élya et sa faible expérience de vie ? 

Pour l'instant, le récit peut paraître plat, mais je vous rassure, ça s'étoffe dans les prochains chapitres. 

A bientôt pour le chapitre 3 ! 

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisWhere stories live. Discover now