11 ♦ Le chant mortuaire

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"Il leur suffisait d'un souffle, pour qu'ils rouvrent les yeux et que leurs pas traînants, hantent à jamais l'esprit des vivants." 

ÉLYA

Le crépitement des flammes résonnaient chaudement dans la montagne. Nous étions à faible altitude, mais le vent y était plus frais qu'en journée. J'étais allongée à même l'herbe fraîche et j'observais les étoiles, des questions plein la tête. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait, je peinais aussi à réaliser l'enjeux qui prenait place sur mes épaules. Je ne me sentais pas capable de traverser un pays tout entier, de faire face à des ennemis, de quitter ma zone de confort. 

Je pouvais entendre Alexius ronfler, Adélaïde dormait à poings fermés. Ils devaient avoir l'habitude de dormir à la belle étoile, et le confort ne leur était pas indispensable. Je m'efforçais de ne rien montrer, mais je voulais rentrer chez moi, je voulais fuir loin de tout ça. J'avais un mauvais pressentiment qui me quittait pas, comme un avertissement. 

Je me levai et marchai autour du camp, afin de respirer, d'endormir ces angoisses incessantes qui tourmentaient mon esprit. Je tombai sur Ezekie, assis au bord de la montagne, à observer l'horizon. Sans vouloir le déranger, je voulus faire demi tour mais la brindille sous mes semelles craqua, dans ce silence nocturne, ce craquement sembla dupliqué. 

— Tu peux rester, si tu n'arrives pas à dormir, annonça-t-il. 

J'hésitai mais le rejoignis. Je m'assis à côté de lui, les pieds dans le vide. Juste en dessous, une roche proéminente trônait fièrement et devant moi, l'horizon faiblement dessinée dans la nuit, éclairé par les lueurs argentées de la lune. C'était beau et calme, apaisant. Le cri d'un aigle résonna en un lointain échos, c'était presque digne d'un rêve. 

— C'est très paisible ici, soufflai-je. 

— Plutôt, oui, marmonna Ezekiel. 

Je gardai mes mains appuyées de part et d'autres de mon corps puis tournai la tête vers lui. Je le trouvais divinement beau, ses cheveux de jais, ses yeux d'un vert étincelant, son visage harmonieux, sa voix... mais il était si froid, si odieux certaines fois, qu'il en devenait détestable. 

— J'ai l'impression que ma présence te dérange, déclarai-je. 

Il inspira profondément, le dos droit, les yeux rivés sur l'horizon.

— Ce n'est pas ta présence qui me dérange, c'est le fait de devoir tout reprendre du début. Si tu es ne serait-ce qu'un tant soit peu intelligente, tu comprendrais que si le Nécromancien est réveillé, c'est que nous avions échoué il y a cent cinquante ans. 

Je détournai le regard et me pinçai les lèvres. Je ne pouvais deviner ce qu'ils avaient vécu, même si j'étais capable de l'imaginer. Pour l'instant, mes visions étaient trop brèves pour les décrypter. 

— Pourquoi avez-vous échoué ? 

— Parce qu'il est puissant. Se battre contre la mort... c'est presque impossible. Même avec des gemmes. 

— Et qu'est-ce qu'il veut, ce Nécromancien ? 

Ezekiel baissa la tête et tourna une brindille entre ses doigts. 

— Dominer le monde, je présume ? Tu es la seule qui pourrait le découvrir. 

Je laissai mes épaules s'affaisser puis secouai la tête, démotivée.

— Je suis sincèrement navrée mais je n'y parviens pas. 

Il tourne la tête vers moi, plante son regard immaculé dans le mien, engendrant un drôle de frisson le long de mon échine. 

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisDove le storie prendono vita. Scoprilo ora