14 ♦ Adélaïde

482 59 15
                                    

"Par l'enfance se forge la force et la persévérance. Par la peur et la douleur, se construit un Gardien."


Adélaïde. 


— Non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas !

Ma petite voix enfantine résonnait dans le sous-sol du manoir alors que deux hommes me tenaient les bras et deux autres les jambes. Ils m'emmenaient pour une énième torture, un énième test d'aptitude. Je devais résister au froid, mon cœur devait atteindre un rythme suffisamment bas pour que mon corps se renforce. Ces expériences étaient douloureuses, pour le corps et l'esprit. 

Ils me plongèrent dans la bassine d'eau glacée, remplie de glaçons pour intensifier son froid. Aussitôt, mes muscles se rétractèrent, mes dents s'entrechoquèrent, mon sang se givra et je commençai à grelotter, sous leurs yeux analytiques, pendant qu'ils prenaient des notes, dans un troublant silence. 

Je pouvais entendre les battements de mon cœur dans mes oreilles avec la sensation que mon sang ne circulait plus dans mes veines, comme s'il se transformait en glace. La pensée devenait compliquée, et pourtant, ils me posaient des questions. 

— Combien de continents compte notre Royaume ? 

— Euh... d-d-dix... 

— Quel est le nom de notre roi ? 

Mon corps tremblait si fort que mes muscles devenaient douloureux. J'étais alors âgée de neuf ans, mais déjà traitée comme une adulte de trente ans. L'Ordre ne faisait preuve d'aucune empathie envers ses sujets, il en allait de l'avenir d'un Royaume tout entier. 

— Le roi, F-f-f-f-Fernand Troisième du n-n-nom... 

— Fernando Aphebis, roi d'Aphebis, Troisième du Nom, fils d'Ygor Aphebis, rectifia la femme qui me posait des questions. 

Respirer devenait difficile, parler l'était aussi, mes lèvres violacées m'empêchaient d'articuler. Je me mordais les joues et la langue à force de grelotter et mon analyse devenait de plus en plus compliquée. 

— Citez nous cinq Gemmes de pouvoir. 

— Le R-Rubis, la Tur... Turquoise, le... le... Saphir, le Jade, l'Émeraude... 

— Quelle gemme vous sera attribuée et pourquoi ? 

Mes paupières devenaient lourdes, leurs voix plus lointaines. C'était comme entrer en transe. Je luttais contre mon corps, mon esprit et le froid qui givrait chacun de mes membres. Je n'avais pas la maturité d'un adulte, j'étais une enfant qui ne comprenait pas ce qu'elle vivait même si au fond, j'étais persuadée que j'étais promise à de grandes responsabilités. 

— Le R-Rubis... parce-que je suis née sous la Lune Rouge. 

— Oui et tu dois te souvenir que ta mère est morte pour te donner la vie, à toi, une enfant vouée à devenir un Gardien. Tu devras survivre à toutes ces épreuves, sans jamais verser de larmes, sans jamais te plaindre ou baisser les bras. Auquel cas, ton ordre sera fortuit et nous devrons t'éliminer pour soulager ta conscience trop faible. 

Je hochai la tête, l'eau ondula légèrement, ce qui procura un frisson puissant dans tout mon corps. Je grinçai des dents, m'efforçant de ne rien leur montrer. 

Les Derniers Gardiens - I La Confrérie du RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant