Chapitre 9

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« Julien, il faut qu'on parle. »
Cela faisait maintenant 1 an qu'ils vivaient ensemble et Sarah avait besoin de mettre quelques sujets à plat.
Sarah au volant de sa voiture était venue le chercher à la sortie de son travail. Elle avait déjà tenté de lui parler de ce qui la tourmentait, mais Julien, préoccupé par ses problèmes n'avait pas pris les choses au sérieux.
« Qu'est-ce qui se passe encore ? » lui répondit-il d'un ton exaspéré.
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Il commençait à bien connaître Sarah et sa tendance à toujours vouloir analyser les choses, à découper en quatre tout ce qui la perturbait. Elle cherchait à progresser alors que lui était plutôt du genre à se laisser vivre sans se remettre en question.
« Je sais que je t'en ai déjà parlé à plusieurs reprises mais j'ai comme l'impression que tu n'entends pas » reprit-elle.
« C'est vrai, les hommes me regardent et essayent de me draguer mais avec toi c'est comme si j'étais transparente... tu ne me touches plus alors que tu regardes des films pornos, quand tu rentres du boulot, tu te plains de tes conditions de travail et de ton chef et tu ne t'intéresses pas à moi... bref je me demande si je te plais encore... ça m'inquiète » dit-elle.
Julien tenta une nouvelle fois de la rassurer et de se justifier.
« Mais non, qu'est-ce que tu vas chercher encore. Tu es magnifique et je t'adore. Je me rends compte que j'ai de la chance que tu sois à mes côtés et en même temps, c'est vrai que je suis souvent happé par mes soucis. Les clients se plaignent tout le temps, ils me râlent dessus et en plus Franck vient me chercher des noises à la première occasion... »
« Tu ne vis plus ça toi maintenant que tu es chef... »
Franck, un des chefs d'équipe avait pris en grippe Julien qui pensait que la raison de son acharnement sur lui était sa relation avec Sarah. Un jour, il lui avait même lancé qu'il ne comprenait pas comment il était possible qu'il soit en couple avec elle. Sarah, qui s'entendait à merveille avec Franck, savait en revanche qu'il pouvait faire preuve d'une grande froideur et qu'il avait dans son équipe des personnes qu'il prenait pour cible.
« Donc je ne peux pas comprendre, c'est ça ? » interpréta Sarah.
« Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. » répondit-il toujours plus irrité. « C'est juste que tout ça me prend la tête et que je n'ai pas beaucoup de place pour autre chose. »
« Pourquoi tu ne fais pas autre chose justement. Tu as la possibilité de partir du centre de relation clients pour aller travailler en agence. Ça te permettrait de faire des activités différentes et en plus je pense que cela serait bénéfique pour nous... »
« C'est vrai, on côtoie les mêmes personnes, le même lieu de travail et du coup on se raconte toujours la même chose. Ça devient lassant d'entendre toujours les mêmes histoires que, de surcroît, je vis moi aussi tous les jours. Tu ne penses pas ? »
« Oui, je sais, mais... disons que j'ai envie de réussir à atteindre mes objectifs avant de faire autre chose. Je ne suis pas comme toi, il me faut plus de temps pour intégrer des procédures. Je suis lent, tu vois bien, et je ne me sens pas du tout prêt à me lancer dans des entretiens de vente avec des clients... »
« Et puis, nous concernant, il faut vraiment que tu arrêtes de te prendre la tête. Je vais essayer de faire plus attention, d'accord ? » dit-il avec beaucoup d'espoir.
Sarah ne se contenta pas de cette réponse et insista :
« Non justement Julien... ce n'est pas la première fois qu'on en parle et rien ne change. J'ai juste l'impression d'être ta maman parfois et moi ce que je veux c'est être la femme d'un homme... je veux me sentir désirée et flattée, je veux qu'on fasse des projets autres que partir dans la maison des parents de ton pote pour les entendre se foutre de ta gueule. Je m'emmerde avec eux et ça ne me convient pas... ».
Sarah tentait de persévérer et de lui faire prendre conscience de la gravité de la situation.
Julien lança de nouveau un soupir, tourna sa tête vers la fenêtre de la voiture, se tut puis lança : « Et bien je ne peux pas faire mieux ! tu n'as qu'à aller voir ailleurs si tu n'es pas heureuse ! »
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Sarah resta pantoise... comment pouvait-il lui tenir ce genre de propos s'il tenait vraiment à elle ? Elle était très en colère et surtout très déçue que Julien ne veuille pas faire plus d'efforts pour améliorer leur relation. Elle rétorqua : « fais attention car je peux très bien te prendre au mot ».
Ils rentrèrent dans leur appartement, chacun allant vaquer à ses occupations et le lendemain, la vie reprenait son cours.
De toute façon, Sarah ne tromperait jamais Julien. L'infidélité était pour elle inenvisageable. « Si je vais voir ailleurs, pensait-t-elle, c'est que nous ne serions plus ensemble. »
Les vacances approchaient et le jeune couple avait prévu de partir aux sports d'hiver avec Sophie et son copain du moment ainsi qu'avec Paul, le meilleur ami d'enfance de Julien.
Sarah avait hâte et attendait cette semaine depuis des mois car elle savait que lors des périodes non travaillées, elle retrouvait l'homme dont elle était tombée amoureuse.
Arrivés à la station, l'ambiance était en effet au beau fixe. Julien avait retrouvé son sourire et sa joie de vivre, la neige tombait suffisamment pour les trois garçons qui étaient férus de sensations extrêmes et Sarah profitait des montagnes et de sa meilleure amie avec qui elle passait de bons moments à rire et à fantasmer sur le physique avantageux de Paul, comme au bon vieux temps disaient-elles.
Mais une fois de plus, cette joie fut de courte durée... une fois rentrés, les habitudes et la personnalité plaintive et maussade de Julien envahirent à nouveau leur intimité.
Sarah en avait parlé avec sa tante qui avait fait preuve de franchise et lui avait dit, quelques temps plus tôt déja, qu'elle pensait que leur couple n'allait pas durer car Sarah était en plein changement et qu'elle craignait qu'elle ne s'ennuie avec lui.
Elle se posait de plus en plus la question, retournant les éléments dans tous les sens, pesant le pour et le contre d'une éventuelle séparation jusqu'à ce que cela devienne obsessionnel, jusqu'à ce que son corps la rappelle à l'ordre.
Elle recommençait à prendre du poids... doucement mais sûrement, un, puis deux puis maintenant cinq kilos. Sarah qui était déjà d'une nature anxieuse en arriva de nouveau à un stade où ses crises de boulimie devenaient quotidiennes. Elle connaissait la solution mais était prise entre deux feux : Julien était un garçon gentil et sérieux, elle savait qu'une séparation serait délétère pour lui et en même temps elle ne pouvait pas s'imaginer de nouveau obèse. Elle avait aussi très peur de se tromper.
Depuis plusieurs jours, elle y pensait en permanence. Elle pleurait beaucoup en s'imaginant annoncer la mauvaise nouvelle à son compagnon, et elle repensait au Docteur Philippot qui avait finalement vu juste : Sarah s'ennuyait avec Julien, mais aussi avec tout son entourage amical. Son travail qui lui avait servi de tremplin pour gagner encore plus confiance en ses capacités ne comblait en rien le vide qu'elle avait besoin de remplir. Il n'y avait qu'avec sa famille que tout se passait bien, même si elle ne se confiait toujours pas.
Un soir, elle rentrait de chez le médecin car elle n'avait pas pu se rendre à son travail. La veille elle s'était de nouveau vengée sur tout ce qu'elle avait pu trouver à manger. La culpabilité et l'angoisse qui avaient suivi cette débâcle la tenaillaient si fortement qu'elles l'avaient paralysée. Sarah prit sa décision : « Je lui dis ce soir !» pensa-t-elle.
Quand Julien rentra à son tour, Sarah était terrorisée. Elle avait réellement peur de sa réaction et elle savait qu'elle allait devoir encaisser le flot d'émotions de son futur ex. Elle craignait de constater à quel point elle pouvait faire souffrir quelqu'un qu'elle aime, bien qu'elle ne soit plus heureuse avec lui.
Julien alla se préparer à dîner puis s'installa comme tous les soirs devant la télévision.
« Je dois te parler Julien » lança Sarah d'un ton fébrile.
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« Quoi encore ? » demanda Julien sans détourner la tête de l'écran.
« C'est sérieux » dit-elle, « j'ai vraiment besoin que tu écoutes ce que j'ai à te dire. »
Julien éteignit la télé et la regarda. Quand il vit le visage désespéré et déjà larmoyant de Sarah, il comprit rapidement ce qui l'attendait.
« Non Sarah, pas ça » anticipa-t-il.
Sarah se mit à pleurer car elle aussi avait beaucoup de chagrin à l'idée que leur histoire se termine.
« ... Je suis désolée Julien, mais je ne peux pas vivre comme ça. Je ne suis pas heureuse et je ne peux malheureusement pas te forcer à changer..., je n'ai plus la force, ni l'envie de te porter comme je le fais. Je suis vraiment désolée... » lui dit-elle.
« Tu as rencontré quelqu'un c'est ça ? » lui répondit-il sur un ton agressif.
« Non pas du tout, ce n'est pas ça... mais je t'ai alerté à maintes reprises, tu ne m'as pas prise au sérieux et maintenant on en arrive là. Je suis navrée Julien mais je pense à mon bonheur... je ne peux pas être heureuse qu'en vacances ! ». Elle pleurait à chaudes larmes car elle ressentait le désespoir de son ami et se sentait envahie par la nostalgie que peut provoquer un deuil.
« Mais tu ne m'aimes plus ? » Ses yeux commençaient à devenir humides, son visage se détendait pour dévoiler tout le désespoir qui avait pris possession de son coeur.
« Je ne sais pas, je n'y crois plus en tous cas. »
« Mais il y a encore peut-être une chance... je te jure, je t'aime trop, tu es géniale tu m'apportes tellement Sarah. S'il te plaît, ne gâche pas tout... réfléchis si tu penses m'aimer ne serait-ce qu'un peu ! »
« Je sais que c'est dur pour toi et même si je me questionne sur mes sentiments, je sais aussi que l'on peut très bien aimer quelqu'un et ne pas être heureux avec lui. Et je veux les deux, tu comprends, ce n'est pas négociable pour que je me sente comblée » annonça-t-elle d'un ton déterminé.
Elle fixait Julien d'un air empathique et il baissa les yeux vers le sol. Il se leva du canapé et sortit du salon. Elle entendit des coups et Julien qui sanglotait.
Il se cognait la tête contre les murs, la réalité l'ayant rattrapé ; il s'en voulait de ne pas avoir été à la hauteur, il s'en voulait de perdre Sarah, il savait que c'était bel et bien fini.

LA REVOLUTION DU TOURNESOLTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon