Chapitre I

283 31 50
                                    

Il faisait nuit. Il faisait froid. La ville était encore endormie. Dehors, le noir était partout. Il tapissait les ruelles, recouvrait les maisons, entourait les lampadaires allumés.

Charlie aimait ce moment, quand rien ne la tenait en alerte. Quand le monde entier la laissait enfin tranquille.

Cinq heures deux.

A cette heure-ci, c'était comme si elle était la seule à pouvoir vivre et respirer dans cet endroit encore au ralenti. Dans sa cuisine, l'ambiance ne ressemblait en rien à l'humeur paisible qu'avait la nuit. La radio s'animait, criait et résonnait contre le carrelage de la pièce.

—  Et tout de suite, l'horoscope de la semaine, sur Radio Matin ! Nous commençons avec les scorpions, qui seront à l'honneur ces prochains jours ! Nous vous souhaitons d'avance de joyeuses fêtes, car votre anniversaire ne tardera sûrement pas ! Au niveau de la santé et de la forme, celles-ci sont bien présentes, bien que loin d'être démesurées. Vous vous sentez bien, mais n'avez pas non plus la patate ! Mais après une petite séance de sport ou un moment de détente, vous devriez avoir retrouvé une mine d'enfer !

En entendant cela, un rire jaune échappa à Charlie tandis qu'elle attrapait sa tasse brulante de la cafetière. « Une petite séance de sport ou un moment de détente », elle en rêvait depuis bien longtemps. Mais les factures à payer et les rendez-vous professionnels passaient bien avant tout. La jeune fille approcha ses lèvres du mug fumant et attendit que la vapeur atteigne ses narines pour siroter son breuvage. Elle ferma ses yeux encore rouges de fatigue, tandis que l'animateur radio déblatérait ses paroles :

—  Niveau travail et argent, de nombreuses idées fourmillent dans votre tête, mais aucune n'est assez claire.  Mais avec le soutien de la planète Neptune, votre confiance en soi grandira en même temps que votre envie de réaliser de nouveaux projets. Croyez en vous !

Charlie reposa sa tasse encore chaude sur la table, et partit ouvrir le frigo pour trouver la bouteille de lait. La porte se referma en un claquement sec, elle s'empressa de dévisser le bouchon pour verser quelques gouttes dans son café.

—  Concernant la famille et les amis, vous ne vous en rendez peut-être pas compte mais les problèmes et les embrouilles s'accumulent entre vous. Attention à ne pas vous emporter, au risque de détruire une relation ! Ciblez toutes ces mauvaises ondes et apprenez à les canaliser pour les oublier au fil du temps.

Le liquide blanc atterrit délicatement dans la boisson sombre, et très vite, le marron foncé s'éclaira pour devenir presque couleur caramel.

—  Et enfin, les amours et les rencontres ne seront toujours pas au rendez-vous ! Ce qui vous intéressait jusqu'à présent chez une personne se relève n'être qu'une passe, et ce qui vous faisait frémir avant ne vous arrache que des grimaces aujourd'hui. Mais ne perdez pas espoir, l'amour refera son apparition, et les sentiments ne seront que plus démesurés !

Les dernières intonations de voix du jeune homme se perdirent dans la cuisine, quand Charlie éteignit le poste d'un mouvement rapide. Et à la suite de ces cris enthousiastes, seul le silence résonna dans la pièce sombre. Les courants d'air qui habitaient encore l'appartement firent frissonner la jeune fille, et les phares d'une voiture à l'extérieur éclairèrent ses cernes.

L'animateur radio avait en partie raison, les sentiments n'étaient pas au rendez-vous en ce moment. Mais ceux-ci ne reviendraient pas. Pas si l'objet de son amour ne refaisait pas son apparition. Pourtant, cela faisait cinquante six jours qu'elle attendait déjà. Deux longs mois de calvaire qui ne faisaient que s'allonger.

Sur la porte du congélateur, les photos étaient encore là. Elles relataient de ces moments de pur bonheur que le couple avait passés ensemble. Une sérénité qui à présent, lui semblait atrocement loin, horriblement dérisoire. Du bout de la pièce où elle se trouvait, la blonde apercevait encore son regard noir, aussi pétillant que des millions de feux d'artifice. Elle avait l'impression que son sourire emplissait la photo, et cette pensée fit trembler ses doigts. Ezra ne paraissait pas seulement heureux, en compagnie de Charlie. Il l'était réellement. Alors pourquoi s'était-il évaporé dans la nature ?

Pourtant je t'attends toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant