Chapitre IX

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23 novembre

Bonjour.

Je ne sais pas comment engager cette conversation écrite, je ne sais même pas ce que je suis censée faire. Je suis perdue, mais ça, ça ne change plus de d'habitude. Cathy Fills m'a conseillée d'écrire, après ce qui s'était passé. Elle m'a conseillée de coucher tout ce que je ressentais sur du papier, sous forme de mots. C'est libérateur, selon elle... Je n'en suis pas si sûre. Parce que quand j'écris, je suis obligée de me rappeler de tout. Que je suis triste, que je suis seule, que je ne sais plus quoi faire. Je suis obligée de me rappeler que j'ai touché le fond. Et je déteste ça.

Je suis très nulle pour écrire, aussi. J'ai déjà essayé de commencer ce carnet trois fois... C'est pour ça qu'il manque déjà des feuilles. Je me sens débile quand je fais ça. Mais je vais quand même le faire, puisque j'en ai marre de me sentir mal. J'ai décidé qu'à partir de maintenant, je testerai tout ce qui pourrait me rendre plus heureuse. Parce que j'ai envie de le redevenir. Je veux à nouveau être pimpante, rayonnante, féminine, marrante, sociable, énigmatique. Je veux retrouver la Charlie que j'étais. Parce qu'elle me manque. Autant que toi tu me manques, Ezra.

Dans ce carnet, j'ai décidé de m'adresser à toi, ça me semblait plus facile. Tu m'as toi-même envoyé un mot parce que tu connaissais notre adresse. Mais comme moi je ne sais pas où tu es, je préfère t'écrire ici. Dans ce livre que tu ne trouveras sans doute jamais.

Je m'éparpille, j'en ai marre.

A l'origine, aujourd'hui, j'ai voulu ouvrir ce carnet et placer quelques phrases pour te dire qu'à cet instant précis, je te déteste. Je ressens une haine incontrôlable contre toi parce qu'en plus d'être parti, en plus d'avoir tout lâché sans raison et de m'avoir laissée seule, tu remues encore le couteau dans la plaie. Ce mot que tu m'as envoyé le jour de mon anniversaire, il me hante chaque seconde. Maintenant, je sais que tu es là, quelque part. Mais je ne sais pas où, et ça me rend dingue. J'ai l'impression que tu te permets de me faire souffrir pour je-ne-sais quelle raison, et ça me met hors de moi. J'ai cru mourir, ce jour là. A la place, mon coeur ne fonctionne plus réellement comme il faut. Et ça, c'est de ta faute.

J'ai toujours cru te comprendre, Ezra. Mais je crois que je me suis trompée. Alors aujourd'hui, même si je t'aime encore jusqu'à l'infini, j'ai tenu à écrire ces deux mots. Sept petites lettres en majuscule, afin qu'elles pénètrent bien dans le papier :

VA CHIER.

Charlie laissa tomber le stylo bic sur son lit d'hôpital, juste à côté d'elle. Elle avait repassé cinq fois sur cette dernière phrase, jusqu'à que la mine perce la feuille. La psy avait raison, finalement ; c'était libérateur. Elle inspira longuement, relit ces quelques lignes une bonne quinzaine de fois, puis referma le cahier.

Le vingt-trois novembre... Ça faisait déjà presque trois mois, qu'Ezra était parti. Et pourtant, la blonde avait l'impression de ne pas avoir évolué. Elle en était toujours au même stade : perdue. Mais un détail avait changé, malgré tout : sa santé s'était dégradée. A cause de l'anxiété, son coeur avait commencé à faire des siennes et maintenant, elle souffrait d'arythmie cardiaque. Son organe vital ne suivait plus un rythme régulier. Ses moments de fatigue et surtout ses douleurs à la poitrine avaient été des symptômes, des appels de phare; que Charlie n'avait pas pris en compte. Elle avait simplement fermé les yeux, pendant tout ce temps.

— Mademoiselle Izaas ? Tout est bon, les papiers sont en ordre, vous pouvez sortir.

La jeune femme sursauta quand elle découvrit l'infirmière qui venait d'entrer dans sa chambre. Elle l'observait, le sourire aux lèvres. Charlie, elle, regarda autour d'elle. Son sac était fait, elle s'était changée, la chambre était rangée. Oui, tout était bon. Soudain, Edmond apparut derrière la femme en blouse bleue, deux cafés à la main. Ses lunettes se dirigèrent d'abord vers Charlie, puis vers l'infirmière, et enfin il s'exclama :

Pourtant je t'attends toujoursWhere stories live. Discover now