Chapitre XIV

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— Hé, Charlie ! Tu viens danser ? Allez !

Lorenzo rejoignit Charlie devant le comptoir, le rouge aux joues et le sourire grand jusqu'aux oreilles. Il avait chaud, ses cheveux collaient sur son front, et il avait déjà ouvert quelques boutons de sa chemise. Les petits bateaux qui étaient imprimés dessus se mouvaient au rythme de ses gestes brusques.

— Mais je n'ai pas terminé mon verre, prétexta la blonde pour rester le plus longtemps possible sur son tabouret.

— Personne ne te le volera entre temps, je t'assure. Le groupe de musiciens va bientôt partir, viens profiter des dernières chansons avec moi !

Charlie n'eut pas le temps de répondre, Lorenzo repoussa son mojito d'un geste sec et la releva de sa chaise. Il la traina jusqu'à la piste de danse miteuse, au milieu de tous les ivrognes qui dodelinaient de la tête, les yeux brillants.

— Tu sais danser ? cria le jeune homme en commençant déjà à tourner sur lui-même.

Il arborait un petit sourire fier, comme s'il s'attendait déjà à ce que Charlie lui réponde que non, elle ne savait pas aligner deux pas sans trébucher. C'était bien mal me connaître, pensa celle-ci. Il parlait ici à la reine des soirées qui enchaînait les musiques jusqu'à ce que la lune cède sa place aux premiers rayons du soleil. Alors, un peu sonnée par les deux derniers verres d'alcool, elle se mit à se déhancher, à lever les bras au rythme des basses, et très vite, elle se sentit emportée. Elle crut déceler un regard admiratif venant de Lorenzo, et il s'empressa de la suivre dans sa danse effrénée. L'espace de quelques minutes, Charlie perdit la notion du temps et de l'espace, elle ne sentit rien d'autre que les battements désordonnés de son coeur et les accords des guitares électriques qui la parcouraient toute entière. A cet instant, elle n'était plus personne, elle n'aimait plus personne, elle n'appartenait plus à personne.

Et puis, le téléphone de Lorenzo vibra dans sa poche, il vérifia rapidement le contact, et ses yeux arrêtèrent de briller derrière ses lunettes dorées. Ses bras retombèrent contre ses cuisses, son sourire descendit vers le bas. Ses petits bateaux arrêtèrent de bouger sur sa chemise bleue, et il lança :

— La danse est terminée.

— Tu es obligée de répondre à cette personne ? se risqua Charlie.

— J'aurais préféré te dire non...

Sans un regard en arrière, le jeune homme traversa la vague de monde, et Charlie dut le suivre en essayant de ne pas le perdre de vue. Elle aperçut son verre encore à moitié plein sur le comptoir, et le vida avant de retrouver Lorenzo dehors. Le barman la toisa du regard, et la blonde sortit rapidement son sac à main. Elle laissa tomber quelques billets sur la table et sortit dans la nuit. Il avait arrêté de pleuvoir, tout était devenu calme.

— Je sais, papà, je suis au courant que tout ce que je fais est incompréhensible, pour toi !

La jeune femme reconnut la voix grave de Lorenzo, il s'était placé dans un coin et s'irritait la gorge en criant ainsi au téléphone.

— Non, je ne reviendrai pas ! Pas tout de suite, en tout cas. Parce que je n'ai pas fini ma formation !

Charlie voulut attendre que son ami finisse sa conversation avec son père, mais elle semblait s'éterniser. Les minutes s'égrenaient sans que le ton ne redescende. L'alcool commençait à lui monter à la tête, et elle eut l'impression que le sol n'était plus si lisse, sous ses pieds. Un banc trônait à quelques mètres d'elle, elle décida de s'y installer le temps que Lorenzo raccroche. Charlie se sentait un peu fatiguée, maintenant que l'excitation était retombée, et ses pensées divaguaient. Pourquoi le père de Lorenzo ne voulait-il pas que son fils fasse ce qu'il aimait ? pensa la jeune femme tout bas. Ses parents à elle l'avaient toujours laissée faire ses choix, ils n'avaient jamais contesté ses décisions. Mais peut-être était-ce parce qu'ils s'y intéressaient très peu... Pas étonnant qu'Inès se soit retrouvée dans cette situation, finalement ! Elle n'avait jamais eu de limites, elle avait grandi en errant ici et là, en essayant de voir jusqu'où papa et maman la laisseraient aller. Ils ne lui avaient jamais dit stop, et c'est parfois très déstabilisant, pour un enfant...

Pourtant je t'attends toujoursWhere stories live. Discover now