Chapitre V

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Charlie se tenait sur cet habituel sofa bleu, les yeux rivés vers le mur en face d'elle. Ses doigts de la main droite étaient enfermés dans celle de gauche, et sa langue se retournait lentement sous son palais. Comme chaque mardi soir, elle s'entretenait avec Cathy Fills, sa psychologue qui la suivait depuis les premières semaines précédant la disparition d'Ezra. Heureusement pour elle, il lui était de plus en plus facile de s'entretenir avec la femme à l'allure austère mais au cœur d'ange. Un petit calepin et un stylo tournaient entre ses doigts, et à la vue de ses sourcils froncés, Charlie comprit qu'elle attendait une réponse.

— Alors ? Avez-vous remarqué des améliorations depuis la dernière séance ?

Le ton de Cathy était avenant, mais légèrement pressant. C'était déjà la deuxième fois que la psychologue posait cette question, et Charlie ne savait pas quoi répondre. Son regard était porté vers les talons aiguilles de la jeune femme, une magnifique paire d'escarpins de plusieurs centimètres, que la patiente n'aurait jamais osé porter.

— Je... je ne sais pas. Qu'est-ce que j'aurais dû remarquer comme changement ?

— Je n'en sais rien, c'est à vous de me le dire. Est-ce que vous ressentez toujours ce poids à la poitrine dont vous m'avez parlé ?

— Oui, c'est toujours là.

— Il faudrait peut-être penser à consulter, non ? Ça pourrait être important...

— Non, je ne pense pas. Je suis en bonne santé, en attendant.

— Bien... et au niveau social ? Vous voyez du monde, vous sortez voir votre famille, des amis ? C'est important de ne pas rester seule, dans ces moments là.

La psychologue se mit à tourner les pages de son carnet, en faisant attention à ne pas faire tomber sa paire de lunettes de son front. Depuis la première séance, Charlie avait observé ces lunettes transparentes sur le crâne de la jeune femme, mais jamais elle ne l'avait vue les mettre sur son nez.

— Ça fait longtemps que je n'ai plus vu mes parents, mais j'ai pris un café avec Marilyn hier soir. Sauf que ça s'est plutôt mal passé...

— Attendez, vous m'avez déjà parlé de Marilyn... Ah, votre amie ! Que s'est-il passé ?

— J'ai réagi de façon un peu trop brusque, je pense. Elle m'a reproché de ne plus autant sourire qu'avant, de ne plus sortir avec elle tous les deux soirs, et ça m'a mise hors de moi.

En lançant cela, Charlie contempla le tableau accroché en face d'elle. Une longue toile blanche sur laquelle un corps apparaissait, uniquement constitué de fils noirs.

Devant elle, Cathy retranscrivait des mots sur son cahier, et elle retroussa ses lèvres avant de relever le menton vers sa patiente. Elle enroula sa jambe autour de l'autre et posa sa prochaine question, le ton soudain très doux :

— C'est une question qui pourrait paraître indiscrète, mais est-ce que vous pourriez me dire quel a été le dernier message que vous a envoyé Ezra ? Vous m'avez déjà dit que rien n'avait entravé votre couple avant qu'il ne parte, mais peut-être y a-t-il des indices dans son dernier mot ?

En entendant cela, la jeune femme se redressa sur le canapé et déglutit lentement.

— Vous ne vous en rappelez peut-être pas...

— Si. Si, si, je m'en rappelle très bien.

La réponse de Charlie était froide, abrupte. Les derniers mots que lui avait envoyés son conjoint étaient gravés dans sa mémoire, il lui aurait été impossible de les oublier.

Pourtant je t'attends toujoursحيث تعيش القصص. اكتشف الآن