Chapitre 2

956 100 53
                                    

Cette fois-ci, c'en était trop.

Haletant, Adrien courait le long des longs couloirs qui composaient le paquebot. Il bousculait des marins, rentrait dans des servantes, marmonnait des excuses avant de reprendre sa course. Il ne savait plus vraiment où il allait ; il savait juste qu'à un moment ou un autre, il finirait bien par regagner l'extérieur, l'air frais – et la mer. Il avait besoin de voir la mer.

Adrien se sentait étouffer. Le déroulé de la soirée s'embrouillait dans sa tête, repassant de manière hachurée les évènements qui venaient de se passer : Le costume trop serré. L'ambiance étouffante du fumoir. Le sourire trop enjôleur pour être réel des invités du restaurant. Le sentiment de n'être qu'un jouet qu'on se passait de main en main.

Et Lila Rossi.

En dépit de son attitude hautaine à Cherbourg, Adrien avait d'abord cru qu'elle s'était rattrapée : sitôt qu'ils eurent gagné leurs quartiers en première classe, elle s'était montrée bien plus souriante, développant un intérêt subit à chaque fois qu'Adrien parlait de ses diverses passions. Il aimait l'escrime ? Lila s'avérait connaître le champion de France. Il appréciait les débuts balbutiants du cinéma ? Sa fiancée avait déjà joué dans plusieurs œuvres cinématographiques – et cela même si, étrangement, il n'avait pas souvenir de l'avoir vue dans aucun des films qu'il avait regardé.

En somme, sur le papier, Lila Rossi était la fiancée parfaite pour lui, si bien qu'Adrien se demanda si l'impression qu'il s'était faite de sa promise à Cherbourg n'avait été qu'une illusion.

Puis il y avait eu la soupe « accidentellement » renversée sur la jupe de la servante leur apportant le dîner. Le verre de vin « maladroitement » tombé sur le genou du majordome. Le couteau lui ayant « bêtement échappé des mains » en passant le beurre à Nino Lahiffe.

Au bout du troisième accident de la sorte, Adrien eut tendance à penser les maladresses de Lila n'avaient plus rien d'accidentelles.

Dire que c'était son père qui l'avait choisie pour lui... S'il tenait vraiment à lui, il aurait su que son fils détestait le mensonge et la cruauté. En même temps, à quoi est-ce qu'il s'attendait ? Si son père tenait vraiment à lui, jamais il ne l'aurait utilisé de la sorte.

Son père... Adrien manquait d'air rien qu'en pensant à lui. Il avait sottement espéré que son départ aurait au moins pu lui faire un peu oublier l'homme glacial et autoritaire qui régissait sa vie ; mais il avait été si omniprésent dans les conversations autour de la table du dîner que c'était comme s'il avait embarqué lui aussi sur le Titanic. Son père et son génie. Son père, cet homme si bon. Son père et ses fantastiques découvertes archéologiques.

Certainement pas son père et le fait qu'il ait expédié sans aucun remords son fils à l'autre bout du monde, avec une fiancée qu'il venait de rencontrer.

Alors qu'Adrien ressassait tout cela avec amertume, le froid de l'extérieur lui fouetta la figure. Il prit une grande inspiration, réalisant qu'à force d'errer dans les couloirs, il avait fini par débouler quelque part ; en l'occurrence, la poupe du bateau.

Les lumières du Titanic éclairaient d'une lueur pâle l'océan noir d'encre. La mer était calme, si on oubliait les vagues provoquées par les monstrueuses hélices du paquebot, une vingtaine de mètres plus bas. Quelques embruns glacés fouettèrent le visage d'Adrien alors qu'il jetait un œil par-dessus la poupe.

La rambarde qui le séparait du vide n'était pas bien haute. Adrien frissonna. Ce serait si simple... Enjamber cette rambarde, plonger. Se faire emporter par les remous glacés de la mer. Ils seraient certainement plus chauds que le sourire de Lila...

Insubmersibles - Miraculous : Titanic AUDove le storie prendono vita. Scoprilo ora