Prologue

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La forêt était calme.

Baignée dans la douce lumière du soleil, la vaste clairière s'éveillait aux premières lueurs de la matinée. L'automne était de retour. Les jaunes des hêtres, les rouges des érables, les ocres des frênes, les marrons des bouleaux et l'or des chênes se mêlaient en une véritable peinture vivante. Quelques gouttes de rosée ornaient les branchages, telles des perles de cristal égarées. Au sol, la mousse verdoyante s'étalait à perte de vue, s'alliant à merveille avec le tapis de feuilles mortes qui recouvrait la terre humide.

Un craquement retentit alors, brisant la tranquillité de ce havre de paix. Une silhouette rouge et encapuchonnée se frayait un chemin parmi les hauts arbres de la forêt. L'enfant accélérait le pas. Ses semelles écrasant des brindilles, elle courait. Sa longue cape grenat fouettait l'air.

Elle manquait de temps. Sa course faisait voler sa longue chevelure rousse, semblable à une voile aux grands vents. Une couronne de tresses piquée de fleurs dégageait son visage fin et pâle. Sa coiffure était digne de celle d'une fée des bois. Encore une idée de sa tante.

L'enfant s'arrêta alors, essoufflée. Elle avait reconnu la clairière. C'était leur repaire à tous les deux, à elle et son oncle. Chaque dimanche, il l'emmenait découvrir les mystères de la forêt, où ils discutaient de longues, longues heures, loin de tout. Loin du reste du monde.

- J'arrive !

La voix lointaine de son oncle déchira l'épais silence de la clairière. Son cœur loupa un battement. Il avait fini de compter. Le jeu touchait à sa fin. Paniquée, elle reprit sa course. À la recherche d'une cachette. Réajustant son chaperon écarlate sur sa petite tête, elle se glissa peu après sous un amas de branches mortes et s'accroupit. Jamais il ne pourrait la trouver là. Jamais. Elle était trop bien cachée. Le rouge de sa cape et le roux de ses cheveux la rendaient parfaitement invisible aux yeux de tous, au milieu de ce décor multicolore.

Sauf pour lui.

Henry.

Ses yeux clairs la retrouvaient toujours. Ses terribles yeux de loup.

La fillette leva la tête et offrit son minois aux rayons du soleil qui lui caressèrent la peau. Elle savoura agréablement l'odeur de l'humus frais et le chant mélodieux des oiseaux. Elle se sentait bien, en cet instant précis. Cet instant suspendu, avant de replonger dans la peur. Et de se noyer dans les Ténèbres.

Soudain, un bruissement se fit entendre. Tout près. Les mains moites et le cœur battant à tout rompre, la petite fille revint à elle. Sur la Terre ferme. Il n'était pas loin, à présent. Peut-être l'avait-il déjà repérée. Tremblant de tous ses membres, elle guetta le moindre mouvement, la moindre ombre. Pourtant, il n'y avait rien. Rien du tout.

Ses yeux rougis parcoururent le sentier, les bosquets et les feuillages, mais aucune trace de lui. Où pouvait-il être ? Elle soupira, essuya la sueur qui perlait sur son nez constellé de taches de rousseur, puis se laissa tomber sur le sol. Au diable les bonnes manières et les vêtements propres. Sa tante n'était pas là pour les lui rappeler. Et lui non plus.

Il n'y avait plus un seul bruit suspect, à présent. Il avait sûrement rebroussé chemin. Elle était soulagée. Sauvée, même.

- Trouvée !

L'enfant sursauta, en poussant un petit cri aigu.

Il était là, derrière elle.

Il la regardait de toute sa hauteur, entièrement vêtu de noir. Son parfum musqué s'immisça violemment dans ses narines.

Henry l'avait retrouvée.

Henry et ses grandes jambes. Henry et ses grandes mains. Henry et ses grands yeux.

Elle avait perdu. Et il avait gagné.

L'enfant ne fit pas le moindre geste. Tandis que son oncle s'agenouillait à ses côtés, elle ferma les yeux. Comme à chaque fois. D'un seul coup, le noir l'engloutit tout entière. D'un unique battement de cils.

Quelques secondes s'écoulèrent en silence, sans que rien ne se produisît. Pas même un bruit, pas même un mouvement.

Puis, il eut un long soupir. Et un geste.

Une main chaude et moite se glissa sous le pull en coton blanc de la petite fille. Une caresse volée sur son épiderme glacé, sur son téton qui n'avait pas encore éclos. Une caresse, presque trop douce. Presque trop tendre.

Violée.

L'enfant refusa d'ouvrir les paupières. Dans cette forêt enchantée, il n'y avait plus aucun espoir pour la petite Jade.

Car le Loup était apparu. Et le Petit Chaperon rouge avait perdu.

Une fois de plus.

La Flamme | PEAKY BLINDERSTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang