14- le mort

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      Qui était bien cette personne au milieu de la route? N'avait-elle pas peur de se faire renverser? Quant bien même je parvenais à la dépasser serait-ce bénéfique pour moi ou simplement cela allait me porter préjudice ? La peur dans les yeux, accompagnée de courage je fonçais sur la silhouette quand d'un dernier reflex je la reconnue. Lui qui avait déjà vu mon véhicule venir à vive allure vers sa direction avait été obligé de plonger dans l'herbe en criant : << a ne ya? ( C'est comment ?>>. Pas besoin d'entendre plus, je descenndis aussi rapidement que je pouvais pour aller l'aider.

Moi: désolé, vraiment désolé! On ne savait pas que c'était toi.

Mezui: Mui c'est toi? Mais dis donc tu as failli renverser ton papi là, c'est comment, tu ne vois pas bien la nuit ?

Moi: si mais... C'est maman non !

Mezui: ta mère a fait quoi? Elle aussi est dans la voiture ? Vous sortez d'où ?

      Je n'avais pas ce temps là de répondre à ses questions à cet endroit, de plus maman devait à tout prix se reposer. On arriva au niveau du véhicule quand il salua tout le monde, sa fille elle par contre était déjà bien dans son élément, elle lui en voulait. Il prit place à mes côtés et nous avions repris le chemin.

Mezui: kié! Mina soh vé abim azang alou di? ( D'où sortez-vous si tard dans la nuit ?)

Sylvie : tchuips ! Pepa bia ye ke kobe a nda, ma wok a wa abé (papa nous en parlerons à la maison sache juste que je suis remontée contre toi)

      L'atmosphère dans le véhicule signalait clairement qu'il fallait que nous les enfants gardions nos bouches fermées, les autres espéraient juste que maman allait enfin pouvoir dire à grand père qu'on allait retourner en ville car ce village là était clairement contre nous. On roulait lentement mais sûrement,je ne pouvais prendre le risque d'accélérer dans ce village sans route, pourtant village du premier ministre. De plus, s'il fallait aussi avoir peur, il fallait penser au mystique qui se faisait ressentir après chaque mètre. Ce soir là comme tout autre, le froid venait dicter sa loi, même le chauffage du véhicule ne pouvait pas tenir. Deux heures de routes plus tard, les phares du véhicule éclairaient enfin notre concession, il était environ vingt heures. Le village semblait vide, c'était normal mais cette fois c'était différent il y'avait quelque chose. C'était clair qu'il y avait un malheur, les maisons d'en haut n'étaient plus comme à leur habitude éclairées par des lampes tempêtes, cette fois c'était bien le groupe électrogène du village. Dans ces moments là c'est souvent la maison du défunt qui est la plus éclairée, jamais je n'ai compris cette culture.

Mezui: Aka za bera wouh? ( Qui est encore mort?)

Sylvie : qu'est-ce qui s'est passé ici? Vous avez laissé ça quand vous êtes venus ?

Reine : oui on a entendu les gens pleurer mais on ignore qui est décédé.

Mezui : la maison est même fermée, votre grand mère doit sans doute être là-bas.  Je sais où elle a laissé la clef, rentrons d'abord puis moi-même je vais aller vérifier ce qui se passe. Avant qu'il ne pousse de nouveau un cri ... Kié ! A zame za wouh ya fô gni? ( Éh seigneur qui qui est décédé là !? ).

      À peine grand père avait pris la clef dans un trou du mur, aussitôt nous étions rentrés pour nous installer et nous reposer au salon. Maman qui était à peine sortie de l'hôpital semblait par contre être la plus en forme, elle voulait tout savoir et avoir une réunion très sérieuse avec son père. La table était faite, mais personne n'eut le courage d'aller manger, les lits des chambres n'attendaient que nous mais personne n'avait non plus ce courage là de rester à un mètre de l'autre. Sur les visages se lisaient de l'inquiétude, chacun la tête penchée. Maman ouvrit la bouche pour commencer à exprimer son ressenti quand elle fit stopper par grand père qui lui rappela une sagesse de chez nous qui dit :<< on ne règle pas les conflits la nuit>> ce qui semblait assez ironique dans un village où c'est la nuit que tout semblait se passer. Qu'elle soit d'accord ou pas, il fallait s'en faire à l'évidence, il fallait qu'elle prenne son mal en patience et attendre le lendemain pour mieux en discuter. La réunion reportée, grand père se leva et se dirigea dans sa chambre, de là-bas il sortit avec un blouson et une lampe torche. Il avait décidé de se rendre au malheur pour avoir plus d'informations, la fraîcheur était vraiment très forte et c'était normal car quelques minutes après, alors qu'il était devant la porte une pluie se mit brusquement à tomber.

Mezui: oooooh là-là! Ah mui, excuse moi, je sais que tu es fatigué mais il pleut, accompagne moi en haut là-bas. Tu sais que ton vieux papi n'a plus les yeux.

Moi: d'accord, c'est pas un problème, donne moi j'utilise du temps pour me prendre un blouson aussi.

Sylvie : quand vous partez là faut faire attention à vous, que dis-je même, Warren fais attention à toi là-bas y'en a qui se connaissent entre eux.

      Maman était clairement entrain de lancer un pic à son père, mais il n'en fit pas cas. Dans la voiture, il ne faisait que rire du comportement de maman la qualifiant de lionne. Le trajet n'étant pas long, nous étions déjà arrivé mais une chose me surprenait, le sol était sec dans la zone du village qui était en malheur. Comme d'habitude, les hommes étaient assis au corps de garde entrain de discuter et rire aux éclats. On pouvait croire en les voyant que rien ne s'était passé de tragique dans le village mais en les écoutant mieux je me rendis compte qu'ils se remémoraient les bon souvenir avec le défunt. Les femmes quant à elles sont reconnues comme des pleureuses professionnelles, des fois même capable de voler la vedette aux victimes en particulier quand y'a une veuve. Le plus important était désormais de savoir qui était celui-là qui venait de nous quitter, le corps bien évidemment avait déjà été envoyé en ville afin d'être traité à la morgue, fallait donc se rapprocher des gens pour savoir. Grand père et moi avions donc pris la direction du corps de garde et bien évidemment notre entrée ouvrit la porte au silence total.

Mezui: mbolani!! ( Bonsoir à tous)

Eux: ambolo éh! (Salutations)

Moi: bonsoir à tous !

Eux: ah pardon, tu nous fatigues avec le français pourquoi ? Tu ne sais pas parler ta langue ? Quand tu es au village faut parler en langue.

Moi: d'accord, désolé !

Mezui: tes grands pères t'embêtent, mais il faut écouter hein, pourtant tu sais parler la langue. Me dit-il tout en souriant. Puis il s'adressa à eux. Ndzi bô va? (Que s'est-il passé ici ?)

Nguema: Aka, za val nsili wa sili va ? Ye w'ayem ne Jean à ne mwouane? (Quel genre de question tu nous poses la ? Ne sais-tu pas que Jean est mort ce matin ?)

Mezui: aaaaakié! Ndzi bô gne? (Que s'est-il passé ?)

      C'est donc Jean qui est mort, Jean était le vieil homme qui poussait des cris après chaque coup de fusil de grand père. Selon les dires des vieux, il avait été retrouvé brûlé sous son lit et les deux mains tenant sa gorge comme s'il étouffait bien avant. Lorsqu'il avait été retrouvé il semblait encore en vie mais il brûlait et se débattait tout seul, pourtant il n'y avait rien pour justifier les brûlures. Que faisait-il sous le lit d'abord ? Cette question ne pouvait avoir de réponse que si lui-même venait nous le dire. Après plus de deux heures à discuter entre hommes, grand père décida qu'on rentre, alors il alla dire aurevoir aux pleureuses à la cuisine. Là-bas se trouvait aussi sa femme qui décida de rentrer avec nous. C'était la première fois qu'elle allait monter dans mon véhicule alors il ne fallait pas que ça dure, alors c'est à plus de cent kilomètres heures je je conduis dans le village faisant à peine trente secondes pour arriver à la maison.

Geneviève : éh mon mari, nous sommes déjà arrivé ? Conduis plus prudemment, de cette façon là tu es très exposé aux accidents. Regarde, ma perruque est même tombée.

Moi: désolé, c'est la fatigue.

      Arrivé au salon, il n'y avait personne, j'avais même l'impression que c'était le model quand j'étais là car ils avaient tout manger. Je pris donc la direction de la chambre pour enfin avoir du repos quand je me rendis compte que le repos n'était pas pour moi dans ce village. Une chose comme une pierre retentit sur le toit, puis une deuxième, une troisième avant d'en avoir toute une rafale me mettant hors de moi.

Moi: mais bon sang! C'est quoi ce village où on ne peut pas avoir la paix un seul instant ?

A suivre...


DE RETOUR AU VILLAGEWhere stories live. Discover now