Chapitre 11

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Une vague de panique déferla sur Nico, lui coupant brièvement la respiration. Le souffle court, il s'appuya sur la porte, le cœur tambourinant si fort contre ses côtes qu'il crut, l'espace d'un instant, que ces dernières allaient se briser. Il ne pouvait pas le voir, pas dans cet état, pas aujourd'hui, c'était un jour de misère, il ne pouvait pas teinter l'aura solaire de Will de tant de tristesse.

Un nouveau message lui fit relever la tête. Will était toujours derrière la porte, lui demandant de lui ouvrir. Nico réfléchit vite. Il avait dû l'entendre, il ne pouvait donc pas prétendre qu'il n'était pas là. Pourtant, il n'avait pas la force de le laisser entrer, pas la force de parler à quelqu'un, de prétendre que tout allait bien. Il fut donc très surpris lorsqu'il remarqua qu'il avait déjà la main sur la poignée, enclenchant le mécanisme.

En voyant le visage de Will qui lui souriait, il compris ce que son corps avait compris avant lui, et pourquoi il avait, par réflexe, ouvert la porte. Simplement en voyant la tignasse ébouriffée du jeune blond, Nico se sentait comme apaisé, envahi par une vague de sérénité et de sécurité. C'est ça. C'est le sentiment d'avoir trouvé un refuge au milieu de la tempête, une ancre qui lui permet de ne pas se laisser emporter, un phare au cœur des ténèbres.

Le noiraud s'efface pour le laisser passer, et Will hausse un sourcil face au chaos qui hante son appartement.

— Il y a eu la troisième guerre mondiale, ici ?

— J'ai pas eu le courage de ranger, ajoute Nico avec un sourire las.

Le jeune infirmier fait volte-face vers lui, et son air taquin s'évanouit alors qu'il croise le regard de Nico. Ses sourcils se froncent en une expression plus inquiète, et sa main vient caresser délicatement sa joue pâle, effleurant au passage une mèche sombre. Nico sait qu'il ne doit pas avoir fière allure, encore en pyjama, les cheveux en bataille, le teint plus blanc que la mort et des cernes violettes.

— C'est pas un bon jour, aujourd'hui, trouve-t-il la force de murmurer.

Il se souviendra toujours de l'expression peinée qu'il surprend sur le visage de son copain. Son cœur se serre, il n'aurait jamais cru pouvoir être celui qui causerait un tel chamboulement à celui qu'il aimait. Il sentit la culpabilité étendre ses doigts glacials sur son cœur, menaçant de le faire chavirer, sensation terrifiante qui fut rapidement chassée lorsque Will le prit dans ses bras.

La chaleur de son corps ramena Nico dans le présent, la sensation physique, tangible de sa présence lui permettant de ne pas perdre totalement pied. Le blond agrippa les épaules du plus petit et le serra de toutes ses forces contre lui, si fort que ce dernier envisagea un instant avoir senti une de ses côtes craquer. Il passa une main dans ses cheveux, l'autorisant à enfouir sa tête contre lui. Nico s'abandonna doucement au réconfort de l'étreinte et, même s'il n'était pas un grand adepte du contact physique, il dut bien avouer que sentir la présence de Will lui faisait du bien.

— Je suis là, souffla ce dernier. Je serais toujours là, quoi qu'il arrive.

Nico attrapa sa taille, ne souhaitant plus s'éloigner de lui. Si Will partait, il ne pourrait plus respirer, il ne pourrait plus penser, plus rien faire, ne resteraient plus que la peur et la douleur. Il y a quelque chose d'effrayant à se savoir tant dépendant de quelqu'un, nécessiteux de sa présence pour aller mieux. Mais Will l'aidait, c'était un fait indéniable. Il était là, il était vraiment là, maintenant, contre lui, avec lui, chassant les cauchemars et la spirale du passé, irradiant d'une telle bonté que Nico ne pouvait que se dire que tout allait bien se passer.

— Merci, tesoro.

Il ne parlait italien que lorsque l'émotion ne lui permettait plus de distinguer la barrière linguistique, qu'il était trop troublé pour remarquer qu'il parlait une autre langue.

— Tu veux que je reste ?

Il hocha la tête. Soudainement la solitude lui paraissait même plus être une option. Il ne voulait pas le laisser partir, comme s'il avait peur de ne jamais le voir revenir, de le voir disparaître comme tous les autres avant lui. Il ne se sentait pas capable d'affronter le silence accusateur de son appartement presque vide. Il ne voulait pas se laisser absorber une nouvelle fois dans un gouffre sans fond, un enfer qu'il devrait traverser seul. Il savait qu'il laisserait de nouvelles parties de lui-même derrière s'il essayait.

Il releva le menton, plantant son regard dans les yeux azur de celui qu'il aimait. Quelle chance il avait de l'avoir à ses côtés, avec lui, juste pour lui. Will était une personne extraordinaire, et Nico voulait devenir quelqu'un de meilleur, à sa hauteur, qu'il pourrait regarder chaque jour avec fierté et se dire qu'il le méritait. Aimer aussi fort lui faisait peur, étant donné que le malheur ponctuait ses journées. Il avait déjà tant souffert qu'il s'attendait à souffrir, encore et encore, mais il faisait confiance à Will, une confiance aveugle dont il s'était montré digne.

Will posa sa main sur sa joue, plus doucement, et lui sourit. Le cœur de Nico se réchauffa. Les mots étaient incapable de retranscrire l'émotion qui flottait entre eux, la connaissance d'avoir trouvé la bonne personne, celui qui est là, qui sera toujours là, ne serait-ce que dans le cœur, une partie de l'âme, quelqu'un qui ne peut plus être un autre car il est devenu le soi.

Ils s'embrassèrent, comme ils s'étaient déjà embrassés et comme ils s'embrasseraient encore. Ils s'embrassèrent comme s'ils étaient seuls au monde, mais qu'être deux était déjà trop, qu'ils ne voulaient plus faire qu'un.  Ils s'embrassèrent, leurs lèvres scellant leur amour, scellant les mots qu'ils n'avaient pas besoin de se dire.

Nico parvint seulement à se dire que, finalement, tout allait bien se passer. Après tout, ils étaient ensemble, et rien ne pouvait leur arriver.

Fight me [Terminé]Where stories live. Discover now