Chapitre 5

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Nico ne supportait plus l'hôpital. Il venait de passer les trois derniers jours collés à son lit, ne se levant que pour aller aux toilettes ou pour prendre une rapide douche. Les couinements incessants des machines lui donnaient de splendides migraines, que même le  sommeil n'arrivait pas à combattre. Même s'il détestait l'admettre, il se sentait mieux qu'à son arrivée. 

Pourtant, son infirmier ne semblait toujours pas décidé à le laisser sortir. Chaque soir, Nico lui demandait quand il allait pouvoir reprendre une vie normale, et Will lui répondait chaque soir qu'il n'était pas encore assez en forme pour ça. Ça faisait enrager le jeune homme.

Alors qu'il se retournait dans son lit en soupirant, il jeta un coup d'œil par la fenêtre. Il avait oublié de fermer les stores, et la lumière artificielle se déversait sur le sol. Après un instant d'hésitation, il grogna et se leva pour aller les fermer.

Le jeune italien vacillait, ses pas encore peu assurés. Se savoir aussi faible l'agaçait. Avant ce satané malaise, il se portait (plus ou moins) comme un charme, et maintenant il menaçait de tomber au moindre coup de vent. Malgré le fait que des étoiles lui semblèrent danser en périphérie de sa vision, il tint bon, et se raccrocha à la poignée de la fenêtre.

Puisqu'il avait fait tout ce chemin, autant que ça serve à quelque chose ! Il ouvrit donc les battants de la fenêtre et s'y accouda, appréciant la caresse du vent sur son visage. Malgré la lumière des réverbères qui agressait ses yeux, il gardait la tête levée vers le ciel.

Quelques nuages paresseux s'y traînaient, masquant le regard glacé de la lune par intermittence. Les étoiles scintillaient, et certaines d'entre elles bougeaient — Nico réalisa avec un peu de honte qu'il devait s'agir d'avions ou de satellites. Dehors, la rue était calme et aucune voiture ne passait, ce qui rendait inutile l'usage d'électricité les rues désertes. Le silence était seulement troublé par le murmure du vent au loin.

Oubliées, les machines qui traçaient tout de son état physique. Oubliée, l'anémie qui le rongeait depuis si longtemps. Oubliés, les problèmes familiaux, ses cousins trop gentils avec lui. Le calme l'apaisait, lui permettait de se sentir enfin seul et d'oublier le tumulte de la douleur qui faisait rage au fond de lui. Oubliée, la noirceur qui le gagnait petit à petit. Ne restait que la paix.

Pourtant, malgré la douceur de cette sensation, une lueur d'amertume brillait toujours au fond de ses prunelles sombres. Le regard levé vers les étoiles, il leur adressa une question muette. Maman, Bianca, si vous m'entendez, faites moi un signe.

Seul le silence lui répondit. Nico soupira. Evidemment. Malgré ce que tous disaient, il n'existait pas de vie après la mort, et ses proches défunts ne pouvaient pas lui répondre. Qu'il était idiot d'y avoir cru, ne serait-ce que pendant une seconde. Toute sensation de paix oubliée, il ferma les stores avec un claquement sec et retourna se coucher.

Au moment même où il allait se glisser sous les draps, la porte de sa chambre s'ouvrit. Nico, habitué aux entrées de son infirmier, se contenta d'un signe de la main et retourna aux chaud sous les draps. Il n'était pas frileux, mais il ne faisait quand même pas bien chaud dehors. 

— Tu dors pas ?

— Je suis un vampire.

— Ça marche pas, sinon t'aurais un peu plus de fer et tu serais pas là.

— Roh ça va hein, monsieur l'infirmier.

— Je fais juste mon travail, conclut-il avec un clin d'œil.

Nico eut un petit rire mi-moqueur mi-amusé, et ferma ses yeux un instant. Ses paupières lui brûlaient.

— Est-ce que ça va ?

Nico ouvrit un œil. Le ton de Will était doux, presque précautionneux, et il paraissait inquiet.

— Oui oui, répondit-il avec un sourire crispé. Je sais pas, ajouta-t-il après un instant de silence.  Pas vraiment.

— Est-ce que tu veux en parler ?

— Y'a rien à dire, murmura-t-il en haussant les épaules.

— Si tu veux, je peux rester un peu avec toi, pendant un moment.

Nico hésita. Il était fatigué, si fatigué de fuir sans arrêt, de cette douleur qui le dévorait depuis si longtemps et qui ne semblait pas s'arrêter, de cet horrible isolement qui le tenait entre ses mâchoires cruelles. Il observa Will, son doux sourire un peu endormi, et la chaleur qui semblait émaner de lui. Si quelqu'un pouvait chasser les ténèbres de son cœur, c'était bien lui.

Le brun se décala un peu, et le blond s'assit à côté de lui. Ses jambes pendaient dans le vide, mais son dos était contre le bras de Nico, qui se détendit à ce contact. Ce soir, il avait besoin de compagnie. Will lui sourit, et Nico esquissa un semblant de grimace joyeuse en réponse.

Oubliée, l'amertume.

Fight me [Terminé]Where stories live. Discover now