Chapitre 8

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Nerveusement, les doigts de Nico tapotaient la table en bois, pris dans une course aussi effrénée que le pouls du jeune homme. Sa jambe tressautait sans qu'il ne puisse l'en empêcher. Malgré l'air détaché qu'il tentait d'adopter, il était évident qu'il était très tendu.

Aujourd'hui avait lieu son premier rendez-vous avec Will. Après sa sortie de l'hôpital une semaine auparavant, ils avaient échangé de nombreux messages, apprenant à respectivement mieux se connaître. C'était Will qui avait finalement fait le premier pas, et Nico avait accepté cette sortie sur un coup de tête. Maintenant, il regrettait.

Avec du recul, il ne savait pas ce qu'il lui avait pris. Être aussi impulsif ne lui ressemblait pas. Bien sûr, Will lui plaisait. Il était incroyablement mignon, gentil, et Nico aimait discuter avec lui. En fait, lorsqu'ils parlaient, même par messages, Nico se sentait enfin compris. Comme à sa place, comme si enfin il n'était plus seul. Il se sentait important. 

Forcément, son cœur s'était emballé lorsqu'il avait lu le message de Will lui proposant de se retrouver au Odysseus Coffe proche de l'hôpital. Même s'il espérait que quelque chose de ce type se passe, non seulement il ne l'aurait jamais tenté, mais surtout il ne s'y était pas attendu. Comment quelqu'un d'aussi radieux que le blond pouvait apprécier la noirceur émanant de lui ? Après y avoir passé plusieurs nuits à y réfléchir, il n'avait toujours pas trouvé de réponse satisfaisante. 

Assis dans un coin du café, il ne pouvait s'empêcher de s'imaginer le pire. Certes, il était arrivé avec dix minutes d'avance, mais tout de même. Peut-être que quelque chose était arrivé à Will, peut-être qu'il avait été retenu à l'hôpital, peut-être qu'il avait eu un accident en venant, peut-être qu'il avait choisi de ne pas venir sans rien lui en dire, peut-être qu'il avait tout simplement oublié.

Tentant vainement de se distraire, il consulta l'écran de son téléphone portable. Pas de nouveau message. Il n'avait pas non plus reçu de réponse après que, quelques minutes auparavant, il ait demandé à son ami où il était passé. Une vague bouffée de colère lui étreint le cœur, qu'il s'efforça aussitôt d'étouffer. Will ne l'avait même pas prévenu de son retard. Avec un soupir, Nico passa le petit appareil en veille.

Le bruit de la porte du café rebondissant contre le mur le fit sursauter, le tirant de ses pensées sombres. Le murmure des conversations se tut alors que tous les regards convergeaient vers celui qui venait de faire irruption aussi brutalement. C'était Will. Échevelé, essoufflé, rouge comme une tomate, mais c'était bel et bien lui. Les yeux plissés, il parcourait l'assemblée du regard. Lorsqu'il aperçut Nico, il lui adressa un sourire lumineux. C'est pour ça que j'ai accepté, se souvint-il. 

Le jeune infirmier vint s'asseoir en face de Nico, qui se redressa, essayant de dissimuler son soulagement et sa joie de le voir.

— Désolé, souffla-t-il. J'ai été retenu à l'hôpital, et après il y avait plus de queue que ce que je ne pensait. 

— De la queue où ? L'hôpital est juste en face.

Will rougit brusquement — et ce n'était certainement pas à cause des quelques regards qui dérivaient encore sur eux — et s'agita sur sa chaise. Intrigué, Nico leva un sourcil.

— C'est embarrassant...   

— Je t'écoute alors, s'amusa Nico, appuyé sur le dossier de sa chaise les bras croisés.

Si c'était encore possible, le visage de Will prit encore plus de couleur, s'étendant même jusqu'à ses oreilles et sa nuque.

— Je... En fait, de base, je voulais te rapporter des fleurs, mais je devais pas être le seul à avoir eu cette idée.

— Oh.

Nico, soudainement, prit quelques teintes de rouges lui aussi, ce qui se voyait très nettement sur son visage toujours aussi pâle. Il toussota brièvement pour tenter d'attirer l'attention du blond ailleurs que sur son visage, et se saisit du menu, prétendument absorbé par son contenu.

— Je t'ai pris ça du coup à la place.

Surpris, il leva son visage pour voir que Will farfouillait dans les poches de sa veste. Triomphal, il en tira un petit objet, qu'il déposa sur la table devant lui. C'était un petit porte-clé horriblement kitsch, de ceux qui s'achetaient dans les boutiques de souvenirs pour touristes. Il représentait une photo de la Statue de la Liberté dans une breloque en forme de pomme, devant laquelle posait une femme très légèrement vêtue. Dubitatif, le noiraud regarda à nouveau l'infirmier.

— Tu sais que je vis déjà à New-York, et que je peux voir la Statue de la Liberté si je veux. Et que je n'aime pas les femmes.

Encore plus rouge, Will tenta de se justifier.

— J'avoue, j'ai paniqué ! Mon plan que j'avais bien préparé venait de tomber à l'eau, et en plus de ça j'avais déjà cinq minutes de retard. J'ai pris le premier truc que j'ai trouvé sans regarder, je l'ai acheté, et je suis parti en courant. S'il te plaît, épargne-moi et oublie que j'aie jamais fait un truc aussi stupide.

Nico rit doucement, glissant le porte-clé dans une des poches de sa lourde veste de cuir.

— Tu sais quoi ? Je vais le garder exprès. Je vais le regarder tous les jours, et te rappeler à chaque fois que tu as cru, le jour de notre premier rendez-vous, que j'étais hétéro.

Will cligna des paupières, une fois, deux fois, puis éclata de rire. Sa joie étant communicative, Nico finit par rire à son tour. Au bout d'une minute à peine, le calme revint, et Will se saisit de la carte, sous le regard noir de la serveuse. 

— On devrait commander, avant que le Cerbère là-bas ne nous chasse à coups de balais.

Fight me [Terminé]Where stories live. Discover now