Chapitre 12

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Nico jouait avec sa nourriture du bout de sa fourchette sans réussir à en avaler une seule bouchée. Il n'avait pas faim, encore une fois. Aussi appétissante que soit la purée de patates douces en face de lui, il savait qu'elle aurait un goût de cendre dans sa bouche. Le fait qu'il soit coincé dans un repas de famille depuis plus d'une heure y était certainement pour quelque chose.

En face de lui se trouvait son cousin, Jason. Il parlait avec un sourire plus ou moins forcé sur le visage avec son père, Zach Thunderbolt, qui s'occupait d'une grande entreprise de renommée internationale. Ils se trouvaient tous au restaurant de l'Empire State Building, que les Trois Grands avaient réservé pour l'occasion. A côté de Jason se trouvait Percy, qui tenait la main de sa petite amie, Annabeth. Ils parlaient ensemble, souriant, semblant presque dans leur propre monde alors qu'ils échangeaient — des piques, des plaisanteries, des mots doux ? Nico se sentait comme un intrus dans sa propre famille, son cœur se serrant dès qu'il voyait le joyeux couple devant lui.

Sa sœur, Hazel, avait eu la chance d'échapper à ce dîner. Elle avait prétexté un examen très important le lendemain, mais Nico savait qu'elle comptait passer une soirée en amoureux avec son copain, Frank. Le jeune homme était heureux pour elle, l'asiatique traitait sa sœur comme la reine qu'elle était, mais il aurait aimé avoir une alliée pour le supporter dans cet interminable supplice.

Avec un soupir, il jeta un coup d'œil discret à l'écran de son téléphone, qui restait obstinément éteint. Il avait envoyé un appel à l'aide à Will, pour qu'il puisse continuer à lui parler un minimum, mais celui-ci n'avait pas répondu, ne faisant qu'augmenter l'angoisse du jeune italien.

— Nico ! Et toi, comment ça se passe ? questionna le père de Percy, Peter. Les études, côté cœur ?

Il se tendit imperceptiblement. Il déglutit, tentant de faire passer sa brusque nausée. Il détestait ce genre de questions bateaux, existant pour embêter les gens qui n'aimaient pas parler dans son genre, au lieu de le laisser tranquille dans son coin. Pourtant, s'il voulait faire bonne impression, il devait y répondre.

—  Ca va. Je bosse mon master, ça me prend du temps, mais ça m'intéresse. J'ai un copain, Will, on se voit assez souvent donc c'est bien.

— Tu nous le présentera ?

Il se retint de lever les yeux au ciel à la question de Percy. Il faisait de son mieux pour s'intéresser à lui et, même si Nico appréciait l'effort, il ne voulait pas répondre à toutes ces questions.

— Si vous voulez. Il est assez pris par son boulot.

— Il fait quoi ? s'enquit son propre père, Hadrian. 

C'était quelque chose dont ils ne parlaient pas souvent, ne se trouvant pas assez proche pour aborder des sujets si personnels.

— Il est en formation pour devenir infirmier, dans l'hôpital de son père.

Il s'agissait du grand chirurgien de renom, Alexander Solace, parfois surnommé Apollon tant son talent (et son charme) faisaient écho au célèbre dieu grec. En face de lui, Hadrian eut un petit sourire appréciatif.

— Quand même, histoire que mon fils sorte avec quelqu'un de bien.

Nico avala une bouchée de son plat afin de ravaler la réplique qui brûlait de dépasser ses lèvres. Son père essayait toujours de jouer les parents bien intentionnés et présents dans la vie de son fils, feignant de s'intéresser à lui. La petite voix interne débordante de cynisme du jeune homme lui soufflait qu'il s'agissait plutôt de politesse, de sa culpabilité de l'avoir abandonné tout ce temps qui tentait de se faire oublier.

Tous les mêmes.

— Excusez-moi, je reviens.

Ses mains commençaient à trembler. Son estomac se serra. Il allait être malade. S'il restait une seconde de plus au milieu de leurs sourires et de l'ambiance de famille prétendument parfaite, il allait vomir le peu qu'il avait réussi à avaler. Il devait sortir de là.

Il rangea soigneusement sa chaise derrière lui, avant de prendre calmement la direction des toilettes. Il ne fallait pas qu'ils devinent l'urgence. Pourtant, une fois la porte du cabinet refermée derrière lui, il s'effondra au sol, soulagé. Enfin, il pouvait respirer. Il n'en pouvait plus, il ne les supportait plus. Autant qu'ils essaient de faire des efforts, c'était raté. Cette ambiance tendue, comme la peau fragile d'un tambourin et qui menaçait de se déchirer au moindre coup, c'était trop pour lui. 

La vibration de son téléphone le tira de ses pensées. Il essuya rapidement les gouttes de sueur qui coulaient sur son front pour regarder qui lui écrivait.

de : Sunshine
désolé de pas avoir répondu, je bossais
comment ça se passe ?

de : death itself

mal
je les supporte plus

de : Sunshine 
...
tu crois que c'est trop tôt pour que je rencontre ta famille ?

Nico sentit ses yeux s'écarquiller et son coeur s'emballer. Il avait peur. Non pas que sa famille n'aime pas Will, c'était tout bonnement impossible. Il ne craignait pas non plus que la rencontre se passe mal, qu'ils aillent trop vite. Non, ce qui l'effrayait, c'était que Will voit sa famille pour qui ils étaient vraiment — des riches qui ne faisaient rien de leurs vies. Il ne voulait pas qu'il l'assimile à eux et à leurs faux-semblants. Et pourtant...

de : death itself
non
they can fight me on that
je t'attends

Il ressorti des toilettes un peu plus rasséréné, prêt à retourner aux requins qui attendaient de le dévorer. Nul doute qu'ils allaient être enchantés.

Fight me [Terminé]Where stories live. Discover now