Chapitre 15

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Nico n'avait pas revu Will depuis leur discussion dans le noir. Le blond avait tenté de le contacter, mais Nico avait évité tout contact avec lui, se sentant chaque fois incroyablement coupable. Le pauvre ne comprenait pas ce qu'il avait fait pour mériter d'être ignoré, mais Nico ne se sentait pas prêt à lui faire face. Il avait toujours été bon pour esquiver - ses sentiments comme ses pairs. C'était devenu plus qu'un mécanisme de défense pour lui, un mode de vie pas très sain.

L'absence de son petit ami lui pesait pourtant bien plus que ce qu'il ne voulait se l'avouer. Il avait l'impression que son cœur avait été fissuré, que quelqu'un lui en avait volé la moitié. Il se sentait incomplet, terriblement seul. Il n'avait plus personne à qui parler, personne qui le comprenait. Personne qui l'aimait.

Mais comment être aimé, si lui-même ne s'appréciait pas ?

Pourtant, il voulait Will. Lui, Nico, jeune homme qui avait passé toute sa vie à s'isoler et à se créer un cocon de silence, voulait quelqu'un. Il voulait être avec lui, lui parler, le serrer dans ses bras, l'embrasser, lui sourire, entendre son rire. Il voulait combler ce vide laissé par l'absence de Will. Pour la première fois, l'enfant sans cœur et sans désirs ressentait.

C'était pour cela qu'il se tenait dans le hall de l'hôpital où Will travaillait, pataud et gauche, un bouquet de fleurs entre les mains. Il n'osait croiser le regard de personne, attendant de voir passer un certain infirmier aux mèches blondes et au sourire solaire. Alors qu'il se rappelait du visage chaleureux et de la présence rassurante de Will, Nico sentit ses entrailles entamer une danse de la joie endiablée. Je suis foutu.

Il patienta dans l'entrée un moment. Il ne se sentait pas à sa place, ici, et tranchait clairement avec son environnement. A vrai dire, les nouveaux arrivants le contournaient en le regardant de travers, comme si son aura ténébreuse apportait la mort avec elle. Par gêne, il faillit un instant sortir pour attendre dehors, avant de se raviser. Il ne voulait pas risquer de rater Will.

Alors qu'il commençait à perdre espoir, Nico aperçut une tête blonde passer dans l'entrée - quelqu'un de la même taille que lui et aux mèches vertes. Il se souvint d'elle comme étant Kayla, celle qui l'avait fait sortir de l'hôpital. Son visage s'illumina et il se mit soudain en mouvement, à grandes enjambées, vers la jeune femme.

- Excusez-moi...

Surprise, elle se tourna vers lui, et son regard traîna sur le bouquet qu'il tenait entre les mains.

- Ce n'est pas pour vous, se hâta-t-il de préciser. Je cherche... enfin, je cherche Will.

Ses joues étaient si rouges qu'il les sentait brûler. La jeune femme le dévisagea longuement, méditative, avant de soupirer.

- Si tu peux essayer de le convaincre de faire une pause... Allez, suis-moi. Mais fais vite, j'ai quelque chose à terminer.

Sans même attendre de réponse de sa part, elle se dirigea dans les couloirs vers l'arrière du bâtiment. Elle marchait d'un pas énergique, et Nico dut se frayer un chemin parmi la foule afin de ne pas la perdre de vue. Finalement, elle le conduisit jusque devant une porte, et lui adressa un petit sourire d'encouragement. Nico remarqua finalement les cernes sous ses yeux.

- Bonne chance.

Elle repartit au pas de course dans un nouveau couloir, sans doute pour aider de nouveaux patients. Nico, timide, se tourna face à la porte. Il n'était pas certain de pouvoir affronter ce qui l'attendait derrière. Pris d'un brusque élan de courage, il toqua à la porte avant qu'il ne change d'avis et ne décide de faire demi-tour. Le cœur battant à tout rompre dans sa maigre cage thoracique, Nico attendit une réponse de l'intérieur... réponse qui ne vint pas. Timidement, il entrouvrit la porte.

Will était assis à un bureau, entouré par des piles de papier presque aussi grandes que lui. Il paraissait absorbé par le dossier devant lui, et marmonnait tout seul. Des gobelets de café vides s'amoncelaient dans la poubelle remplie dans un coin de la pièce.

- Will ?

Ce dernier releva la tête, et le coeur de Nico se serra. Son visage était dévasté. De profondes cernes mangeaient ses joues, qui étaient elles-mêmes creusées. Son regard était éteint, et son sourire envolé. Il semblait avoir perdu du poids. Lorsqu'il aperçut Nico, il passa sa main sur son visage et soupira.

- J'en suis au stade des hallucinations...

- Non, je suis vraiment là ! Will, que t'est-t-il arrivé ?

Celui-ci ne répondit pas, se contentant de refermer le dossier devant lui et de faire un geste en direction de Nico, lui signifiant de rentrer. Le jeune italien referma la porte derrière lui, avant de se rappeler du bouquet dans ses mains. Gauche, il le tendit à Will.

- C'est pour toi.

- Autre chose qu'un porte-clé, pas vrai ?

- Je l'ai encore, tu sais.

Will esquissa un sourire fatigué avant d'attraper les fleurs et d'en humer le parfum. Il le posa sur la table avec précautions, avant de se lever et de se planter en face de Nico. Ce dernier pu voir d'encore plus près la misère qui avait fait son nid sur les traits de celui qu'il aimait. Son cœur se brisa un peu plus. En était-il la cause ?

- Je croyais... que tu ne voulais plus de moi, ajouta Will d'une voix brisée.

Nico sursauta.

- Bien sûr que non ! Seulement... Je suis désolé d'avoir disparu. J'allais mal. Je me détestais. Mais toi... Pourquoi est-tu dans cet état ?

- J'ai travaillé, répondit-il, laconique.

- Ça fait combien de temps que tu n'as pas dormi ?

Will ne répondit pas tout de suite, le regard vide.

- Trois jours ? Quatre ? Je ne sais plus.

Nico comprit. Will s'était absorbé dans son travail pour penser à autre chose, pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher, pour combler le vide et la solitude. Hésitant, il leva la main en direction de la joue où commençaient déjà à s'effacer les tâches de rousseur, avant de laisser retomber son bras. Avait-il seulement le droit de le toucher encore, alors qu'il était responsable de son état désastreux ?

Il n'eut pas le temps de réfléchir plus que Will fondait sur lui, l'enserrant dans ses bras. Presque par réflexe, la tête de Nico retrouva sa place familière dans le cou de Will, inspirant son odeur si rassurante. Will enfouit son nez dans la tignasse emmêlée du brun.

Qu'il lui avait manqué.

Fight me [Terminé]Where stories live. Discover now