𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚊𝚝𝚛𝚎

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Bonne lecture !

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Plongées dans l'eau brûlante de son bain, les épaules nues d'Oikawa frissonnaient. Il était accoudé sur un rebord, le menton posé sur le dos de ses mains, et il observait paresseusement la nuit qui apparaissait derrière sa fenêtre ouverte.

Les vitres, de bonne facture, étaient un peu sales à l'extérieur, et l'ouverture large entre les pierres claires laissait passer un courant d'air humide et froid. Les joues rouges dues à la chaleur de l'eau claire, Oikawa ferma les yeux quelques secondes pour en profiter.

Il faisait toujours cela dans ce qui était autrefois son palais. Ouvrir ce qui était possible, refroidir la pièce avec la température de l'extérieur, et noyer son corps pâle aux muscles discrets dans l'eau fumante. Le calme lui permettait toujours de rassembler ses idées, et la fraîcheur le prenait à la gorge pour lui rappeler des choses très simples : il était en vie, il était là, et il avait toujours gagné jusqu'à présent.

La fatigue sous ses yeux le poussa à rester ainsi immobile pendant de longues secondes encore. Depuis presque six jours qu'ils étaient là, pas une fois il n'avait profité d'une nuit sans sueurs froides et réflexions incongrues. Si son visage n'affichait jamais autre chose qu'une sérénité loin d'être acquis, il se refusait à tomber complètement dans l'inquiétude qui ternissait son cœur.

Oikawa Tooru était encore un prince : il le serait toujours.

Et peu importait si un jour quelqu'un décidait qu'il n'était plus utile, il partirait la tête haute.

Soudain, deux coups brefs résonnèrent contre la porte qui menait à sa chambre, et il fit disparaître toute trace sentimentale sur son visage. Il savait que son dos nu, uniquement recouvert en partie par l'eau chaude et parfumée, serait ce qui accueillerait ces femmes si promptes à mettre leur nez dans ses affaires. Il les entendait parfois murmurer devant sa porte, et se contentait de les regarder entrer avec un sourire intéressé.

Cette fois-ci encore, elles n'attendirent pas de réponse : il leur avait demandé de s'annoncer, et elles le faisaient. Le reste de la courtoisie semblait leur passer bien au-dessus de la tête. Sans un mot, elles s'inclinèrent légèrement, comme devant un marchand important ou un récent baron, puis commencèrent à s'activer.

L'une remit de l'eau presque bouillante dans son bain, sous son regard ennuyé. Elle évita de le regarder trop longtemps, mais Oikawa put tout de même voir ses yeux s'attarder quelques instants sur ses jambes nues étalées le long de la baignoire. Une autre rajouta quelques sels aux parfums intéressants, sa voisine posa sur une chaise des vêtements propres et de longs tissus épais pour quand il sortirait : finalement, quand la dernière commença à s'avancer vers la fenêtre, Oikawa se redressa légèrement pour attirer son attention.

Lentement, il secoua la tête de gauche à droite en soufflant du bout des lèvres deux petits claquements de langue.

— Laissez-là ouverte.

— Mais vous allez attraper froid....

Elle haussa les sourcils, puis finit par se reculer.

— Comme vous voulez.

Oikawa la regarda rejoindre les autres, et les fixa tour à tour. Doucement et avec une expression avenante, il pointa du doigt l'une d'entre elles, celle qui avait versé les sels de bain.

— Vous pouvez sortir, dit-il. Toutes, sauf toi.

Même si elle s'efforça de garder un visage neutre, Oikawa sourit intérieurement en la voyant tressaillir. Elles se regardèrent entre elles quelques secondes avant de lui obéir. Quand la porte se referma, les laissant seuls, il s'allongea encore davantage dans l'eau chaude. Posant négligemment sa joue sur ses doigts repliés, Oikawa pencha légèrement la tête.

Il lui offrit même un sourire.

— Vous désiriez....

— À ton avis, le coupa-t-il. Qu'est-ce que je désire ? Que pourrais-je bien vouloir de toi ?

Elle haussa les sourcils, légèrement perdue.

— Je l'ignore, avoua-t-elle et Oikawa put apercevoir la raison pour laquelle elle avait été choisie. Si vous avez une demande, je pourrais en référer à la gouvernante en chef et...

— Tu as un joli visage. Très expressif. On pourrait croire que tu es un livre ouvert, mais ça serait comme tomber dans le piège, n'est-ce pas ?

Distraitement, il regarda les ongles de sa main.

— Tu es une fille intelligente, je n'en doute pas. Parfaite pour ton rôle.

— Mon rôle... ?

Elle affichait une expression vraiment convaincante, entre l'incompréhension et la peur, et cela fit sincèrement sourire Oikawa. Cette sensation dans sa poitrine, celle qui lui faisait prendre tous ces risques : une adrénaline dangereuse, aussi agréable qu'on bon vin sur ses lèvres et sa langue.

— Pas de ça avec moi, petite espionne. Tu te doutes bien que si j'avais voulu te tordre le cou, j'aurais choisi un endroit un peu plus approprié. Et un peu moins de témoins.

Si cette fille disparaissait soudainement, les servantes qu'il avait fait sortir ne manqueraient pas de tout répéter à la première occasion.

— Je pense que vous vous méprenez, je...

— J'ai une requête assez simple. Je veux voir le roi. Alors quand tu lui feras ton rapport, très certainement en sortant de cette pièce, peut-être pendant la nuit, tu lui glisseras mes mots : je veux lui parler, et il ferait bien de m'accorder rapidement une audience.

Au fur et à mesure de ses mots, la jeune fille avait peu à peu laissé couler le masque innocent qu'elle avait refusé de quitter. Finalement, quand Oikawa termina et referma ses lèvres, elle ne fit que le fixer avec attention. Une posture droite et soudain très mature, avec une expression sérieuse et dénuée de toute hésitation.

Elle n'essaya pas de se couvrir une nouvelle fois. Elle ne s'enfuit pas non plus. Avec un soupir résigné, elle se contenta de hocher la tête.

— Les rumeurs étaient donc fondées, laissa-t-elle échapper d'une voix plate.

Oikawa pencha la tête.

— Quelles rumeurs, ma jolie ? Il faudra être plus précise, tu n'imagines pas le nombre de choses qu'on disait à mon sujet.

Et c'était vrai. Oikawa avait toujours eu de nombreuses oreilles un peu partout dans la ville et les châteaux : le pouvoir avait toujours été dans l'information, bien plus que dans la force physique.

— On dit que vous êtes très observateur.

— Effectivement.

— Et que vous êtes bon juge.

— Je ne peux le nier.

Elle soupira à nouveau, puis se pencha en avant. Un peu plus bas qu'il ne l'aurait fallu, au vu de son présent statut.

— Si vous n'avez rien de plus à déclarer, je vais vous laisser.

Avec lassitude, il se laissa choir sur la paroi de la baignoire et la regarda sortir sans un mot de plus. Quand la porte se referma et qu'il fut enfin seul, même lui ne put retenir le sourire qui vint orner ses lèvres humides.

Pour faire fonctionner une montre, il fallait que toutes les parties s'accordent parfaitement. Le premier engrenage de son plan venait de se mettre en marche, et le prince put se détendre en manquant de s'endormir une bonne fois pour toutes dans son bain.

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Ad Vitam Aeternam | UshiOiWhere stories live. Discover now