𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚎𝚙𝚝

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Bonne lecture !

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Au matin, Oikawa Tooru lut pendant près de deux heures sous la lueur de l'aube.

Il s'était levé avec la tête lourde, avait posé ses pieds nus sur la matière douce du tapis à côté de son immense lit, et avait arpenté la pièce quelques instants. Une dizaine de minutes plus tôt, une domestique était entrée discrètement et sans un bruit pour rallumer le feu endormi dans l'âtre, et le prince avait alors ouvert les yeux, tendu sous ses couvertures. Elle n'était restée qu'un court moment, mais une fois la porte refermée il avait tout de même laissé échapper un bref soupir en se retournant pour regarder le beau plafond plein de courbes et de peintures légèrement éclairées par les flammes qui reprenaient dans la cheminée.

Le soleil pas encore levé, Oikawa s'était contenté de s'extirper du lit en s'enroulant dans une robe de chambre, avant de marcher vers les petites étagères presque vides de l'autre côté.

Depuis le début, il n'avait eu de cesse d'ordonner à ce qu'on lui ramène des ouvrages. Sans même attendre d'en terminer un, il attrapait la première femme venue pour lui dire d'aller lui en chercher un nouveau dans une bibliothèque. Il n'avait pas exploré le château, encore prisonnier dans sa belle cage dorée, mais nul doute qu'une fois possible il en profiterait pour retenir chaque chemin, chaque couloir, chaque allée, et chaque passage secret que ce palais voudrait bien lui montrer.

Face à l'étagère, il choisit l'une des six œuvres présentes, puis tourna les talons en direction du fauteuil face à la fenêtre. Il s'installa dedans avec fatigue, posa le livre sur la table, et attrapa une allumette dans un petit paquet en carton pour la gratter : une flamme apparut, il la guida jusqu'à la mèche de la bougie. Une lumière diffuse éclaira son visage.

Il secoua l'allumette, la reposa dans une coupe en verre, puis reprit l'ouvrage pour le feuilleter jusqu'à la bonne page : à partir de là, le temps passa plus vite jusqu'au lever du soleil, et Oikawa s'oublia dans la narration de l'Histoire subjective racontée par un clerc deux cents ans plus tôt.

Le soleil se leva timidement dans la brume. Les servants se mirent au travail dans les jardins, passant le balai en bâillant et coupant les plantes mourantes dans les parterres. Des voix lui parvinrent, mais le prince n'y fit pas attention, lâchant tantôt un ou deux bâillements tout en tournant une page pour continuer sa lecture. Il entendit Iwaizumi se lever dans la pièce d'à côté, mais ce dernier ne le rejoignit pas immédiatement, habitué à ce qu'Oikawa préfère une solitude tranquille au lever du lit. La vie reprit peu à peu son cours dans le palais, et finalement quand une servante entra dans sa chambre, il lui lança un regard pour rencontrer le sien, certainement étonné de le voir déjà debout.

La tête basse, elle ne fit pourtant aucune remarque.

La femme, qui portait une robe noire et assez plate qui lui arrivait aux chevilles, se fit discrète en commençant à arpenter la pièce. C'était une servante, encore une qu'il n'avait jamais vue, et elle se mit à essuyer la poussière déposée sur les meubles en bois de la chambre. Elle fit son lit, avec une lenteur amusante, avant de reprendre son ménage. Aucun mot, aucun souffle plus haut que l'autre : Oikawa garda les yeux posés sur les pages de son livre en faignant de ne lui apporter aucune importance, et la femme tourna autour de lui pendant de longues minutes. Elle remit une bûche dans les flammes, replaça le tapis, et finalement quand elle commença à s'avancer vers la salle d'appoint pour le bain, Oikawa s'exprima d'une voix lente :

— Avez-vous attendu le départ de mon chevalier pour entrer ?

À cette heure-ci, presque tous les matins depuis quatre jours, juste avant de le rejoindre dans sa chambre, Iwaizumi partait à la recherche d'une domestique assez dégourdie pour lui donner l'ordre de ramener un livre. C'était Oikawa qui le lui avait demandé, et il l'avait entendu sortir par sa porte personnelle.

La femme s'arrêta à mi-chemin. Le prince ne la regarda pas.

— Je ne...

Il claqua son livre en le refermant, et se tourna vers elle. Les jambes croisées, vêtu de cette robe de chambre qui lui tombait sur les épaules, Oikawa pencha légèrement la tête.

— Vous avez toutes la même expression, ma jolie. Un coup d'œil me suffit pour vous remarquer.

Il lui fit un sourire poli, tandis que la femme se fit un peu plus droite. Elle avait un visage assez jeune, passe-partout : des cheveux châtains attachés dans son cou et des yeux sombres assez étroits. Vu ainsi directement, en prenant le soin d'étudier ses traits, ce fut encore plus marquant.

— Oui, apprécia-t-il. Celle-ci. Vous lui êtes toutes si fidèles, si dévouées.... c'est une bonne chose, ne vous méprenez pas. Seulement voilà : vous ne pouvez pas cacher ça. Vous apparaissez devant moi avec une marque dans les yeux, aussi évidente qu'une croix rouge sur le front.

Il soupira, et fit un geste désinvolte du poignet dans sa direction.

— Cessez ces manières. Si votre roi à un message à me faire passer, vous n'avez pas besoin de fouiller ma chambre aussi grossièrement pour me le faire passer.

Oikawa laissa retomber ses mains sur ses genoux.

— Je vous écoute.

Le masque de la jeune femme craquela petit à petit. Son expression hésitante partit dans un soupir, et elle carra ses épaules en redressant son menton. Tout d'un coup, elle parut plus âgée et Oikawa sourit de plus belle.

— Mon roi a un message pour vous, dit-elle comme si ne rien n'était. Il vous informe que vous êtes désormais autorisé à sortir hors de votre chambre. Vous pourrez prendre vos repas dans la salle à manger de l'aile ouest si vous le désirez, et vous promener dans les jardins. Certaines parties vous sont encore interdites, et des gardes vous surveilleront dans vos déplacements.

Elle attendit sagement une réponse, des remerciements certainement. Le roi lui avait sûrement demandé de lui faire un rapport après cela.

Oikawa répéta :

— J'ai l'autorisation de sortir ?

— Oui.

— Si je veux visiter les jardins et les terrains des gardes et des chevaliers, j'en ai le droit ?

— Oui...

Elle avait plissé les yeux. Le prince soupira avec amusement :

— Eh bien, comme c'est attentionné. Je ne vais pas vous mentir, encore un peu et je me défenestrais.

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Ad Vitam Aeternam | UshiOiWhere stories live. Discover now