Chapitre XVIII

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*Et les oranges pressées*

Les petites choses avaient repris leur importance. Les jolies tasses, les pinces à linge, le journal papier, la poussière à chasser des étagères, la couture et la broderie. Elle avait tout mis en place, elle s'était retrouvée, et elle attendait. Sagement, elle attendait. Anxieusement aussi. L'idée que les Avengers avaient échoués et qu'ils avaient disparus sans que personne ne puisse le savoir lui traversait parfois la tête. Mais elle chassait cette idée, elle devait croire en Tony, elle croyait en lui. Et cette lettre, cette lettre qu'elle avait reçu, l'inquiètait un peu.

Les mains dans l'évier, elle tournait le dos à la lettre de Tony qu'elle venait de recevoir et qu'elle avait déposé sur le canapé. Elle l'avait lu et relu, elle avait pleuré un peu, d'émotion, c'était une belle lettre, mais aussi d'espoir et de peur.

Les mains dans l'évier, elle regardait par la fenêtre, la tête dans les nuages, elle attendait toujours.

- Hé ! Hé !

Des cris venant de la rue attirèrent son attention. Une petite foule était apparue, perdue, déboussolée. Et alors des gens sortirent de leur immeuble pour se jeter au cou de ceux qui étaient perdus.

Ode lâcha l'assiette qui se brisa sur le sol. Elle comprit. Il avait réussit. Il avait ramené tout le monde. Il l'avait ramené lui.

Elle enfila ses chaussures à toute vitesse sans prendre le temps de fermer la porte. Le grand air et les exclamations de joie s'entremêlaient au chaos, tout allait si vite dans sa tête. Elle courut, encore et encore, le cœur battant, battant comme jamais, vivante comme jamais. Parmi la foule elle bousculait aveuglément, les yeux mouillés d'espoir, la poitrine qui allait explosé, vivante, terriblement vivante.

Elle deboula sur la rue où son fils avait tenu sa main pour la dernière fois, avant la poussière. Et elle le vit au loin, petit, perdu. Ses cheveux frisés. Elle fonça sur lui et se mit à genoux pour le prendre dans ses bras, complètement bouleversée.

- Maman ?

Son cœur sotta un battement quand elle entendit sa voix. Comment avait-elle fait pour vivre sans l'entendre ? Comment avait-elle pu l'oublier ? La voix, sa petite voix, ça l'a fit éclater en sanglots. Il était là.

- Pourquoi tu pleures ?

Elle prit son visage entre ses mains pour l'admirer. Pour voir ses yeux clignés. Pour voir sa bouche s'ouvrir, son front se plissé, ses cheveux ondulés au vent.

-Tu es là. Tu es vraiment là. Alban. Mon garçon. Il a réussi. Mon Dieu il a réussi.

Elle le couvra de baisers et le serra trop fort dans ses bras, dans une foule qui vit leurs fantômes reprendre vie. Elle resta là avec lui un moment, ayant peur qu'il disparaisse si elle clignait des yeux. Comme lorsqu'il avait disparu. Elle lui promis de ne plus jamais cligner des yeux, elle serra dans la sienne la petite main qui s'était transformé en poussière il y a des années.

Mais il ne disparut pas, même quand elle le lâcha pour le laisser jouer dans sa chambre.

La lettre de Tony resta sur le canapé, comme si elle marquait sa place à lui. Dans les tartines au beur qu'elle préparait les matins suivant avec amour, il y en avait toujours une de trop, pour Tony.

C'était le chaos heureux partout, il y avait trop de choses à dire, à faire, à penser, pour que le présentatrice du JT télévisé s'attarde sur le sort de Tony. Partout on fêtait les Avengers, comme des dieux mortels, mais on ne disait rien sur après, sur leur sort, sur celui de Tony. Il y a trop de vie pour parler de la mort, commença t-elle à penser. Elle relisait sans cesse la lettre de Tony, son fils sur ses genoux.

 Ode Aux Ascenseurs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant