Chapitre VIII

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*L'indulgence des photographies*

Il cherchait un signe, un secret, n'importe quoi, sur la façade beige de l'immeuble du Bronx. Quelque chose qui aurait pu lui dire, lui crier "hé, c'est ici qu'habite Ode" mais l'immeuble était affreusement banal. Il eu un sentiment étrange, en comprenant que rien n'aurait pu lui indiquer qu'une telle femme habitait ici. Elle habitait dans un des ces immeubles qu'on ne regarde plus, qui n'existe pas plus pour les autres, si banals. Ceux qu'on oublie.

Il ressentit quelque chose d'étrange, parce qu'Ode venait de ces endroits effacés, d'une banalité qui n'intéresse personne, et qu'elle, elle était si rayonnante. Et c'était comme s'il redécouvrait un monde, ce monde, qui pouvait tant apporté, qui lui avait apporté Ode, qui était composé d'êtres humains. Ce monde si inintéressant, pas assez pauvre pour être digne d'intérêt, pas assez riche non plus, qui se fondait simplement dans le décor, comme s'il avait toujours été et serait toujours là. Ce monde regroupé dans des immeubles qu'un architecte raté avait décidé de peindre en beige, en blanc, surtout pas de couleurs vives, non, ils ne devaient pas se faire remarquer. Ils devaient s'accorder avec le ciel, qu'il pleuve ou qu'il rayonne. Des immeubles inintéressants pour des gens inintéressants.

Alors qu'elle composait le code de l'entrée de l'immeuble, Tony était dans cet état étrange, la tête en l'air, regardant la façade.

- Vous venez ? demanda Ode avec un petit sourire moqueur.

Elle tenait la porte d'entrée et Tony s'empressa de la rejoindre. Il était un peu gêné d'avoir oublié ce monde d'où venait Ode, presque coupable. Il était sûr que si cet immeuble était juste devant sa tour, il ne l'aurait pas remarqué. Ode collait paradoxalement au décor, elle escaladait machinalement les escaliers, longeait les couloirs propres et mauves, ne prêtait pas attention aux détails que Tony remarquait. Comme le fait qu'Ode entra dans son appartement sans avoir eu besoin de clés.

- Vous n'avez pas de verrou sur votre porte ?

Ce n'était pas un immeuble pauvre, il était toujours bien entretenu, la porte d'Ode était elle, plus abîmée que les autres.

- On me l'a cassé.

Elle s'enfonça dans la lumière de l'appartement. Lorsqu'il traversa le pallier, Tony fut frappé par l'état de l'appartement. Oh, il aurait pu être tellement douillet, et il l'avait été autrefois, mais ce n'était plus le cas. Certains meubles de bon goût étaient renversés, les tiroirs vidés, des éclats sur le mur et du verre sur le sol. Ode avançait en dansant, comme si elle savait précisément où était chaque bout de verre.

- Quelqu'un a fait tout ça. Je me suis fait cambriolée, il y a quelque temps. Ça ne devrait pas vous gêner, après tout, c'était comme ça chez vous avant que j'arrive.

Alors que Tony la regardait d'un air effaré, elle lui sourit en le chariant un peu.

- Je vais prendre une douche, faîtes comme chez vous !

Il entendit une porte claquée puis le bruit de l'eau. S'il avait été moins attentif au décor et plus à Ode, il aurait pu voir la détresse étrange sur son visage qu'elle essayait de cacher en fuyant dans la salle de bain. Il scruta chaque recoin du salon, presque comme si c'était un sacré saccagé. Le canapé en faux cuir était griffé. Des traces de clous sur les murs montraient qu'autrefois des photos y étaient accrochés. Il se mit à la recherche de ces photos.

Il en trouva une, sous le canapé. Elle était dans un cadre, et l'écran en verre était brisé. Ode y apparaissait déguisée en robot et son fils en Dalek. C'était évidemment le soir d'Halloween, et ils avaient l'air heureux. Il trouva d'autres photos, parfois déchirées ou à moitiés brûlées, toujours cachées. C'était toujours Ode et son fils.

 Ode Aux Ascenseurs Where stories live. Discover now