Chapitre XVI

308 27 23
                                    

* Ce qu'on nous doit*

Vraiment, il n'était allé nul part. C'était ce qu'il lui fallait, nul part, un paysage neutre qu'il pouvait peindre de ses pensées. Il avait ruminé, les poings serrés, il avait réfléchi, les paumes découvertes, il avait pensé à voix haute, à voix basse, les yeux grands ouverts. Il n'avait pas attendu la nuit, la nuit était venue, c'est tout. Et dans la nuit de Manhattan, sa tour brillait au loin.

Et alors il pensa à Ode, à son sac à dos. Elle voulait partir, était-elle partie ? Allait-il trouver sa tour vide, maintenant qu'il avait les répondes ? Il fallait qu'elle soit là, qu'il lui dise.

Quand les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur son grand salon, la lumière était allumée et Ode était assise en tailleur, un verre à la main, en train de lire un petit bouquin. On aurait dit une mère attendant que son fils revienne en retard d'une soirée, Tony ne put s'empêcher de rire jaune :

- Tu es restée pour me gronder ?

- Non, je t'attendais, c'est tout. D'ailleurs tes amis reviendront quand tu auras décidé de te mettre au travail, ils te fileront un coup de main si tu as besoin.

Tony avança vers elle, un rictus sur le visage.

- "Quand", tu as l'air bien sûre de toi, de moi. Je n'ai pas encore pris ma décision.

-Allons Tony, on sait très bien comment ça va se terminer. Bien sûr que tu vas les aider.

- Et pourquoi donc ? Parce que je suis un héros ?

- Un peu, peut-être, mais surtout parce que tu veux ramener Pepper.

Il se tenait debout devant elle, assise. Elle avait son sourire habituelle. Elle ne se rendait pas compte du mal qu'elle se faisait, elle se plantait un couteau dans le cœur et elle ne le voyait pas le sang qui coulait. Mais Tony si. Il voyait le bout de femme sur son canapé qui souriait. Il entendait à quel point ses mots étaient triste. Elle faisait comme si elle n'avait pas d'importance. Et ce fut lui qui en saigna.

Il s'assit à côté d'elle, prit une inspiration et plongea son regard dans le sien.

-Oh Ode, toi qui es si sûre de toi, tu as tort, tellement tort.

- J'ai tort ?

- Tu as dit que j'aimais Pepper, que je ne pouvais t'aimer, du moins pas autant, Mais Ode, ce n'est pas une question de mesure, tu te trompes de sujet. Pepper est morte il y a quatre ans. Et pendant quatres ans les jours on été gris. Jusqu'à toi. Tu m'a tout redonné. Tu es là. Quand j'imagine le chemin vers chez moi, ce n'est pas une machine à remonter le temps que je vois ni Pepper. Quand je te vois, je vois que je suis chez moi. Tu es celle que j'aime ici et maintenant, c'est tout ce qui compte. Et j'ai l'impression qu'avec toi mes côtés, je peux tout faire, tout supporter. Malgré tout ce que j'ai dit de bien ou de mal, de maladroit, de ce qui t'as blessé et de ce qui m'a blessé, de ce que nous nous sommes infligés et de ce qu'on a raté, et peut-être que ce n'est pas assez mais c'est la seule vérité. Je voulais que tu le saches.

Tony passa sa main sur la joue d'Ode, lentement, délicatement. Elle le regardait, en silence. Elle ne savait pas quoi dire. Il n'y avait rien à dire. Ode réalisa sa stupide erreur. Elle comprit que Tony l'aimait, même s'il le faisait parfois mal, même s'il la décevait quelque fois, la blessait aussi. Ce n'était pas l'amour qu'elle lui donnait elle, le plus bel amour, le plus entier. Ce n'était peut-être pas la manière dont elle aurait voulu être aimé, mais c'était tout ce qu'elle avait. Elle était aimée et elle aimait, c'était plus que suffisant.

Émue, la gorges serrée, elle souffla :

- Alors qu'est-ce qu'on fait ? On s'enfuit dans un avion et on part pour l'Europe ?

 Ode Aux Ascenseurs Where stories live. Discover now